HEAVEN • NINA AGDAL

« Ah l'air frai et pur de l'Arkansas... Pardonnez-moi, l'air empestant la bouse des vaches emprisonnées entre quatre pieux et quelques barbelés de cette merveilleuse... hm quoi déjà ? Ce trou est si pommé que personne ne doit le connaître à part, Eleven, sa famille et les deux trois vieux cowboys qui racontent à qui veut l'entendre leur exploits de jeunesse. N'est-ce pas génialissime ? Et vous ne perdez rien pour attendre ! Je vais vous conter, en me glissant dans la belle beau de la concernée, la passionnante - je ne me suis endormi que sept fois - vie de Heaven et de sa famille stéréotypée à souhait. »
En ce jour plutôt chaud, surtout lorsque l'on vient de rester affalée au soleil à écouter bavasser Chip qui faisait part de ses racontars à la pauvre jeunesse, la mère d'Eleven à savoir Lottie commençait à éprouver de fortes et instantes douleurs qu'un verre d'alcool ne purent calmer tout à fait. Son ventre tout aussi rond que le soleil au zénith semble sur le point d'exploser, sans pour autant que celle-ci ne fasse le rapprochement entre son neuvième mois de grossesse et ses contractions. Mais que font les gens un brin intelligent ? Ah oui, ils sont loin d'ici, sans doute à faire savourer leur savoir à d'autres. Bonjour l'organisation. « Bon sang, elle est sur le point de mettre bas ! » Hm ? Merci de t'en rendre compte, mais le seul détail qui me déplait est que mettre bas s'accorde à ta jument, ou encore à tes animaux mais pas à une femme. Après tout, cela dépend de la vision que t'as de la femme, je dis ça, je dis rien. « Il faut un lieu sain ! Viiiiiiiiiite » S’égosille le même homme avec frustration, presque plus que la femme enceinte. La grange était surement le seul endroit qui ferait l'affaire, songent-ils tous... Pff, sérieusement, les animaux y dorment, tu crois que c'est sain, ça ?



« Bien dormi ? Ouais, sincèrement, c'est une bonne berceuse sa vie ? Bah encore, pour vous préservé je vous ai épargné quelques détails pas très jolis-jolis... Aller, on y repart ? Là je vous conseille de prendre une tite tisane avant de commencer, car faut l'avouer, son quotidien, ses péripéties, on s'en fout totalement. »
Plusieurs années se sont écoulées depuis sa naissance, si bien que les douleurs éprouvées et le sang sur la paille ne sont plus qu'un lointain souvenir... Désormais Eleven a seize ans, désormais Eleven est jolie, désormais... On se demande surtout comme deux thons comme ses parents ont pu donner la vie à une si belle fleur, si douce, si délicate... Surtout lorsque l'on sait que tous ses autres frères et sœurs ne sont que la copie conforme de leur géniteurs. Malgré sa beauté, la jeune fille n'a gagné aucun des concours de Miss - Sisi, vous savez les concours idiots dont les pecnots sont très friands - auxquels elle a assistée toute son enfance, ayant toujours un détail qui cloche : une fois c'était son nez disgracieux, l'autre ses fines taches de rousseurs etc... Pourtant, Heaven prend toujours cela avec le sourire, prend sur elle et tâche de paraître forte, sans faille. Bien évidement, cette personnalité aurait pu continuer de s'épanouir si un évènement n'avait pas ébranlé sa joie de vivre, la conduisant à avoir de lourdes déprimes conséquentes. « Mademoiselle, puis-je ? » Commença un inconnu avec un sourire en coin. « Bonjour, euh... » Sa timidité reprit le dessus, l'empêchant de terminer convenablement sa phrase. « J'ai remarqué votre physique qui serait plus qu’avantageux pour le mannequinat... votre taille ? » Rougissante, Eleven ne savait que dire. « Un mètre soixante-dix-sept... » Se contenta la jeune fille.



« N'est-ce pas frustrant de ne pas savoir ce qui va se passer, hein ? Surtout lorsque l'on connait le secret de la jeune fille... Vous pouvez vous rendormir, c'est encore plus barbant que précédemment... »
Des larmes. Elles coulent toutes seules, même dans l'avion qui la conduit à Cambridge. Même des années plus tard, deux plus exactement, cela la ronge toujours autant. Comment avait-elle put croire que quelqu'un voudrait d'elle comme mannequin ? Lui, il voulait simplement tirer un bon coup, lui voler son innocence... Heureusement qu'elle savait frapper où il le fallait, heureusement qu'elle avait été assez lucide pour s'échapper... Aujourd'hui, après avoir décrochée une bourse pour Yale, Eleven s'y rend, une boule au ventre. Le monde lui fait toujours aussi peur..