Milan here we come - Benjona

Un simple son franchit mes lèvres suite à son explication pour le jacuzzi. Un "Oh" légèrement étonné. La maison qu'on loue depuis le début de l'été à l'intérêt de la piscine dans la cour arrière, c'est vrai. Et malgré qu'il en profite allègrement, je ne m'attendais pas à ce que ça devienne un incontournable pour lui. Simplement que puisque c'est là, il savoure le plaisir. Honnêtement, je croyais que c'était un l'un de ses points pour me convaincre de parcourir la moitié du globe pour passer l'été ailleurs. À croire qu'il s'est pris au jeu.

S'il avait oublié de me dire pour notre rencontre avec Salcha aujourd'hui, je n'en suis pas pour autant surpris. Mais de me faire dire qu'elle sera là dans moins de 5 minutes si elle est ponctuelle, ça par contre… Ça fait basculer les choses. Par réflexe, je deviens plus sur mes gardes et rebatti mes défenses que je laisse désormais tomber facilement quand je suis seul avec Jona. La nouvelle habitude de ne plus avoir à fuir, de ne plus avoir des ennuis qui pourraient me tomber dessus à tout moment. Cependant, je ne peux pas m'empêcher d'être plus tendu et alerte lorsque je me retrouve dans une situation comme maintenant. Un peu acculé au pied du mur. C'est plus tôt que je ne le pensais.

M'assurant qu'il m'aime, Jona se lève, abordant une expression de parfait mec de la haute qui ne lui ressemble pas lorsqu'on le connait, mais qu'il sait parfaitement jouer lorsque nécessaire. Je sais que tu m'aimes Baby, tu n'aurais pas fait tout ça pour moi sinon. Mais excuse-moi si j'ai de la difficulté à prononcer les mêmes mots présentement. Ce n'est pas que je ne les penses pas. C'est juste la situation qui me fait me taire.

Sans trop s'en rendre compte, Salcha vient se planter plus ou moins à côté de moi. J'en lève les yeux pour la regarder, analyser ce qu'elle est devenue et je suis à peine étonné de voir qu'elle aborde encore sa fausse crinière rousse. Naturellement châtaine, le roux convenait beaucoup mieux au caractère de feu qu'elle avait à l'époque. Et qu'elle doit encore avoir sous la façade qu'elle aborde en pensant avoir affaire à une possibilité de contrat. Lorsque ses yeux se posent sur moi, à ma présentation par Jona, l'expression de Salcha change comme si elle avait soudainement affaire au fantôme des Noëls passés. Elle blêmit, mais ses traits se durcissent rapidement. Ça ne fait pas son bonheur de s'être fait berner et les paroles de Jona qui brise ses idées de possible fuite, n'aide en rien à son humeur. Boudant, elle finit par prendre place dans l'une des chaises disponibles, croisant les bras, me saluant finalement. Un bref signe de tête de ma part en guise de salutation.

- Salut, fis-je simplement, la voix lente. Long time no see. Mais y'a quelques trucs qu'on a peut-être oublié de se dire depuis qu'on s'est vu pour la dernière fois. Donc...

Je laisse ma phrase en suspens et d'un signe de la main, je lui indique que j'attends ce qu'elle a à dire. Je sais très bien que, dit comme ça, j'ai des chances de l'emmerder. Qu'elle risque de se dire que si on est face à face aujourd'hui, à Milan qui plus est, c'est que je suis déjà au courant de quelque chose. Mais je veux entendre sur quoi elle se lancera. Si elle se lance. Parce qu'elle peut tout aussi bien me dire d'aller me faire foutre et se taire, mais dans ce cas, on continuera avec la carte de Jona en disant que ça peut durer indéfiniment la chasse-poursuite.

