JEZABEL WELLINGTON ► Mila Kunis

Boulimique, ça tombe comme ça. Ca te tombe dessus, t'as déjà entendu ça, ce putain de mot. Tu l'as déjà entendu mais tu te disais que c'était que dans les séries que ça pouvait arriver. Que c'était toujours la grande blonde qui voulait plaire à tout le monde, mais toi, tu ne voulais pas plaire. Tu voulais juste qu'on te laisse tranquille. Qu'on te laisse dans ton coin, avec ton livre et ta nourriture.  T'as toujours aimé manger, puis parfois, tu mangeais, mangeais, mangeais avant de t'éclipser discrètement aux toilettes pour régurgiter tout ce que tu venais d'avaler. Ta mère t'a toujours dit de faire attention, mais toi tu l'écoutais pas. Ta mère était la personne qui s'occupait le plus de toi. Ton père lui, était toujours parti en déplacement, jamais à la maison. Puis est venu le jour où le diagnostic est tombé, quand t'étais chez le médecin, ce type au cheveux grisonnants que tu détestais parce que c'était la seule personne que tu redoutais. Il l'a dit à ta mère et a dit qu'il fallait que tu te fasses enfermer. T'as jamais voulu le faire, t'avais juste envie de rester dans ta chambre. Mais non, t'es rentrée dans ce centre à tes vingt ans. T'es rentrée et tu t'es mise à écrire, t'as écrit dans ce journal, chaque jour que tu passais dans ce centre que tu trouvais horrible et qui sentait l'hôpital. T'as rencontré la première personne qui t'a fait vibrer le coeur comme il a pu vibrer quand tu regardais des séries télévisées et que tu voulais absolument que deux personnes se mettent ensemble. Il était beau, mais lui il était la parce qu'il était bipolaire. Alors t'as écris sur lui aussi. T'as écris des lignes et des lignes jusqu'à ce qu'ils décident à te laisser sortir. Quand t'es sorti, ta mère t'a donné l'admission que tu avais reçu à Harvard. C'était un jour d'été tu t'en souviens. T'étais avec tes lunettes de soleil sur le nez, un smoothie aux fruits dans l'autre main et t'as sauté de joie. T'as hurlé de joie. Et vous avez été faire du shopping pour fêter ça. T'as acheté des robes, des jeans et des chemisiers, parce que ton dressing était plein d'affaires qui ne t'allait plus. Trop grande, trop large. Parce qu'avant t'étais comme ça, tu cachais ton corps dans des pulls difformes mais maintenant, tu as appris à aimer ton corps. Tu l'aimes et tu en es fière.

Quand t'es entrée à Harvard, tu t'es sentie libérée. Tu as sentie tes ailes qui se sont ouvertes et t'as fini par publier ton livre. Le livre qui parlait de ta maladie, de Thomas aussi. T'as parlé de lui, mais t'as plus jamais eu de nouvelles. Tu te demandes s'il tenait autant à la vie que toi, tu te demandes s'il n'est pas parti fréquenter les anges, mais avec du recul tu te rend compte que tu n'étais pas amoureuse de lui. Maintenant, t'es amoureuse des livres. Amoureuse des livres et des ordinateurs depuis que tu as décidé d'étudier la littérature française et l'informatique. Tu t'amuses parfois à bidouiller des codes et à te prendre pour une hackeuse professionnelle alors que t'es tout sauf ça, t'es un peu perdue dans les histoires d'amours, d'ailleurs le grand amour, tu ne connais pas. T'enchaînes les conquêtes d'un soir, les hommes sans attachements, tu joues de ton corps que tu trouves parfait désormais mais tu aimerais trouver de quoi te poser. Tu ne veux pas être comme toutes ces nanas qui enchaînent les mecs, qui se plaignent de tomber enceinte et qui finissent par avorter. D'ailleurs, tu t'es engagée dans l'humanitaire. Tu pars chaque été depuis trois ans dans des pays défavorisés pour aider les gens, les aider et surtout aider les enfants qui ont été abandonnés. Si tu pouvais, t'en adopterais un, tu veux mais tu n'as pas le courage de le faire. Parce que tu ne sais pas si tu serais capable de t'en occuper convenablement. Alors tu aides, comme tu peux, tu aides. Parfois tu fais des conférences pour aider les jeunes filles et les jeunes hommes à lutter contre la boulimie. Mais surtout, tu vis. Tu vis ta vie et tu n'en demande pas plus.