ANASTASIA KUMIKO REYNOLDS ► Suki Waterhouse

Mon enfance n'a rien de compliqué. Pourtant, c'est de cette période que me viennent toutes mes peurs. Dire que je ne suis pas trouillarde serait un mensonge, dire que j'ai un problème serait vexant. Vous comprenez donc que mon enfance a été des plus banales. Je suis née à Tokyo au Japon un mois de juin. Je n'ai rien d'une japonaise, du moins, je n'en ai pas les traits physiques. Non, puisque mon père est américain, originaire de l’État de New York et a grandi sur le côté est des États-Unis. Il partira pour Tokyo pour y faire affaire et y restera. Là-bas, il rencontrera ma mère, sa future femme, une artiste partie pour le Japon pour y découvrir sa culture et s'en inspirer. De leur amour naîtront trois filles, je suis la deuxième. Trois sœurs différentes et pourtant, inséparables. Je suis certainement la plus intrépide, la plus têtue. Celle qui touchera à tout alors que le plus grand des silences est réclamé. Ce sera comme ça dès mon plus jeune âge, j'ai du mal à comprendre la négation, ou bien, je suis un esprit de contraction têtu qui décidera de faire le contraire de ce que l'on me demande. Cela posera quelques conflits à l'école, mais j'avais toujours l'une de mes sœurs pour me retenir ou me rappeler à l'ordre. Ainsi passera mon enfance. Je fus donc une enfant têtue et déterminée, qui s’intéressera à beaucoup de choses comme la musique ou à la peinture, la danse et le théâtre. J'aime passer d'une chose à une autre, les maîtriser, mais surtout m'amuser.
Mon adolescence est une belle continuité. Je découvre avec aisance mes atouts, je n'ai aucun complexe et je me fais facilement des amis. Je ne suis pas du genre à me laisser marcher sur les pieds et je continue à me montrer éclectique tout en me dirigeant d'un pas certain dans le milieu de l'art. Vivre à Tokyo est une chance pour nous américain. C'est un plus pour mes camarades de mon âge. Je parle japonais aussi bien que l'anglais. Je m’intéresse à leur culture tout en gardant un pied dans mes origines américaines.  Mon père a gagné beaucoup d'argent, ce qui nous permet de voyager dans le monde, de le découvrir et de s'en imprégner. Je brave les interdits, mes parents me puniront à plusieurs reprises, mais rien d'insurmontable. J'ai des bonnes notes, je sais aussi être un ange. Je l'ai appris de ma petite sœur. Il faut se méfier de l'eau qui dort. Je commence à connaître les garçons autant que je fais la fête. J'aime découvrir des nouvelles choses, j'ai soif de connaissance, je n'ai aucune timidité face à l'inconnu. Il m'arrive même d'être meneuse quand il s'agit de repousser les limites. Rien de bien grave, nous testons seulement notre résistance et notre corps. Je ne connais pas l'amour, le vrai, le sentiment amoureux. Aucun garçon ne me mettra de papillons dans le ventre. Pour certains, c'est triste. Mais pour moi, c'est un moyen de me protéger, je sais que je ne vais pas rester. Non, le monde est trop grand pour rester toute sa vie au même endroit.
Je quitte Tokyo pour Cambridge. Je suis prise à Harvard pour mes talents artistiques à l'âge de dix-huit ans. Tout comme ma grande sœur deux ans plus tôt et ma petite sœur un an plus tard. J'y étudie la danse et le théâtre, sans pour autant mettre la musique et la peinture de côté. Harvard est une chance. Une de plus. J'échappe aux regards de mes parents, je me sens un peu plus libre. Je n'échappe cependant pas à celui de ma grande sœur qui garde un œil. Je suis arrivée à Cambridge l'année de mes dix-huit ans. J'étais très excitée d'étudier là où mon père ainsi que mon grand-père avaient étudié. Une sorte de tradition familiale venue de nulle part. Aujourd'hui, j'y suis encore. Mes notes sont convenables, assez pour me garder.
Tout se passe à merveille. Je vis à Boston, dans le centre-ville, dans un bel appartement luxueux. Je n'ai aucun mal à me faire des amis, je suis toujours très libre. Mais mon esprit est de moins en moins tranquille. Je commence à connaitre les sentiments. Je ne suis pas indifférente aux charmes d'un homme au point de passer mon temps à me confronter à lui. Je passe beaucoup de mon temps à ses côtés, dont le summer camp 2016. Un jour de mois d'août, alors que nous faisons de l'escalade, la corde qui me maintient en sécurité se brise, me faisant tomber dans le vide. Mon corps se brise emportant avec lui ma petite vie confortable. Je suis contrainte de changer mon cursus scolaire, de recommencer mon master et de laisser le temps faire les choses.