Elle n'a pas l'intention de lâcher quoi que ce soit. Du moins, pas aussi simplement. Pas sans indications. Elle se contente de me fixer avec un air de défi clairement affiché sur son visage. Tu sais très bien que ça ne fonctionne pas indéfiniment avec moi Sal. J'ai peut-être pas énormément de patience, mais à dire vrai, elle n'en a pas plus que moi. Et c'est peut-être l'une des raisons pourquoi on aurait jamais pu avoir une relation plus avancé que fuckfriends. On se ressemble trop sur nos mauvais plis pour que ce soit réellement viable. Le combat de regard continue jusqu'à ce que Jona n'intervienne à l'adresse de la rouquine et qu'elle ne se détourne finalement pour lui accorder de l'attention. Le coin de mes lèvres se retrousse furtivement avant que je ne fronce les sourcils à sa façon de s'adresser à Jona. Jona qui réponds avec une simplicité qui lui est propre, calmant imperceptiblement le jeu. Mon pied va rencontrer le sien sous la table nappé blanche. Une légère pression près de sa cheville. Thanks Babe. Je tique par contre lorsqu'il reprend le "quelque chose comme ça" qu'elle a sorti pour le qualifier. Mon regard croise le sien l'espace d'un instant, et même si je n'ai pas envie de déballer quoi que ce soit à notre vis-à-vis, il doit comprendre que je n'aime pas pour autant l'abaissement que ça lui fait subir. Il recentre cependant la conversation sur la raison de ce rendez-vous, me laissant la parole et je me mange un nouveau regard de mon ex. Boh.

- Y'a bien des choses qui ont changés depuis Fairbanks, Sal, commençais-je. T'es passé des contrées glacées de l'Alaska au podium de défilé de mode à Milan. Et si, ni toi, ni moi, on avait de doutes que ça pouvait se produire, ça reste que c'était prévu qu'on s'y retrouve. Depuis la dernière fois qu'on s'est vu, j'ai retrouvé de la famille que je ne connaissais pas. Je veux savoir si j'en ai ici aussi, lâchais-je, direct.

Est-ce que c'est trop direct? Non, je crois pas. Est-ce qu'elle pourrait se foutre de ma gueule, questionnant si je refais le tour de mes exs pour savoir si j'ai fait des conneries? Oui, ça pourrait. Ça pourrait même être drôle de voir ce que ça donnerait comme échange. Mais j'ai jamais été du genre à tourner autour du pot. Ça, elle le sait.

Si mes explications ont réussi à l'étonner, ce n'est pas pour autant sur le bon point. Elle accroche sur l'histoire de la famille avant de se tourner vers Jona. Une légere grimace d'irritation transparaît un instant sur mes traits avant que je ne reprenne un expression plus neutre tandis qu'elle scrute les traits de ma fouine. Cherche pas Sal, c'est pas mon frère. Loin du compte. Sinon je serais vachement tordu. Et c'est beau, je crois que j'ai assez de tares à mon actif.

Arrêtant finalement d'analyser mon boyfriend sous toutes ses coutures, elle me demande ce que je fais là, jouant encore celle qui ne sait pas. Lui retournant un regard aussi froid que le sien, c'est néanmoins Jona qui répond à ma place. Beaucoup plus calmement que ce qui serait sorti de mon côté. Mais il est aussi direct que j'ai pu l'être.

En quelque secondes à peine, l'expression de la rouquine se transforme et elle laisse échapper un soupire. Qui est censé m'avoir dit ça? Becca? Peut-être. Elle et Salcha se connaissaient, même si c'était pas de grandes amies. Le coup de pied de Jona me fait tourner la tête en sa direction, perdant le contact visuel avec mon ex, mais ses mots atteignent parfaitement mes oreilles et me glace l'intérieur sous la surprise.

Christine.

Ma mère savait. Elle savait et n'a rien dit. D'accord, elle n'a jamais apprécié Salcha, mais c'est pas une raison. Mon poing se serre sur la table et je tourne à nouveau la tête pour fixer celle qui me raconte de nouveaux épisodes dans la vie de ma mère dont je n'étais pas au courant. Non seulement, elle n'a pas voulu que je sache, mais elle lui a dit d'avorter. Un silence plane après ces déclarations et j'analyse la posture de ma vis-à-vis. J'ai pas l'impression qu'elle dit de conneries. Aussi difficile à avaler que ça puisse être. Pourquoi y'a autant de ficelles qui finissent par aboutir à ma mère dans le tas de noeuds qu'est ma vie? Parce que c'est la seule personne que j'aie jamais véritablement eu? Bon point.

