HADES LAZARIDIS ► Bernardo Velasco

Lazaridis. Ce nom résonne tout ce qu’il possède comme origine. La Grèce. Athènes. Le point de départ de cette famille, un couple de médecins, Rhéa et Poséidon. Heureux. Vivant avec des moyens non négligeables, surtout grâce à leurs professions. Des gens simples. Amoureux. De leur union naquirent quatre enfants, tous choyés, aimés, dorlotés, tous parfaits à leurs yeux. Une famille comme on les aime, sans problème. Une famille, qui serait presque en voie de disparition. Chaque enfant fut unique à sa manière. Tous différents. Avec des caractères qui divergent l’un à l’autre. Mais leur sang, leur nom, leur amour ne peuvent pas les éloigner. Au contraire. Leur différence les rapproche. La première, Megara, est la douce. Celle qui défend la cause des autres, qui aide les démunis sans rien demander en retour, la maladroite de la famille, d’une gentillesse incomparable. Le second, ou plutôt, les seconds. Les frères. Les jumeaux, Eros et Hadès. Entre le dieu de l’amour et le dieu de la guerre, ils s’adorent malgré leur caractère totalement opposés. L’un est l’eau, la réflexion, qui planifie toujours tout avant d’agir. L’autre est le feu, qui fonce sans réfléchir. La testostérone de la famille. La dernière, Nausicaä, la malade, la fragile, la fille à protéger coûte que coûte. La petite qui a beaucoup vécue et qui devient une rebelle. Le vent, qui se fait happer par les joies de la vie qui lui sont offertes. Les Lazaridis … Sacré famille ! Sacrés tempéraments !

Durant l’enfance des enfants Lazaridis.
« Je vais y casser la figure et puis voilà, on en parle plus après. » « Hadès, arrêtes un peu. » « Quoi ? Tu les laisses parler comme ça à notre sœur ? Allez ! C’est la fête ! Faites-vous plaisir ! Je dis non ! » « Je n’ai pas dis ça. » « Ben non, tu dis de ne rien faire, c’est encore pire ! Bon sang Eros, bouges toi ! Défends ta famille merde ! » Un silence s’installe. « C’est ce que je fais figures toi … » Mon frère glisse ces derniers mots en arrêtant d’écrire et lève son stylo souriant en me regardant. « Quoi ? » Ma question est dure, mais je suis en train de bouillonner pendant que lui, il écrit l’air de rien. Nul ! Le mec il se défile alors qu’on parle de sa petite sœur là, il m’énerve quand il est comme ça, en mode peureux. « J’ai trouvé un moyen de les attaquer avant qu’il nous attaque. » Ma tête doit parler pour moi, mes sourcils former un point d’interrogation, mon visage lui sortir un gros Hein ? C’est sûr et certain. « J’ai un plan. » Finit-il par dire comme pour éclairer la case vide qui ne voulait pas s’allumer dans mon cerveau. Bon, okay, il me plaît quand il me dit ça. Passons à l’attaque alors.

Quelques temps après, à l’école publique.
« Tu te souviens quand … ? » « Oui. » Je soupire. Ça me manque de ne plus pouvoir donner de bonnes leçons aux petits gnomes. Eros me regarde avant de sourire, comme s’il se moquait de moi. Non, en fait, c’est ce qu’il fait, exactement ! Il se paye ma tronche ! « Pourquoi tu rigoles ? » « T’as l’air triste. » « Et ça te fais rire ? Sympa le frère … » « Ben ouais, regardes toi, même quand t’es triste, t’as l’air toujours aussi con. » Je frappe mon jumeau dans l’épaule pour me venger. Lui, il perd rien pour attendre ma vengeance. Je voulais être mélancolique, me souvenir avec lui de nos années passées à être des terreurs dans notre école pour protéger la petite sœur. D’ailleurs en parlant d’elle, je la regarde d’un œil protecteur. Elle est non loin de là, en train de jouer avec des gamins de son âge dans la cour de récréation. Elle a l’air bien mieux ici, dans cette école. Elle a beaucoup de moqueries et de morveux qui viennent l’embêter pour des histoires d’audition. Pfff, qu’est-ce que ça peut m’énerver ce genre de comportement, sûrement envers quelqu’un de ma propre famille. Il est hors de question que je laisse cela passer. Hier, aujourd’hui, comme demain. Toujours je la défendrais. Quoi qu’il arrive. Je détourne le regard pour le poser de nouveau sur mon jumeau qui acquiesce d’un coup de tête comme s’il venait de lire dans mes pensées. On se comprend. Bien. Très bien même.

