C.-CILIO ► marlon teixeira

« Si Luis te voyait comme ça, il te tuerait. » « Dégages ! » Encore à moitié endormis, il n'essayait même pas de comprendre les paroles de sa soeur qui circulait dans sa chambre en s'avançant vers lui. Il sentit son poids sur son lit et ses bras qui enlaçaient son corps nu. « Tu te rends compte de ce que tu deviens .. ? » « Laisse-moi dormir. » Livia soupira sans pour autant se détacher de son frère allant même jusqu'à se glisser sous sa couverture. Ses doigts caressaient ses cheveux et ses lèvres embrassaient sa joue. Elle avait peur de ce que son frère était en train de devenir, se demandant même si continuer les études était une bonne idée. Ce qui l'inquiétait surtout, ce n'était pas ses notes puisque malgré son comportement, aussi étrange que cela puisse paraitre, ses notes restaient tout à fait correctes et si ça n'avait pas été le cas, Luis, leur beau-père, celui qui leur a permis de suivre une scolarité dans l'une des plus grandes écoles des Etats-Unis, n'aurait pas hésité à sauter dans le premier avion pour venir le secouer. Mais parfois, elle aurait aimé que ce soit le cas, afin que quelqu'un se rend compte à quel point il était mal, mais il n'y avait qu'elle qui l'avait remarqué. Continuant de jouer avec ses cheveux et voyant que son grand-frère était à présent réveiller elle reprit ses questions. « Tu comptes faire quoi ? » Le fait que Livia parlait dans sa langue natale, le portugais, le rassurait un peu, mais Camilo n'était pas d'humeur à se remettre en question. « Pourquoi je ferais quelque chose ? » « Parce que t'es qu'un pauvre con qui passe son temps à faire la fête et à boire. » « Et alors ? » « T'es vraiment un con. » Camilo ne répondit pas, essayant de replonger dans son sommeil malgré les secousses de sa sœur qui tenait absolument à avoir cette conversation avec lui. Finalement, après plusieurs tentatives sans aboutissement Livia préféra abandonner comprenant que ce n’était pas le bon moment, laissant alors Camilo seul dans sa chambre.

« T'es un PUTAIN de masochiste Camilo ! » Plongé dans ses devoirs, le jeune homme ne leva même pas les yeux en direction de sa soeur visiblement très énervé. « Je bosse. » « Ouais donc en gros on peut jamais parler c'est ça ? » Eunice lâcha un petit rire qui se voulait moqueur, il n'avait toujours pas daigné relever les yeux vers sa petite soeur qui sans prévenir lui arracha son devoir des mains. « Livia ! » « On parle. » Son ton froid ne laissa place à aucune réplique de la part de Camilo qui n'eut pas d'autre choix que de fixer sa soeur, prouvant qu'il l'écoutant. « C'est quoi ton problème ? On dirait que t'as besoin d'être mal, c'est limite si on n'a pas l'impression que t'as envie de te faire du mal ! » Bien qu'il la fixait, il ne répondit pas, bien conscient qu'elle avait juste besoin de se défouler. Mais au fond, Livia avait bien raison, plus petit, Camilo était un garçon solitaire qui ne se liait avec personne, jouant seul dans un coin à la récré. Le motif ? Camilo était ce qu'on peut appeler un orphelin de père, et était persuadé que ça se voyait sur son visage. Il vivait seul avec sa mère qui peinait à joindre les deux bouts, un peu comme tout le monde à l'époque d'ailleurs, mais la différence des autres c'est qu'eux pouvaient se vanter d'avoir un père. Si certain avait la chance d'avoir un paternel pour venir les chercher à la sortie, les autres ne manquaient pas de raconter leur fabuleux week-end en compagnie de leur deux parents, laissant Camilo en retrait. Une impression de rejet qui devient peu à peu de la paranoïa ; chaque regard, chaque mot, chaque attention portaient sur lui, lui donnaient l'impression d'être vu comme un être anormal. Et tout ça s'est accentué quand sa mère est tombée enceinte, le père cherchant à faire les choses bien s'installa chez eux faisant comprendre que même sa propre soeur aurait un père. « Cam.. » Un mal être qui a fini par disparaître pour laisser place à un autre. L'histoire entre sa mère et le père de sa soeur n'a pas durée, un mois tout au plus, faisant comprendre à Camilo qu'il n'était plus seul à présent. Il eut une vie plutôt normal jusqu'à ses seize ans, des filles, des soirées, des amis, l'école.. Mais encore une fois, c'est sa mère qui fut à l'origine d'un nouveau bouleversement, annonçant à lui et à sa soeur qu'elle allait se remarier avec un certain Lui Dos Santos ; un homme dont aucun des enfants Perreira ne connaissait l'existence. Ils n'ont jamais vraiment su ce qui s'était passé entre eux, mais avaient bien comprit que ce n'était qu'un mariage d'intérêt même s'ils ne comprenaient toujours pas ce qu'un grand PDG pouvait avoir comme intérêt d'épouser une femme de classe social bien inférieure. Mais ils n'ont pas cherché à poser de questions, sachant très bien que ce genre d'occasion ne se représenterait pas deux fois, et que c'était mieux pour tout le monde. Alors ils ont débarqué aux Etats-Unis après quelques jours passaient au Brésil, devant alors s'habituer à la langue, au mode de vie, et surtout à la langue. Quelque chose de bien difficile pour Camilo qui d'ailleurs, après sept ans garde toujours un accent bien prononcé. Un gros complexe qu'il a enfin réussi à surmonter il y a peu. Son inscription à Harvard fut quelque chose de tout naturel. Son beau-père ; bien que Brésilien, a fait ses classes dans cette université, souhaitant alors que son beau-fils puisse connaître le même cursus que lui. C'est également '' grâce '' à lui qu'il a rejoint Eliot House, une sorte d'héritage dont il devrait être fier. Pourtant il ne s'y sent pas à sa place, les snobs qui se mouchent dans des billets de banque, très peu pour lui et même s'il en sept ans il a eu le temps à s'habituer aux soirées mondaines, aux gestes à faire et à ceux à ne pas faire il ne va pas jusqu'à cracher sur l'argent. « Camilo-Cilio ? » La voix de sa sœur le sortit de ses pensées dans lesquels il était plongé, il se frotta un peu le visage avant de soupirer. « Je suis amoureux. » « Oh.. » Un sourire commença à se dessiner sur le visage de Livia mais il disparut bien vite lorsqu’elle comprit que ça ne pouvait pas être si simple que ça. « C’est un homme. »