Histoire
À quoi bon partir à l’autre bout du monde pour apprendre ce que sont les Relations Internationales et comment les gérer me diriez vous ? Je n’en ai aucune idée moi-même. Enfin, voilà la version officielle. En réalité, c’est une sorte de complot que j’ai monté avec Hippolyte lors d’un échange scolaire. À nos yeux, c’était l’unique moyen de se retrouver après avoir été séparé toutes ces années. Lui a été envoyé dans un pensionnat en Suisse, je suis restée au pays, dans un autre internat pour fils et filles à papa. Notre plan fut donc de trouver un moyen de s’exiler loin d’eux, un bon moment et se retrouver ensemble. Éloignés tout ce temps, mais toujours aussi fusionnels. Nous aurions pu certes nous faire offrir un billet par les parents pour partir en vacances. Trop facile. Nous avions une revanche à avoir sur eux. Et puis de toute façon, c’est trop long, je ne saurai même pas quoi répondre concrètement, car trop compliqué par moment entre Hippolyte et moi, ainsi lorsque l’on me pose la simple question « Mais pourquoi les Relations Internationales ? » Lors de mon entretien pour mon admission dans cette université de prestige, j’ai répondu un petit discours bien rodé : « Oh vous voyez, ma curiosité m’a poussée à m’intéresser à l’histoire, la culture. » Entre nous, l’histoire de tel ou tel pays, c’est bien le cadet de mes problèmes. « Savoir pourquoi les choses se passent ainsi et pas autrement, savoir pourquoi deux pays n’interagissent jamais ensemble. Vous voyez ? » Je vous épargne le reste du baratin que j’ai réussi à servir avec conviction, du moins c’est ce que je conclu vu que j’ai été prise. Bref, ce n’est que ma première année, je m’en sors plutôt bien et pourquoi ne pas continuer dans cette voix. Après tout, une ligne telle que « diplômée de l’Université d’Harvard dans le domaine des Relations Internationales » fera tout beau sur mon cv.
Si vous avez déjà croisé le chemin de mon frère, n’ayez craintes je ne suis pas dans le même style. Oubliez surtout le côté introverti du personnage. Et ouais, c’est le truc de l’ainée – je tiens à mes trois quarts d’heure de plus que lui. Et pourtant, je vous jure que nous sortons du même moule et que nous avons eu la même éducation. Enfin nous avons quelques points communs, sinon ça paraîtrait très suspect cette histoire. Par exemple, je vais vous laissez croire que je reste indifférente à tout ce que vous pouvez me balancer. Dans le fond, ça va finir par me ronger, me bouffer, mais je craque rarement. Très rarement, trop rarement. C’est peut être ça le problème. Et si ça devait avoir lieu, j’ai assez de voix pour que le campus, non la ville entière le sache. Et dire que je pense être facile à vivre. Je ne suis pas superficielle, je ne suis pas une vendue des ragots non plus, mais je ne tiens pas à vous le cacher : je me comporte comme une de ces princesses de série américaine. J’ai toujours été entourée, protégée, même par l’autre demi portion d’adorable frangin, bien qu’il fut comme éloigné par nos parents ces dernières années, et entre nous, je ne peux toujours pas me passer de ce côté de ma famille à l’heure d’aujourd’hui. Grâce à eux, j’ai également acquis le don de me défendre verbalement. En dehors de ça, je ne me considère pas comme étant une de ces midinettes en chaleur et particulièrement jalouse. Elles me font plutôt rire. Si je sors avec quelqu’un et qu’il a besoin d’aller voir ailleurs, qu’il aille. Trop déçue par mes premières relations, je ne suis plus de celles qui s’attachent. Le prince charmant n’existe pas, telle est ma conclusion et la niaiserie me rend malade. Pourtant, il se ‘pourrait’ que les choses me surprennent.