A Athènes, lieu précis inconnu, adolescence.
« Plus vite, sautes ! » Je cours en jetant des regards derrière moi, ne m’arrêtant pas, ne m’arrêtant jamais. C’est à elle de tenir le rythme. C’est ainsi qu’on devient meilleur. Ne jamais s’arrêter. « A droite ! » Je souffle et fais un signe sur la droite pour qu’elle comprenne que je tourne. Pas la peine de crier. Sa surdité est là pour me rappeler que le parkour, c’est une discipline qui mérite de la maîtrise de soi, de la concentration, du physique et pas forcément du bruit dans tous les sens. Je m’arrête au pied d’un immeuble et me retourne en attendant la petite sœur. Elle arrive enfin. Grâce à quelques signes je lui fais comprendre que je l’attends et qu’elle est longue, pour l’embêter. Je rie avec elle avant de lui adresser un signe de la tête vers l’immeuble. « Le premier en haut paye une glace à l’autre. » On tape dans les mains pour signer le deal et c’est partit ! Plus de pitié, on escalade cet immeuble comme bon nous semble. Par les escaliers ou par l’extérieur, les balcons, les fenêtres. Il faut juste être le plus rapide. Je ne reste pas derrière elle, mais je ne m’éloigne pas trop, la gardant à l’œil si quelque chose venait à arriver. Le parkour, c’est un peu notre secret à nous. Ce sont des moments qu’on partage seulement elle et moi. Qui nous éloigne du reste. Qui nous rapproche. Je suis content de lui avoir enseigné ça. Au moins, si un jour elle a besoin de se défendre, elle saura comment se déplacer pour fuir efficacement. Ça me réconforte un peu dans l’idée qu’elle n’est pas totalement sans aucune défense quand je ne suis pas là. A force de trop penser, je me fais avoir. « Ouaiiiiiiiiiis ! » Et merde ! J’arrive enfin au sommet de l’immeuble. Transpirant. Tout collant. Exténué. Reprenant mon souffle je m’assois sur le toit et applaudis ma sœur en bon fair play que j’exerce. Je lui sers la main et pas le choix, je dois assumer. « T’auras une glace demain, c’est promis. » Même si j’aurais préféré que ce soit dans l’autre sens, c’est raté pour aujourd’hui on dirait. Je prends Nausicaä dans mes bras et l’embrasse sur le front.

Aujourd’hui.
Tous les enfants Lazaridis sont à Cambridge et étudient à Harvard. Chacun dans sa spécialité, dans sa branche. Mais ils sont tous réunis. Veillant les uns sur les autres. Plus soudés que jamais. Ils sont prêts à tout affronter. Les avenirs se dessinent petit à petit. Comme des chemins tracés à l’avance qu’il ne reste plus qu’à parcourir.  Megara se profile dans une carrière humanitaire et éducative, l’altruiste en elle semble avoir assez d’imagination pour combler une vie entière, il ne lui manque plus qu’un prince charmant qui saura prendre soin d’elle, si un jour elle a le temps. Eros, le jumeau, l’intellectuel de la famille, se fait discret sur ses plans, ses souhaits d’avenir, mais connaissant le spécimen, toute la famille se doute bien qu’il trame quelque chose et que le jour où il annoncera ce qui l’attend, chacun sera étonné et les parents seront fiers. Hadès, le fougueux, utilise toujours ses poings avant de réfléchir, maintenant il se met même à utiliser tout son corps, préférant profiter de sa jeunesse avant de penser au futur, il se prédestine à une carrière de sportif professionnel, sans aucun doute. La dernière, Nausicaä, n’a aucune idée, elle exerce une sorte de double vie, la gentille petite dernière avec ses frères et sœur alors que de l’autre côté, il s’agit de la rebelle en chef. Les Lazaridis, c’est une drôle de famille grecque. Espérons qu’il y ai au moins un de ses enfants qui arrivent à rendre heureux les parents. Seul l'avenir nous le dira.