Freya Orhen ► Marloes Horst

Vous êtes, un genre de psy ou juste un d'une curiosité morbide ? Vous voulez savoir quels obscures secrets, quelles tares insondables ont tapissé mon existence et m'ont poussé à être celle que je suis ? Bah y'a rien. Chuis une fille banale, avec une vie banale.
Chuis née la première, première née d'une famille on ne peut plus ordinaire. Y'a pas grande chose à dire. Freya, un nom de divinité nordique pour une toute petite chose. Margaery pour quelque illustre aïeule éteinte depuis fort longtemps. Peu importe, j'étais bien trop jeune pour m'y opposer. Rien qu'une petite tête blonde, silencieuse et pas chiante pour un sous. Ah, la belle époque. Au début, j'ai cru que je serais éternellement seule et j'aimais ça. Que j'aurais mon papa et ma maman que pour moi. Ca a duré que deux ans. Après, y'a eu Marloes, ma petite soeur. J'avoue que ça me bottait bien d'être grande soeur, du genre celle qui protège mais surtout celle qui commande, vous voyez le genre ? J'adorais Marloes. Et j'adore toujours Marloes. Ce qui a changé, c'est pas elle, c'est mes parents.

J'étais la petite chérie, je n'étais plus. Je n'existais plus. Quoique je fasse, je ne trouvais plus grâce aux yeux de mes parents. En revanche, il n'en ratait pas une lorsque j'avais le malheur de faire quelque chose de travers. Ironique tragédie. J'étais heureuse d'avoir une petite soeur quand ça me privait d'avoir des parents. J'étais invisible, reléguée au second plan voire pire, hors du cadre. Et c'est là que le bas blesse. Quand on a connu que l'amour, on ne comprend pas pourquoi on nous renie soudain, pourquoi tout ce qu'on nous accordait est désormais offert à une autre, ce qu'on a pu faire de mal et surtout ce qu'on peut faire pour réparer. Parce que quand on est enfant, on veut tout réparer: la tasse de la dinette, le bras de l'ours en peluche, la tête de barbie... Mais une vie, un coeur, ça ne se répare pas. Jamais.

Au bout d'un moment, j'en ai marre d'essayer, marre de vouloir être parfaite pour eux. Il n'en avait rien à foutre alors j'allais vivre pour moi. J'en voulais pas à Marloes, loin de là, je l'adorais toujours autant. Mais à 15 ans j'ai décidé de me prendre en main, de tout faire pour ne plus avoir à dépendre de ceux qui ne voulaient tout simplement pas de moi. J'ai enchainé les petits boulots, pour me faire des économies. C'est là que je me suis découverte un don et une passion pour la mécanique. Je pouvais passer des heures à bricoler des bagnoles. C'était addictif, c'était relaxant, c'était intense et le plaisir qu'on prenait ensuite à les conduire, à les entendre ronronner... jusqu'à présent je n'ai rien ressenti d'aussi jouissif. Pas même un mec. Ca aussi, c'est un truc auquel j'ai été conforonté à l'adolescence: les mecs. Comme tout le monde, je suis pas de marbre, j'ai été amoureuse de garçons. Ca n'a jamais été réciproque. Je n'étais qu'un bon pote pour eux, la fille mécano. Faut dire que je ressemblais pas du tout à ce à quoi je ressemble maintenant. Alors j'ai décidé de me tourner vers les filles. Décider est un bien grand mot, ça s'est fait tout seul. Y'avais cette jolie fille à mon lycée. On passait du temps ensemble, ce que je faisais avec personne d'autre que ma soeur. On dormait l'une chez l'autre. Je croyais avoir une relation amicale franche avec une fille, enfin. Pas non, ça a fini par déraper. Et je me suis dis que finalement, les filles, c'était pas plus mal !

Paradoxalement, Marloes et moi on a jamais été aussi proche que quand les tensions avec mes parents étaient les plus fortes. Elle n'y était pour rien dans leur comportement et ne pouvait pas les changer, je ne voyais pas pourquoi je lui tiendrais rigueur de leurs erreurs. C'était ma soeur, ma petite soeur. Je veillais sur elle, je lui évitais les ennuis, je lui évitais les cons. Je pouvais pas tout lui éviter mais je faisais mon maximum. Et puis j'ai du partir pour la fac. J'avais visé haut mais pas très loin de la maison pour autant. Je ne voulais pas perdre le contact avec Marlo. Mes parents pouvaient aller au diable. Ca faisait des années qu'ils n'existaient plus à mes yeux. Quand j'ai reçu la lettre pour Harvard, c'est avec Marloes que j'ai été faire la fête. Sacré soirée d'ailleurs ! Mémorable ! Et puis je suis entrée en bi cursus physique/astrophysique. Bah quoi ? Vous croyez que parce que chuis blonde, j'ai rien dans la tête ? Crétins.
Ca vous a plu comme confessions ? Je peux y aller maintenant ?