Aucune réponse de ta part. A vrai dire, t'as pas entendu ta mère s'égosiller. Trop occupée à danser sur un morceau de musique poussé à fond par ta chaîne hifi. Enfin, ta mère. Ta mère adoptive, plutôt. Ca fait quelques jours que tu le sais maintenant. Et t'as pas tellement digérer la nouvelle. Pour pas dire que tu refuses que ça soit vrai. Tu te surprends parfois à observer ta mère ou ton père, cherchant n'importe quelle ressemblance. Mais faut te rendre à l'évidence, vu que t'en trouves aucune.
- ZELDA FAUSTHEEN VON FROSTHEIM, t'as intérêt de descendre tout de suite au salon avant que je vienne te chercher par la peau des fesses ! Dans tout les cas, ça va chauffer pour ton matricule !
Tu baisses le volume, ayant entendu ton prénom mais pas tellement la suite. Qu'est-ce qu'elle te veut encore celle là ? T'as une petite idée sur la question. Mais t'enfouis la réponse dans un coin de ta conscience, enfilant un bas pour pas descendre à poil. T'éteins le joint que tu venais de t'allumer, pour enfin daigner voir ce qu'elle te veut. Tu passes la porte de ta chambre, que tu ne manques pas de claquer après ton passage. Tu descends les escaliers en traînant des pieds, te dirigeant vers le salon, où des voix en proviennent. Ta mère est là. Ton père aussi. Un air blasé tout les deux sur le visage. Une feuille blanche dans la main de ta mère. Tu viens t'installer négligemment dans le canapé, venant poser tes pieds sur la table basse.
- Un peu de tenue Faustheen.
Tu crispes la mâchoire. Bordel ce que tu détestes ce prénom. Il existe vraiment que tes parents et tout autre adultes aussi chiants qu'eux pour t’appeler ainsi. Les autres, ils t'appellent tous Faust. Et ça te va très bien comme ça. Tu retires tes pieds nus de la table pour les mettre sur le canapé. Tu vois ta mère grimacer et ça te fait sourire. T'aimes bien la faire rager, surtout ces temps ci. Le silence s'abat sur le salon, t'attends. T'attends qu'ils parlent. Bien décidée à ne pas être la première à ouvrir la bouche. Ton père n'a encore rien dit lui. Il se contente juste de te regarder avec un air indescriptible. Tu soutiens son regard, essayant de deviner ses pensées. Jusqu'à qu'elle se décide à le briser, ce silence.
- Tu peux peut être nous expliquer ça.
La feuille qu'elle avait dans les mains vient se poser sur la table. Histoire d'accompagner le geste à la parole. Tu jettes un regard vite fait dessus, sachant déjà ce qu'il y a écrit. Tu hausses les épaules, un sourire en coin dessinait sur tes lèvres. T'as pas envie de t'expliquer, c'est assez clair, pourtant. Vous auriez peut être dû filmer, en fait..
- Tu joues à quoi, Faustheen ?
Nouvelle grimace de ta part. Elle sait que tu détestes ce prénom et en joue, pour te faire parler. Et ça marche.
- Arrête de m’appeler.. comme ça.
- Il me semble que c'est ton prénom, donc.. Faustheen, on attends. Parle. Tu bougera pas d'ici tant qu'on aura pas eu des explications.
Elle le fait vraiment exprès, ça te met hors de toi. Et lui, là, il n'a toujours pas ouvert la bouche. Tu coules un autre regard en sa direction, cherchant à y trouver une quelconque aide, mais non. Son regard s'est fait plus dur. Lui aussi, veut des explications. Tu souffles.
- J'sais pas.. C'est assez clair, non ?
Des lèvres de ta mère s'échappe un long soupir. T'es désespérante, tu le sais très bien. Et ça t'amuses. T'en as envie d'en rire, mais tu t'abstiens. C'est leur faute.. après tout. T'as envie de leur faire payer leur mensonge. Le fait de t'avoir caché cette vérité depuis autant de temps. C'est leur faute, si tu sais plus vraiment qui tu es. Alors, ton comportement indécent.. c'est juste une manière comme une autre de les faire rager, culpabiliser.
- Qu'est ce que tu veux savoir de plus que ça ? Le "suspendue pendant une semaine pour comportement inadmissible et exhibition sexuelle" est ma foi.. très clair non. J'me suis faite choper en train de me faire sauter dans les toilettes du lycée, fin de l'histoire.
Suspendue une semaine. Tu sais bien que si tu n'avais pas été une von Frostheim, ça ne serait pas passé comme ça. Déjà que.. t'avais échappé à la réunion parents/dirlo, parce que justement, tes parents n'étaient pas présent pour ça. Une semaine. Une fille de famille normale ou orpheline, ce qui était en fait.. avant qu'il ne t'adopte, aurait été viré, pas suspendue. Et ça, tu le supporte pas.
