LENNOX ROTHSCHILD-PRIOR ► dave franco

« Est-ce je pourrais savoir ce que tu faisais exactement avec ce type Emilia ? » Son ton avait été paisible, calme, trop calme néanmoins en comparaison à l’émotion qu’il essayait d’ignorer mais qui l’ébranlait, le secouait au moment même où il parlait, qui le dévastait littéralement à l’intérieur de soi. Il le savait, il le savait qu’il n’aurait jamais dû venir à cette fichue soirée. Surtout en compagnie d’Emilia. Elle qui avait le don de le mettre dans tous ses états par n’importe lequel de ses agissements, qu’elle soit joyeuse et qu’elle l’embrasse toutes les minutes (ciel, qu’est-ce que ça pouvait l’agacer à certains moments) ou qu’elle soit maussade et adoptait une mine boudeuse toute la journée en sa compagnie (rien ne pouvait l’énerver autant que ce comportement ci), elle le poussait à bout, à chaque fois. Ce n’était pas sa faute, non, bien sûr que non. C’était majoritairement lui, et ce foutu trouble de personnalité à la con qu’on lui avait diagnostiquée deux ans plus tôt, mais il ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle y était pour grandement quelque chose dans l’histoire. Après tout, ce n’était pas lui, ce soir-là, qui avait été coltiné tout au long de la soirée à un type aléatoire totalement éméché - qui ne se gênait pas par la même occasion pour la tripoter ouvertement – alors que son copain se trouvait à une vingtaine de mètres de là. Copain, d’une jalousie incomparable, qui avait bien pris le soin de les surveiller du coin de l’œil pendant un long moment, trop long moment. Elle le provoquait, il le savait. Au bout du troisième verre d’alcool ingurgité et du vingt-troisième spasme de colère, Lennox avait décidé d’arrêter son petit jeu, une bonne fois pour toute. « Je répète ma question, qu’est-ce que tu faisais avec ce type ? » Littéralement emprisonnée par les deux bras par Lennox, dans une autre pièce recluse de la fête, la jeune femme, sans aucun doute, éméchée, le défia du regard. « Len, ce n’est pas ce que … » « QU’EST-CE QUE TU FAISAIS AVEC LUI EMILIA ? » Le ton avait haussé, son sang n’avait fait qu’un tour, sa mâchoire s’était serrée, ses mains autour des bras frêles de sa copine s’étaient tendus, rendant son emprise plus forte et plus douloureuse pour la jeune fille, qui retenaient des suffocations de douleur.  « Len, lâche-moi, tu me fais mal… Lennox ? » Ni une ni deux, en moins de temps qu’il le fallait, le jeune homme lâcha son emprise, en jetant violemment celle qu’il emprisonnait deux secondes plutôt au sol, tout en tremblant littéralement de la tête au pied, secoué par la colère. Cette fameuse colère. Merde, il avait pourtant pris soins de prendre ses médicaments avant de venir ici, non ? Pourquoi ressentait-il le besoin de frapper, de cogner, de massacrer tout ce qui l’entourait alors ? Pourquoi ressentait-il une haine immensurable envers celle qu’il prétendait aimer encore ce matin ? « Va te faire voir. » Avait-il alors murmuré, emporté par son trouble psychologique, à l’oreille de la jeune femme, toujours au sol. Puis sans que ni lui ni elle ne s’y attende alors, le premier coup arriva. Une claque. Sur son doux visage encore impeccable, bientôt fissuré par une blessure à la lèvre. « Lennox ! » Puis sans qu’elle n’eut le temps de réagir plus, d’en dire plus, le deuxième coup s’était enchaîné. Puis le troisième. Troisième coup qui l’avait pratiquement levé du sol tellement qu’il fut violent. Puis pour le quatrième coup, Lennox avait usé de son pied, et avait visé le ventre d’Emilia, dorénavant en pleurs et qui essayait tant bien que mal de se relever pour contrer les coups. Mais il était plus fort. Et surtout, il était plus énervé, réellement, réellement énervé. Dans le noir il était difficile de s’en apercevoir mais son regard, habituellement bleu azur, s’était doucement assombri pour se changer en un bleu-noir affolant, envahi par la rage ; aveuglé par la rage. Il la frappait, sans cesse, sans lui laisser un temps de répit. Il la frappait, tout en regrettant deux secondes plus tard après le coup donné, mais deux secondes après, sa colère, son autre lui, prenait avantage sur ses regrets et il recommençait. Et recommençait. Et recommençait. Et il aurait pu continuer toute la nuit durant, il avait assez de force et assez de rage encrées en lui pour pouvoir perdurer toute la nuit, jusqu’à elle souffle son dernier soupir peut-être. Il aurait pu continuer aisément oui, s’il n’avait pas débarqué. « LENNOX ?! QU’EST-CE QUE TU FAIS BORDEL ? LEN LEN LEN ! » Quoi, qu’est-ce qu’il se passe ? Mike ? « PUTAIN LEN ARRETE TU VAS LA TUER ! » Sous le coup de la surprise, Lennox stoppa net ses coups à répétition et l’instant d’après, alors que son regard se désembua, il vit au sol, le corps martelé de coups de pieds et de poings de sa copine, hm, ex copine, presque immobile. La seconde d’après encore fut suivi d’un Lennox en pleurs, à genoux, plein de regrets et de remords, aux côtés de celle dont il failli omettre la vie. « Len, qu’est-ce que tu as fait ? » murmura son cousin d’une voix mi affolée, mi apeurée, mi pris de pitié. Qu’est-ce qu’il avait fait ? Il ne savait même pas. Qu’est-ce qu’il avait fait ? Qu’est-ce qu’il avait fait ?  