Poussant finalement un profond soupir, je déplie mes doigts contractés et passe ma main sur ma nuque.

- Et vous êtes heureux, ici, tous les deux? demandais-je finalement, plus doux que ce que j'ai pu être durant cette conversation.

Ça sert à rien de prendre les nerfs après elle. Et si ma mère lui a donné de l'argent pour qu'elle avorte et qu'elle s'est plutôt payé un billet pour Milan, j'irai pas le lui reprocher. À croire que ça servait pas qu'à payer de la drogue ou de l'alcool finalement.

Je vais avoir besoin de parler à ma mère. Sérieusement. J’ai reporté longtemps cette discussion. Presqu’un an en fait. Depuis que je sais pour ce certificat de décès qu’elle a fait émettre à mon nom. Je voulais trouver la preuve physique et la confronter face à face. Mais j’ai pas encore trouvé ce fichu papier. Je n’ai pas vraiment chercher ses derniers temps non plus. Trop occupé à faire autre chose. Comme vivre. Et lorsque j’ai vu ma mère la dernière fois, ce n’était pas le temps pour ça. Pas alors qu’elle allait se marier. Je manque peut-être de tact par moment, mais je sais encore que ça aurait été particulièrement salaud de faire ça là. Alors je me suis tus. Et depuis, j’ai relativement tout planqué dans un coin de ma cervelle. J’ai mis de côté et j’ai plutôt profité de la vie. Seulement la liste de ses actes qui se sont fait dans mon dos commence à s’allonger. Et si, j’ai toujours su qu’elle était loin d’être clean, je commence à trouver que y’a plusieurs de ses magouilles qui pousse le bouchon beaucoup trop loin.

Et j'en deviens navré pour Salcha qui en a payé les frais. La situation aurait probablement été différente si j'avais su dès le départ. J'aurais probablement pas la même vie. Elle, non plus. Et ...Eva. Une fille. Ma fille. Qui grandit vite apparement. Que je n'ai jamais vu. Et dont je ne savais pas l'existence y'a de ça quelques semaines. J'ai l'impression que mon coeur manque un battement avant de se lancer dans une rythme cinglé. Et pourtant, c'est comme si tout autour ralentissait. Mon regard se perd un moment sur la salle qui nous entoure, cherchant à m'appuyer sur la vie ambiante pour reprendre un bon rythme, tandis qu'inconsciemment, ma jambe se presse un peu plus sur celle de Jona. C'est le même effet qu'à eu Frederick en recevant cette lettre?

- Je voudrais la voir, laissais-je finalement tomber en reposant mon regard sur la rouquine. Christine ne sait pas que je suis au courant ou que je suis ici, précisais-je avant qu'elle ne panique à ce sujet. J'ai pas l'intention de lui dire non plus. J'aimerais voir ...Eva, redemandais-je, hésitant sur le prénom comme si le dire pour la première fois à voix haute rendait le tout encore plus concret.

Je n'ai pas besoin de tourner la tête pour savoir que Jona me fixe. Je sens le poids de son regard. Ses pupilles noisettes qui essait probablement d'analyser mes pensées et ressentiment en fonction de mes expressions et des paroles. Ça va Baby. Enfin, je crois. Et lui? Est-ce qu'il a peur à nouveau? Puisque ça se confirme. Puisque j'ai vraiment ...une petite fille. Sans une once d'hésitation, j'étire la main que j'avais posée sur la table pour rejoindre la sienne et enlacer ses doigts. Accrochant son regard, je fais une légère pression et le coin de mes lèvres s'étirent légèrement, me voulant rassurant. Ça va Baby.

Je me fous de ce que Salcha en pensera, je lui ai déjà dit ma sexualité. Si elle l'a oublié en chemin, c'est pas plus grave. Et c'est pas son opinion qui m'importe à ce sujet de toute façon. Là, ce que j'attends, c'est qu'elle me dise où et quand je pourrai rencontrer la petite.

