How to be drunk on love

Je ne bois pas. Alors qu'est-ce que je fais à me diriger vers le bar? J'accompagne Jona pour lui servir de monnaie d'échange. Mon portefeuille n'est absolument pas en jeu. Loin de là. Ça fait longtemps que c'est défini que l'un n'a pas besoin du soutien financier de l'autre. Peu importe le sens. Mais ce soir, je lui sers quand même à payer ses drinks. Comment? Parce que pour le bal, si tu veux un verre, tu dois embrasser quelqu'un. Les smacks sur la joue comptent aussi de ce que j'ai compris et j'ai pas de doutes qu'il aurait bien un ou une de ses amis pour l'empêcher de crever de soif tout en calin, mais je préfère encore contribuer autant que je peux. Je ne doute pas de lui, mais j'ai développé un petit point faible pour ses lips. Et même si je risque de me contenter d'un coca ou deux pour la soirée, j'ai pas de problèmes à ce qu'il vide plusieurs verres. Je le connais assez allumé pour qu'il ne se rendre pas au coma éthylique. Et puis, je suis là, au pire des cas.

Repérant deux tabourets libres à un coin du bar, je les lui montre d'un signe de tête avant de l'y entraîner, mes doigts croisés aux siens. Un petit extra lorsqu'un arrive, je le fais passer devant, comme on fait tourner un danseur, espérant voir sourire un peu plus grand. Prenant place sur l'un des bancs, je me penche tout de même pour souffler à son oreille.

- Prends ce que tu veux, de toute façon, c'est moi qui va se régaler, fis-je, amusé, jouant sur les mots.

Alors qu'on s'installe au bar, j'indique à Jona qu'il peut prendre ce qu'il veut, puisque c'est un peu à mes frais et que de mon côté, ça ne me fait que profiter à outrance de ses baisers. Y'aurait fallu que je dises non? Et puis quoi encore! Et ça vaut bien le sourire qu'il me sert, même si celui disparaît lorsqu'il se met à parler. J'en hausse un sourcil, vaguement inquiet avant de réaliser le plaidoyer qu'il est en train de me faire. Amusé, je le laisse faire.

- Qu'est-ce que je vous sers?

Je m'attends à voir Jona commander puisque c'est lui qui voulait venir de prime abord, mais j'ai plutôt droit à un regard insistant de sa part. Il était sérieux avec sa demande que je l'accompagne? Il sait que je bois presque jamais et… croisant ses pupilles une nouvelle fois, je flanche. Je vais peut-être regretter plus tard.

- Ce qu'il veut pour nous deux, laissais-je entendre. Plus une bouteille d'eau.

Juste au cas où j'aurai de la difficulté avec sa boisson. Et y'a aussi que j'ai pas trop envie d'avoir le mal de bloc demain. Boire en sa compagnie, ça m'est déjà arrivé quelques fois : bière lors de soirée poker, champagne pour célébrer la fin de son bizutage, champagne au coca sur la plage parce qu'il a voulu me faire plaisir… so why not tonight?

- Un boisson pour vous deux par baiser, m'explique le barman. Tu veux une bouteille d'eau ou un drink?

Un instant, je le regarde. Sérieusement, mec, fais un effort! C'est pas comme si ce que je demandais était vachement compliqué. Secouant à peine la tête, je glisse la main au cou de Jona et me penche pour unir mes lèvres aux siennes. Peut-être un peu insistant pour ce qui est demandé, mais j'ai dû agir comme son simple coloc pendant des semaines, maintenant que c'est clair avec sa demi-soeur, je peux bien profiter de la soirée et de sa proximité, non?

Me séparant de lui, je tourne la tête pour voir le barman qui soupir avec un air de "Ça va, j'ai compris." Je suis probablement pas le premier à lui faire le coup ce soir. Un haussement simple des épaules et, me détournant de lui, je m'approche de l'oreille de Jona.

- Profite, t'as réussi à me convaincre de ne pas conduire ce soir, lui indiquais-je. Mais je ne veux pas te retrouver dans le coma pour autant, fis-je avec un sourire en coin.

Il ne s'y rendra pas, du moins c'est ce que je crois, mais je le taquine légèrement.

Ça ne prends pas grand chose. Un simple effort de ma part. Accepter de prendre un verre ou deux avec lui sans qu'on ne soit entre les quatre murs de l'appart et qu'on ne soit que tous les deux. Très rare que j'accepte un verre et encore moins quand je suis de sortie, mais encore une exception à la règle, ce soir, ce n'est pas moi qui conduit. C'est sa soirée. Son bal. Comme à tous les ans à Harvard, vous direz, mais pas pour Jona. C'est le premier qu'il se souviendra puisqu'il a perdu de nombreux souvenirs de son passage ici avant son accident. Alors, j'essaie que ce soit mémorable. Donc c'est le costard - ça reste sobre et sans cravate ou noeud papillon -; l'aller-retour en limousine; notre visite du bar et d'accepter de prendre un verre. Je ne sais pas encore si j'accepterai d'aller sur la piste de danse. Je ne l'en empêche absolument pas cela dit. Simplement que je n'ai pas réellement le sens du rythme et zéro souplesse. Et comme je n'aime pas me donner en spectacle, je n'y vais pas. Il le sait. Depuis qu'on se connaît, il m'a vu danser deux fois. La même soirée. Au mariage de ma mère. Une fois avec elle. Pour lui faire plaisir et respecter les traditions en quelque sorte. Et une fois avec lui justement, mais le seul truc que je connaisse vraiment s'apparente à une valse ou un truc assez lent. Et c'est pas tout à fait ce qui joue. Dans la partie bar, ça ne joue pas assez fort pour qu'on en soit obligé de se parler près de l'oreille, mais c'est tout de même ce qu'on fait et lorsque mon boyfriend s'avance, je me penche automatiquement, passant une main à ses côtes. Ce que je n'avais pas prévu c'est que ses lèvres se posent sur mon lobe d'oreille, me tirant un léger frisson, accentué par ses paroles. Il est mieux d'être bon son truc aux pommes! Parce que je suis pas contre son plan, sauf que, nous connaissant, ça pourrait limite dégénérer et écouter notre présence à cette soirée. ...ou on se trouvera une salle de classe déserte et on continuera ce qu'on a déjà commencer y'a des mois.

- C'est pas du sirop, ma fouine. Et on n'est pas solo à l'appart, précisais-je avec un sourire en coin et les yeux brillants.

Mon pied passe sous le barreau de son banc et, d'une traction, je le rapproche du mien pour qu'on arrête d'être à moitié penchés. Et puis, même si on a les jambes un peu emmêlées, je crois pas que ça lui dérange particulièrement qu'on soit aussi près.

- Deux Appletinis, fait le serveur en déposant les verres triangulaires sur le bar.

Un verre d'eau avec glaçons ne tarde pas à suivre et il file à nouveau. Par curiosité, j'apporte contenant empli de liquide vert près de mon nez pour le sentir. Ça n'a pas l'air si mal. Mais avant de confirmer par une gorgée, je tends le verre à la rencontre de celui de Jona.

- À ta soirée, Baby, soufflais-je en trinquant, ne le quittant pas des yeux.

Après quoi seulement, je consens à prendre une gorgée. Je sais pas exactement à quoi je m'attendais, mais ça va. L'effet chaud de l'alcool est compensé par le goût - totalement artificiel, mais soit - de la pomme verte que j'aime bien mine de rien.