Qu’est-ce qu’il avait fait ?  « Pardon, pardon, pardon  Mia, je suis désolé. Je n’ai pas voulu… je n’ai jamais… Je suis désolé… » Avait-il sans cesse répété, en larmes, au près du corps meurtri de la jeune femme, qu’il avait encerclé dans ses bras avant de la voir être arrachée à lui subitement par des mains qui ne lui étaient pas inconnues. Mike. Il en aurait presque oublié son existence. Pourtant il aurait dû remercier les cieux de sa présence, de son intervention. Sa bonne étoile.  « Rentre à la maison tout de suite Len, rentre, et prends tes médicaments. Je vais appeler les ambulances. Rentre, dépêche-toi. »  

Lennox est malade, en quelque sorte. Il est atteint un trouble de la personnalité, diagnostiqué dès le moment où il a su user de ses deux pattes et a décidé, en un claquement de doigts, de détruire une chambre d’invité de la maison Prior. Rien d’inquiétant, se disait sa mère, son frère, Edward, sa sœur, un petit capricieux, rien de bien grave. Mais il en était tout autrement. Lennox était malade. Est malade. Du moins c’est ce qu’ils tendent à lui dire. Il n’en croit pas un seul mot. Il ne l’a jamais cru. Jusqu’à ce qu’il se soit mis à violemment tabasser son ex petite-amie. Le cri d’alerte. Lennox est bel et bien malade. personne n'était là pour le soutenir. Edward, ses parents, sa sœur. Du moins, c'est ce qu'il crie sur tous les toits. Peu importe. Il fera avec. Il couchera à droite à gauche pour oublier, pour s’amuser, pour déconner. Il profitera de la vie, peu importe. Seul. Ou presque seul. Sa meilleure amie sera toujours à ses côtés pour croquer la vie à pleines dents,  il n’est pas si seul au fond, mais c’est ce qu’il se répète à dire, pour rendre son existence un peu plus pitoyable et qu’on ait pitié de lui. Pourtant personne n’avait pitié de lui, tout le monde le maudissait. Depuis toujours, Lennox refuse de se contenter que d’une seule fille. Ou presque depuis toujours. Orysia a été la seule exception, et après qu’elle l’ait lâchement abandonné, il s’est promis de ne plus jamais laisser une seule femme prendre le petit-déjeuner chez lui le matin. Il n’y avait qu’elle qui avait le privilège de lui quémander un pain au chocolat le matin, et lui parler sans qu’il ne grogne de mécontentement ou d’agacement. Il n’y avait qu’elle et il la détestait parce qu’elle était justement la seule, et qu’elle l’avait quitté. Quelle lâche. Lennox dessine quand il a besoin de s’isoler, de penser, de repenser, de s’apitoyer sur son propre sort parce que personne d’autre le fait. C'est pour cette raison qu'il a décidé d'entreprendre des études en arts appliqués en mineur à Harvard en plus de ses études de médecine. Harvard. Médecin. Comme sa mère. Qu'il idolâtre. Lennox a intégré Harvard il y a trois ans de cela, ses parents tenant absolument à ce que l'éducation scolaire de leurs enfants soit la plus parfaite. Et quoi de mieux que choisir une des plus grandes prestigieuses universités pour ce faire ? Pour une fois Lennox n'a pas mis d'opposition à suivre les volontés de ses géniteurs, Harvard lui plaisait bien, il était certain de pouvoir trouver des semblables (à savoir gosses invivables pourris jusqu'à la moelle) dans cette école, et il avait bien raison. Il était même déterminé à réussir ses études de médecine, à devenir le meilleure. Et trois ans plus tard, il s'est fait une place, une réputation à Harvard le Prior. Mais malgré tout, rien ne l'empêche de se sentir abandonné. Orysia, son frère ; Lennox s’est toujours senti abandonné. Il foutait la merde dans sa vie, plus que jamais et personne ne semblait s’en soucier, alors il continuait. Peu importe. « Peu importe ». Deux mots qui rythmait sa vie, répondait à toutes ces questions existentielles ou non de sa vie. Peu importe. La vie c’est une aventure après tout, pourquoi la prendre au sérieux ? Personne ne sort vivant de cette aventure de toute façon.