Les bonnes soeurs? En pension pour un enfant de trois ans ou environ, c'est pas un peu tôt? D'accord, j'y connais rien là-dedans, mais… Mais je suis son regard vacillant qui se pose sur Jona, comme si elle cherchait un accord de sa part ou autre chose. Un échange silencieux entre les deux et ma fouine sert un peu plus ma main. Qu'est-ce qu'il a compris ou qu'il sait et que je n'ai pas compris?

La rouquine ouvre à nouveau la bouche, explique sa situation d'il y a quelques années à demi-voix. Et lorsqu'elle relève finalement la tête pour me regarder, je me doute déjà de ce qu'elle va dire. Elle confirme d'ailleurs ma pensée, ajoutant des détails que je n'avais pas figurés et qui me sont secondaires. La petit est ici, mais elle ne vit pas avec Sacha. Placé pour adoption, elle n'a pas encore de foyer. Étrangement, parmi tous les scénarios qui ont pu me traverser l'esprit depuis que Jona a sorti l'hypothèse que j'aie de la descendance, j'avais je n'avais pris en compte que la rousse ne serait pas avec elle. Seule, avec un copain ou un mari, une nounou ou sa nouvelle meilleure amie… ce sont des idées qui me sont venus. Mais pas que les deux soient séparées. Et je sais pas comment je dois prendre ça. Alors pendant un moment, je me contente de la fixer, en silence et sans expressions.

Sortant finalement de mon immobilité, je fais signe au serveur qui s'empresse de venir. Demandant à emprunter son stylo, j'attrape une serviette pour inscrire mon numéro de cellulaire et le numéro de notre chambre. Le crayon retourne à son propriétaire qui comprend rapidement que c'est tout ce que j'attendais de lui et je pousse la serviette devant Salcha.

- Prends rendez-vous, dis-je simplement, reprenant un ton que je n'utilise presque plus en présence de Jona, plus brusque, plus sec, un ton qui date d'avant et qu'elle a plutôt bien connu, mais qui ne me revient que par réflexe. Rapidement. Et avertis-moi. Maintenant, t'as mon numéro. Et on loge ici.

Fouillant dans mes poches, j'en sors mon portefeuille et dépose plus que nécessaire pour le petit déjeuner en liquide sur la table avant de me lever, regardant Jona, m'attendant à ce qu'il en fasse autant. Il n'y aura rien de plus pour l'instant et tout ce qui court dans mon cerveau sont les renseignements que j'ai, comme des mots pris dans une tempête, tourbillonnant sans que je n'y pose un véritable sens.

Avant de quitter la zone, j'ai tout de même un dernier regard pour mon ex.

- Je ne t'en veux pas, précisais-je tentant d'être un peu plus doux cette fois, avant de tourner les talons pour remonter à notre suite.


La poignée tourne sans faire d'histoire après que j'ai passé la clé magnétique dans la fente prévu à cet effet. Et je n'ai fait trois pas dans la chambre que ma veste va atterrir sur le canapé en un geste raide, mes baskets restant dans l'entrée. Mon t-shirt va embrasser le plancher avec le même manque de délicatesse alors que je continue d'avancer. Le contenu de mes poches finit dans un bol décoratif sur l'un des bureaux et je retire mes bas avant de pénétrer dans la salle de bain. En gestes rapides, je fais basculer les commandes pour allumer le jet d'eau de la douche et reste sous celui-ci alors que la température n'est pas encore réglée. D'abord glacé à m'en donner la chair de poule, elle se réchauffe rapidement jusqu'à l'être trop, faisant probablement rougir ma peau. Dos à la porte, j'ai un mouvement rageur, donnant un coup au mur devant moi, frappant de mes poings fermés en même temps que mes avant-bras. Ce n'est pas particulièrement fort. C'est simplement libérateur. Autant que l'est le carrelage froid lorsque je pose mon front dessus, ayant laissé mes poings contre la céramique. Je n'ai pas pris le temps de me débarrasser de mon jeans ou de mon boxer, mais présentement, je m'en contrefou, j'ai d'autres trucs qui me vrille le crâne et que je dois remettre en ordre. À commencer par cette question : je fais quoi maintenant?