« Une anecdote nous en apprend plus sur un homme qu'un volume de biographie. » W. Channing
Les dés sont lancés. À nous les Etats-Unis. À nous Harvard. Quitter le cocon familial est un sacré tournant dans ma vie, plus qu’il n’y paraît sur mon visage. Je ne vais pas dire que j’angoisse, mais j’avoue avoir cette petite boule au ventre. Je jette un coup d’œil à ma droite, Hippolyte dort paisiblement. Je lève les yeux, allume mon laptop, allonge mes jambes autant que la place en classe business de l’avion me le permet et fait craquer mes phalanges pour couronner le tout. Mon autre voisin grogne, se retourne et ne tarde pas à se rendormir. Une dernière gorgée de café et c’est parti. Après avoir vu « The Notebook », je frôle la paranoïa et j’ai peur d’oublier. Jusque là, je n’ai jamais ressenti le besoin d’écrire, pas même dans le sens thérapeutique. Avant de me lancer, je demande à l’hôtesse de me resservir dans un anglais sans accent, sans hésitation. Parler anglais n’a jamais été bien compliqué pour moi. En vivant en Andorre – car jusqu’ici, je j’ai encore jamais quitté la « Principauté » pour une durée supérieure à celle des grandes vacances –, tu te rends rapidement compte que si tu ne parles pas au moins trois langues – qui sont le ô bien connu catalan, l’anglais et le français – alors t’es foutu. En période de haute saison, il y a bien plus de touristes que de natifs. Et pourquoi pas l’espagnol dans cette liste ? En dehors des courtoisies, je ne l’ai jamais appris, ni même cherché à l’apprendre. Je crois que nous sommes un peu comme les « vrais » catalans, sans pour autant avoir leur côté extrémiste – excusez moi du terme, moi même il me déplait tellement il fait catégorique. Nous sommes attachés à cette culture, à ne pas être mélangés avec les autres. Mais soit, il paraît que des mémoires sont faites pour parler de sois. Et puis je vous passerai les détails du pays. D’une part, dans mes souvenirs ce n’est pas bien passionnant. De deux, à mon goût, l’histoire ce n’est pas passionnant en général. D’autre part, mes souvenirs sont plutôt vagues tout compte fait.
Alors voilà la chose, je suis une de ces filles un peu passe partout, qui n’a pas d’histoire particulière, qui n’a pas de secret à cacher, qui n’a aucune honte à dire qu’elle est née avec une petite cuillère en platine dans la bouche ou qu’elle a passé son temps à fréquenter des fils ou des filles de depuis sa tendre enfance. Je ne suis pas née telle que je suis aujourd’hui. J’ai été cette fille sensible, fleur bleue, un peu niaise sur les bords. Et puis j’ai grandi, j’ai découvert la nature de ceux qui m’entourent et je me suis faite à tout ça avant de devenir bordeline à mon tour, comme certaines. Je n’ai jamais pris le temps de remercier certaines personnes pour m’avoir inculquée quelques petites choses, ça ne peut sembler être que des détails, mais ça change tout à mes yeux. De la même façon que je n’ai jamais pris le temps de remercier mes parents pour leur présence, parce que vous en connaissez beaucoup des sales princesses de mon genre qui ont vraiment connues leurs parents, qui n’ont pas été élevées par une nounou ou une jeune fille au paire ? Ouais, la famille est d’une importance capitale à mes yeux. Si bien qu’il semble que je sois la seule personne possédant un vagin qu’Hippolyte n’envoie pas bouler. Ouais, ouais, soyez toutes jalouses, lui il me prend dans ses bras sans me jeter quelques heures plus tard, et dire qu’aucune d’entre vous n’a pu goûter au plaisir charnel avec lui. Dis ainsi, certaines vont me rétorquer que je suis dans la même galère et que je n’ai pas l’avantage d’être passée dans son lit, autant vous le dire tout de suite, l’herbe est aussi verte ailleurs et ce genre de chose, c’est très moyennement notre délire.
Et voilà, vous venez de passer dix minutes – à tout casser – à lire un pavé qui dit vaguement qui je suis, d’où je viens, qui j’ai fréquenté, que je tiens à mon frère comme à la prunelle dans mes yeux, mais vous ne me connaissez toujours pas. Un jour, j’agis d’une telle façon avec une personne, le lendemain – pour une raison x ou y – notre relation ne sera plus la même. Je change d’avis et d’humeur comme de culottes et il paraît qu’on s’y fait assez vite.
PS : non, vous avez peut être vu telle ou telle chose lors du Summer Camp de cette année, mais je ne me suis entichée de personne. Compris ?