ALYSHA SMITH ► Alejandra Alonso

Aligner des tâches noirs sur du papier blanc pour parler de quelque chose qui me concerne, c'est une première. C'est un exercice de style hors du commun, auquel je ne m'étais encore jamais essayée. Je tâcherai d'être brève, concise et d'aller droit au but. Et en même temps, c'est difficile de déblatérer sur un sujet aussi qui m'est aussi étranger; moi, ma petite personne. J'ai jamais fais d'introspection, j'ai jamais vraiment réussi à me cerner, et je suis bien au courant que si je souhaite un jour exercer en temps que psychanalyste, alors je vais devoir me prêter au jeu. C'est pas facile, c'est compliqué, et je ne sais même pas par où commencer.
Si je vous disais que j'étais née à Londres, en 91, est-ce que ça ferait avancer grand chose ?? Est-ce qu'il ne faut pas plutôt que j'essaie de vous parler de traumatismes auxquels j'ai pu être confrontée ?? J'ai l'impression de faire de la psychologie à deux balles, de chercher un lien de cause à effet. Je recevais l'attention de tout le monde quand j'étais petite ?? Cela voudrait donc expliquer pourquoi aujourd'hui je cherche à tout prix à plaire à tout le monde. Mais je ne pense pas que ça marche comme ça, c'est beaucoup plus complexe. Alors je vais essayer d'en rester aux faits, et de voir, à la fin, si je peux en tirer quelque chose.
J'ai un grand frère, une petite soeur, j'ai des parents qui ont toujours été présents et qui ne nous ont jamais abandonnés. Avec moi, ils ont toujours essayé de me sauver. J'ai un peu l'impression que j'étais leur cas de charité, la personne en qui personne ne croyait et qui pourtant était capable de changer. Je ne sais pas vraiment ce que je serai devenue sans eux. Je les ai souvent haïs, très souvent insultés, et jamais remerciés. Je leur en ai voulu de m'avoir enfermée dans un internat quand je commençai à me rebeller, et je les ai détestés quand ils m'ont envoyé en cure de désintoxication. Et pourtant, aujourd'hui je suis à Harvard et je peux dire que niveau santé je me porte plutôt bien. Mais je ne sais pas, je ne me vois pas leur dire merci, je suis trop têtue je pense. C'est pas mon genre d'avouer mes torts, je préférerai crever je crois bien...
Et puis sans l'internat, je n'aurais pas rencontrer timoteï. Je crois bien que c'est l'une des personnes qui m'est le plus cher aujourd'hui. Je serai pas la même sans lui, j'aurais tournée différemment. Quand on s'est rencontrés, on s'est très vite plu, on s'est très vite lancé dans la cour des grands, et on avait l'impression que c'était nous contre le reste du monde. C'était mon roc, c'était mon meilleur ami, et c'était celui avec lequel j'ai tout testé. On a tous les deux touché très vite à tout ce qui nous a valu pas mal d'expulsions de cours. Il fallait dire que c'était compliqué de se ramener en cours après ce que nous pouvions inhaler ou fumer dès le matin même. Mais on s'en foutait, on était là par dépit, alors on faisait tout pour enjoliver le cadre. On a bien pris notre pied, et puis ça c'est arrêté net. On était jeunes, on allait voir ailleurs et on était jaloux. Il a mis fin à tout ça car il savait très bien que je n'aurais rien fais, que j'aurais laissé couler, que j'aurais même pas eu le courage de dire quoi que ce soit. Il est rentré chez lui, et ça m'a fait bizarre. Il m'a laissé seule et jamais je n'aurais imaginé qu'il me manque à ce point. Mais ça, je ne lui ai jamais dis, je ne lui ai même jamais reparlé car j'avais trop mal au coeur et que je ne voulais pas ranger ma fierté de côté. J'ai fais comme si tout allait bien, je continuais d'être taguée sur des photos facebook sur lesquelles personne n'aurait jamais pu croire que je souffrais, et je savais qu'il les voyait.
Après mon baccalauréat, mes parents m'ont laissé choisir ce que je voulais faire de ma vie. J'étais plutôt paumée, mais j'ai voulu étudier la psycho et le français. Ca paraît peut-être débile, mais c'était les seules matières où je ne me débrouiller par trop mal et par lesquelles j'étais intéressée. J'ai toujours été attirée par la France et je me suis lancée le défi d'avoir interdiction d'aller en France sans parler parfaitement le français. Et puis la psycho, c'était vraiment le choix du coeur. J'ai beaucoup lu de travaux écrits par les psychanalistes et psychiatres et ce sont bien les seuls livres qui m'ont passionnés. J'ai entrepris mes études au Royaume-Uni et c'est seulement au milieu de mon Master 1 que j'ai reçu une bourse d'Harvard afin de venir étudier aux Etats-Unis. Mon sujet de mémoire avait retenu l'attention particulière d'un enseignant-chercheur et c'est pourquoi j'ai débarqué à Harvard du jour au lendemain. Jamais je n'aurais cru intégrer une école de l'Ivy League auparavant, et je vous avoue que j'en suis plutôt fière aujourd'hui...