Ellana Anderson ► Katy Perry

L'air était doux cette nuit là, et pourtant, nous sommes le dernier jour de l'année 1988. L'hiver ne semble pas encore tout à fait installé, la neige n'est pas tombée et la pleine lune éclaire les rues de Londres. Ma mère, cette femme si maigre et pourtant si forte, hurle sur le fauteuil passager de la berline de mon père. Il n'a jamais roulé aussi rapidement mais est-ce parce qu'il n'a plus l'habitude d'être au volant, parce qu'il a peur que je tâche ses sièges en cuir ou parce qu'il angoisse de voir la douleur de sa femme sur le point d'accoucher ? Il est arrivé à temps à l'hôpital, sous les hordes de paparazzi. Il a du jouer des coudes afin d'atteindre l'entrée. Certains diront qu'il a frappé des journalistes, d'autres qu'il a cassé volontairement des appareils photo. Moi, je crois surtout qu'il était excédé de voir autant de monde pour une naissance, aussi fier soit-il, et qu'il avait peur que quelqu'un fasse tomber sa femme en essayant de la prendre en photo ou avoir un autographe. Ma mère, elle, est le calme incarné, quelques signatures entre deux contractions, une dizaine de poses pour les photos sur les deux mètres qui les séparaient du perron. Quelques heures plus tard, ma petite bouille rose faisait son apparition. Les bras de danseuse de maman m'encerclent amoureusement. Ils ont la fille qu'ils souhaitaient, leur petite perle, leur bonheur.

Mon enfance a été merveilleuse, je n'ai jamais manqué de rien. Le couple n'a jamais eu de problèmes d'argent ni de travail, papa est un acteur très connu dans le monde entier, et maman est danseuse étoile, le plus souvent sur Paris. Mes parents ont essayé de faire un autre enfant mais sans succès. A mes 8 ans, ils ont donc adopté un garçon d'un an mon aîné. Nous avons grandi ensemble comme une fratrie, mais nous nous sommes aimés plus que cela. Dylan est devenu un très beau jeune homme. A l'adolescence, les hormones aidant, nous nous sommes tournés autour sans jamais qu'il ne se passe plus qu'un baiser. Nous ne voulions pas décevoir nos parents d'une certaine façon, nous avons donc enfermé nos envies respectives.

Nos études se sont bien déroulés, nous étions bons élèves autant dans les cours que dans les activités extra-scolaire. Dylan est féru de sport, il faisait parti de l'équipe de baseball et de football américain, c'est donc sans surprise qu'il fut alpagué par un entraîneur professionnel américain qui le fit devenir joueur professionnel. Moi, je ne savais trop que faire et je me suis lancée à corps perdu dans des études pour devenir infirmière. Le diplôme en poche, je suis parti faire une année de travail dans un dispensaire au Nigeria. Ce fut une expérience enrichissante au niveau de mon métier et de mes capacités mais certaines images resteront gravées dans ma mémoire. J'entends encore en rêve les cris des soldats et des civiles touchés par le camps adverse. On n'oublie jamais rien, on vit avec.

J'ai rencontré un soldat différent des autres, celui qui vous serre le cœur dès que vous passez à ses côtés ou que vous posez vos mains sur lui pour panser ses plaies. Dès qu'il est arrivé, j'ai du cacher le coup de foudre que j'ai eu pour lui. Il est soldat, je suis infirmière. Je ne suis pas ici pour fricoter avec quelqu'un, je suis là pour aider les médecins à sauver des vies. J'ai résisté longuement, mais j'ai fini par craquer à ses avances et nous avons eu une aventure. Je l'ai aimé, oui, mais il m'a fait faux bon et est reparti en Amérique sans un au revoir. J'ai appris par la suite ses mésaventures, mais ce n'est pas pour autant que j'ai pardonné son comportement. Un coup de cœur ne s'oublie pas, mais un coup de poignard non plus.

J'ai ensuite repris le travail dans un hôpital en Angleterre pendant quelques années. Et puis, l'envie de reprendre mes études est arrivée. Je savais que Dylan était en fac de droit et relation internationale à Harvard, j'ai décidé de le rejoindre au grand dam de mes parents qui voyaient leurs deux enfants dans une école très réputée certes, mais aussi bien trop loin d'eux. Nous nous sommes alors retrouvés à Harvard à la rentrée 2014, tous les deux en 5eme année mais dans des cursus différents. En reprenant des études de médecine, j'ai pu directement rentrer en bac+4. La danse étant ma deuxième passion, j'ai décidé de m'inscrire en danse en étude mineur. J'ai la chance d'avoir eu ce don de ma mère dès l'enfance et c'est bien l'un des seuls sports dont je ne me suis jamais lassée. Je suis plutôt douée dans la danse classique, mais j'apprécie aussi les danses de couple et la danse contemporaine. Show must go on !