Ce soir-là, quand Mme Hepburn apprit qu'elle était enceinte, elle fondit en larme. son mari vu dans ce geste une démonstration de joie. Elle omit de lui dire qu'elle ne voulait simplement pas de cet enfant. Elle pensa sérieusement à avorter pendant quelques jours puis renonça à cette idée, elle savait que Mr Hepburn serait devenu fou à la simple évocation de ce désir. Elle joua donc la comédie pendant plus de 9 mois, feintant d'attendre avec impatience l'enfant qui grandissait dans son ventre, simulant des petits cris de bonheur quand elle sentait un coup de pied ou décorant sa chambre avec le plus grand soin et la plus grande joie. Puis, quand on lui présenta le bébé à la maternité, elle se surprit à éprouver un semblant d'amour pour ce petit ange.
Mais peu importe car, au final, ce furent les nounous qui élevèrent sa fille. Bien évidemment. Comme dans toute bonne famille de la haute société. le contraire aurait été im-pen-sa-ble, Les Hepburns avaient une réputation à tenir, voyons.
"Je vous rassure Madame Hepburn, votre fille va très bien. Un peu solitaire peut-être, mais cela n'est en rien lié à un quelconque trouble ! je peux vous l'assurer."
"Mais... j'en suis certaine. Il y a quelque chose qui cloche, ma fille n'est pas... normale"
"Madame Hepburn, avec tout le respect que je vous dois, votre fille est tout ce qu'il y a de plus normal ! Si vous voyez les pauvres gamins que je reçois dans mon bureau à longueur de journée, vous comprendriez ô combien la santé mentale de votre fille est stable. Je dirais même que Betty est très avancée pour son âge, très lucide."
C'est en colère que Mme Hepburn quitta le bureau du professeur Rajvik. Elle en avait épuisé des spécialistes - psychologues, psychiatres, psychanalystes, psychothérapeutes, et tous ces autres médecins qui commencent par psy... - mais jusqu'à là, aucun de ces idiots n'avait pu découvrir le problème de Betty. Comment ne pouvait pas on voir ce qui clochait chez sa fille ? Sa paaauvre enfant dont elle était la seule à voir le malheur.
Il suffisait juste d'observer la petite de 11 ans pour savoir que quelque chose n'allait pas ! L'enfant passait la plupart de son temps seule, préférant s'adonner à des loisirs tels que la lecture et le dessin. Et même quand sa mère invitait des enfants de son âge à la maison, elle préférait rester dans son coin et ne parler à personne. Mais cela n'était rien comparé aux autres comportement étranges de l'enfant ! La semaine dernière, madame Hepburn lui avait offert un poney. Une adorable petite bête que sa fille avait refusé, pour ensuite déblatérer quelques mots sur la valeur de l'argent et le fait qu'elle ne voulait pas de tout ces cadeaux inutiles. Suite à cet incident, Madame l'avait vite fait taire et lui avait promit de ne plus jamais répéter ces infamies, surtout en présence d'une assemblée. Et que dire de son comportement avec le personnel de la maison ?! La gamine refusait de leur donner des ordres et, le comble, elle était polie avec eux. Vous avez bien entendu, p-o-l-i-e. Madame Hepburn n'avait pas l'ombre d'un doute, sa fille avait un trouble mental. Et, le pire dans tout ça, c'est que les gens commençaient à parler... Quand serait-ils quand le grand monde découvrirait la vérité sur le comportement de Betty S. Hepburn ? Alors, Madame le savait, les conséquences seraient regrettables. Et surtout, elles risqueraient d’entacher à jamais le nom Hepburn.
Alors, dites-moi, comment tout ces spécialistes ne pouvait-il pas voir l'évidence ?
De son côté, l'enfant en question venait de trouver une inscription pour le pensionnat dans le bureau de son père. C'était décidé, Betty allait devenir la parfaite petite fi-fille à ces parents. Elle allait rentrer dans le moule, se caser, devenir aussi futile que tous les énergumènes qui l'entouraient. Puisque cela semblait la seule alternative pour obtenir la paix.
Du jour au lendemain, le comportement de Miss Hepburn changea du tout au tout, au grand bonheur de ses parents. Elle devînt l'enfant modèle, le petit prodige de la famille, la fille que toutes les familles riches de Stockholm rêvaient d'avoir. Traînant avec Marie "couche-toi là", blondasse de quinze ans qui s'était déjà fait la moitié du lycée, Mr le proviseur y comprit, Adam, petit con arrogant qui couchait régulièrement avec des prostitués, cadeaux de son cher papa pour combler ses nombreuses absences, et Anne-cécile, aka "boulimie girl", la petite frenchie phobique des moches, des gros, des handicapés, mais surtout, surtout, des pauvres. Ces trois-là et pleins d'autres... Tout ces monstres que crée l'argent et la solitude, le manque d'amour et l'ennui. En apparence, Betty Skye Hepburn était la parfaite petite riche ; Enregistrant les meilleurs résultats scolaires de son école, traînant avec les enfants de l'élite de Stockholm, étant l'une des filles les plus populaires de sa génération et sortant avec LE garçon le plus friqué de la communauté. Une vraie petite pétasse qui faisait la fierté de la famille Hepburn ! Mais tout ceci n'était que façade. Un rôle qu'elle se donnait tout le mal à entretenir, mais qu'elle vomissait une fois seule, quand toutes les lumières s'éteignaient, la laissant dans le noir.
En secret, Elle exécrait ce monde pourrit par l'argent, le succès, le pouvoir et la connerie. Au plus profond de son être, Betty rêvait de s'enfuir...
16 ans, c'est bien trop tôt pour partir de chez soi, tout le monde en conviendrait. Mais, pour le bien être mental de la jeune fille, ce départ se devait d'être imminent. Et dire que, quelques années plus tôt, ses parents pensaient qu'elle était folle, elle qui avait le comportement le plus censé de tout son entourage..
Elle était maintenant partie. "Je me barre" avait-elle dit. putain, qu'est-ce que c'était bon. Bien évidemment, ce départ ne se fit pas sans difficultés. Son père gueula, sa mère pleura, sa mère gueula, son père pleura.. une scène assez embarrassante. Résultat, ils lui coupaient les vivres, comme si elle en avait quelque chose à faire. Comme si leur argent avait un jour eu de l'ascendant sur elle.
En quelques jours, l'annonce fit le tour de la haute société. Passant de Stockholm à Paris, de l'Upper East Side à Dublin, de Dubaï à Monaco. "Comment la fille Hepburn avait-elle pu faire ça à ses pauvres parents?", "son père l'avait-il vraiment déshérité?", "une si jolie fille, avec un si bel avenir, quel gâchis!", comme si le simple fait d'abandonner cette vie de luxe et d'apparence revenait à gaspiller sa vie, comme si le bonheur s'arrêtait derrière ces grandes tours d'or et d'argent... Pendant quelques jours, le prénom de Betty fut sur toutes les bouches, dans toutes les discutions, à toutes les réunions. Mais, bien sûr, comme tous les autres potins, gossips et autres conneries de ce genre, celui-ci fut très vite oublié. Remplacé par les habituelles histoires d'infidélités, de test de paternité et, le pire d'entre tous, la 'chose' dont ils avaient tous peur, celle qui les gardait éveillé toute la nuit, les histoires de faillite.
De Betty Skye Hepburn, il ne resta qu'un vague souvenir.