- A quoi ça rime ça ? Dis nous.. parce qu'on te comprends plus.. Depuis des semaines, depuis que..
- Tais toi, n'ose surtout pas le redire.
Ton ton est sec. T'as pas envie de l'entendre dire que tu n'est pas leur vraie fille.. Que dans tes veines, ce n'est pas le sang des von Frostheim qui coule. Tu sais même pas qui sont tes vrais parents. T'as pas envie de savoir en fait. T'as juste envie de..
- Ne parle à "ta" mère comme ça.
Ton père se manifeste, enfin. Tu tournes les yeux vers lui. Il est en colère, tu le sais bien. Mais tu t'en fous. Tu lui en veux à lui aussi. D'autant plus qu'à ta mère. Parce que tu en étais beaucoup plus proche.
- Ce n'est pas "ma" mère..
Que tu murmures. Mais tu sais très bien qui l'ont entendu. Parce que t'as vu ton père serrer ses poings et sa mâchoire se crisper. Et que ta phrase à été suivie par un sanglot de ta mère. Tu leur fais du mal, volontairement. Tu t'en fais, aussi. C'est stupide.
- Parce que son sang, notre sang ne coule pas dans tes veines ? Foutaises. Le sang n'est pas le plus important, Faustheen ! C'est les actes, les paroles qui le sont. Toutes ces années que tu as passé à nos côtés, aimée comme personne n'aurait jamais pu t'aimer. Alors, tu la fermes et la prochaine fois que ses mots sortent de ta bouche, je ne promet pas d'être aussi.. "tolérant" avec toi.
Il est en colère. Tu le sais très bien. C'est peut être une des première fois où il utilise ce ton avec toi. Tes paroles l'ont déçues. Mais au fond, tu t'en fous un peu.
- Certes..
- Non, pas certes. Tu lui dois le respect. Tu nous dois le respect. Et ça commence par ça, arrêter de désigner ta mère comme si c'était une étrangère. Ce sont tes vrais parents qui t'ont abandonnés, pas nous. Alors, je pense que oui, nous méritons ton respect. Ne serait ce que pour ça. Et concernant ta suspension.. il n'y a pas de mots pour décrire à quel point je suis déçu de ton comportement. C'est honteux. Honteux d'en arriver à ce point là. Mais qu'est ce qui te passe par la tête, bon sang !
Tu réponds pas, baissant les yeux sur le canapé, sur tes pieds.
- Tu nous en veux.. tu m'en veux à moi plus particulièrement, je le sais. Même si c'est ta mère qui subit toute tes petites piques. C'est légitime de nous en vouloir. Mais pas à ce point. On ne mérite certainement pas que tu nous traites comme ça.
Toujours aucune réponse de ta part. T'as rien à dire, rien à ajouter.
- Maintenant, en ce qui concerne le motif de ta suspension.. Il y a plutôt intérêt que ça soit la première et la dernière fois que ce genre de chose arrive. Je vais faire ce que je peux pour.. que ça soit effacé de ton dossier. Parce qu'il est hors de question que tes conneries t'empêchent de rentrer à Harvard. Alors que tu es si proche du but.
Harvard.. Ou l'un des nombreux sujets de discorde entre tes parents et toi. T'as pas envie d'aller là bas. Ou même de faire des études. C'est pas toi, c'est pas tes envies. C'est les leurs. Et tu sais que.. t'aura pas le choix. Que tu vas quand même y aller.
- Je ne veux pas et je n'irai pas à Harvard. Encore moins si c'est pour aller chez les Eliot. Comme toi, comme elle, comme vous tous. J'irai chez les Mather..
Simple provocation. Tu sais très bien que quoi tu en dises, tu atterrira chez les Eliot, tu ira quand même à Harvard. Et ça t'énerves. De pas avoir le droit de choisir.
- Ta place est là bas, on va pas revenir là dessus.
Tu souffles.
- Bon.. c'est tout ce que vous aviez à me dire ?
T'as juste envie de retourner dans ta chambre. De rallumer ce joint et de te défoncer la tête, juste pour oublier tout ça.
Il n'a pas relevé le ton de ta voix. Tant mieux. Tu te lèves, jetant un regard à ta mère. Qui tente tant bien que mal de sécher ses larmes. Et ça te fait bizarre, de la voir comme ça. Tu te rends compte que.. c'est bien une des premières fois où tu la vois comme ça. Elle, cette femme qui sait se maîtriser dans n'importe quel situation. T'évites d'y penser et rebrousse chemin, pour retrouver ta chambre, ton joint et rayer cette discussion de ton esprit. T'es têtue, ils le savent très bien. Ils savent très bien que ce n'est que le début de tes frasques, Eliot en devenir ou pas.