Un jour deux parents te donnent la vie, en sachant que tu vas mourir. Un jour ils perdent la vie, alors que toi tu n’es pas prêt de partir. Ta vie devient un chamboulement, tu ne sais plus quoi faire. Tu aimerais prêter serment, alors que tout le monde veut te faire taire.
Un petit garçon, dans un siège-auto pleurait toutes les larmes de son corps, il avait compris qu’il ne reverrait plus jamais ses parents, qu’il était depuis dix minutes un orphelin. Lui qui avait toujours baigné dans l’amour, et la tendresse voilà qu’il allait vivre dans le malheur et la tristesse. Les alarmes des policiers, celles des pompiers et des ambulances hurlaient, toutes celles-ci mélangées aux cris de ce jeune orphelin. Ce dernier plaqua ses mains sur la vitre, ainsi que sa tête pour revoir une dernière fois la scène de crime, se souvenir –même si à cet âge là on ne comprenait pas toujours- de ses défunts parents, des gens si honorables que leur perte était un drame pour la ville de Paris, aussi grande soit-elle, car dès le lendemain ils allaient faire la première page, mais ceci n’égalerait jamais la souffrance des habitants et des proches. Mais qu’allait devenir le petit Gaultier ? Sa famille, du moins ce qu’il en restait était une grand-mère paternelle à l’hôpital, c’était tout. La mère du garçon avait eu une sœur jumelle mais malheureusement décédée à l’heure actuelle, quant à son père il était fils unique, donc pour lui pas de choix possible il ne pouvait qu’espérer l’orphelinat. Il passa une nuit au poste de police, sur un lit de camp dur comme le béton, bien sûr il n’avait pas fermé l’œil de la nuit, que quelques heures à peine, il était bien trop agité par les sanglots pour pouvoir espérer dormir sereinement. Comment pouvait t-il espérer être heureux maintenant, alors qu’on lui arrachait sa famille ? Qu’on lui enlevait les deux êtres qui lui avaient donné la vie ? Pourquoi la voiture d’en face avait pris ce feu rouge ? Beaucoup de questions étaient à se poser, et pourtant le jeune garçon ne savait même pas encore la gravité de cet accident, il souffrait bien trop pour cela.
« Plus de famille, à part une grand-mère entre la vie et la mort. » Il entendait tout, Édouard allongé dans son lit de camp entendait parfaitement la conversation des deux policiers qui tentaient de trouver une solution, il ne comprenait pas tout bien entendu mais il savait que son avenir serait difficile à gérer pour les deux brigadiers. Il étouffa un sanglot, pour ne pas que l’on remarque sa présence et surtout pour qu’il puisse encore écouter. « Je ne vois qu’une seule solution, dès son réveil c’est l’orphelinat. » Une courte pause puis il réussit à entendre des phrases de pitié à son sujet, sans pour autant comprendre exactement ce qu’ils disaient. Édouard compta dans sa tête jusque dix, il le fit plusieurs fois car il ne savait pas aller au-delà de ce nombre, il voulait être certain que les policiers soient assez éloignés. Il ouvrit enfin les yeux, il ne s’en était pas rendu compte mais ça faisait une heure qu’il comptait et re comptait de un à dix. Tout doucement il se releva, les yeux rouges tant il avait pleuré, il se les frotta puis s’étira. Son visage était meurtri de douleur, il n’y avait pas une seule nuance de bonheur qui laissait croire qu’il était heureux, en même temps il fallait le comprendre, son monde avait basculé, et il ne voulait même plus parler. « Tenez, il est réveillé.. » Le chef de la police entra dans la petite cellule en douceur, certainement pour ne pas effrayer le petit, il s’accroupit près de lui, et dit après s’être éclairci la gorge. « Tu as bien dormi mon petit ? » Édouard haussa des épaules en guise de réponse. Le policer resta perplexe, mais cela ne l’empêcha de reprendre la parole. « Tu vas aller dans un orphelinat, d’accord ? Tu verras tu vas t’y plaire les sœurs sont gentilles surtout avec les… Bref passons. Nous allons d’abord passer chez toi pour que tu puisses récupérer tes affaires le notaire nous a donné les clés. Ne t’inquiètes pas ça va aller. » Édouard lui fit un sourire forcé même s’il n’en pensait pas moins, il était bien trop désemparé et triste pour pouvoir aller bien. Il baissa les yeux et suivit sans broncher l’homme de loi jusqu’à la voiture pour retourner chez lui, pour la dernière fois d’ailleurs. La route fut longue du poste de police à sa maison, il ne voulait pas y retourner car cela allait engendrer bien trop de souffrance pour lui, mais il n’avait pas le choix. Tout le monde l’aida à faire sa valise, lui il pleurait, les larmes coulaient sans qu’il ne s’en rende pourtant compte. Il n’oublia pas de prendre le livre de partitions de son père, la boite à musique de sa mère et sa peluche représentant Baloo, pour lui il ne lui fallait que ça pour pouvoir vivre, ils représentaient les seuls biens le rapprochant de ses parents.
Et une fois de plus, la route fut longue jusqu’à l’orphelinat, deux heures. Et durant tout ce temps il pleurait et tentait tant bien que mal de se rappeler de ses parents et de tout le bonheur qu’ils lui avaient donné durant les cinq premières années de sa vie. Une fois arrivé devant un grand bâtiment, Édouard sentit une boule se former dans son ventre, il avait peur maintenant, peur de son avenir. Ses parents voulaient qu’il soit accueilli par les nonnes, alors il allait le faire de toute manière il n’avait pas vraiment le choix. La directrice, une vieille femme toute ridée mais au sourire accueillant vint à leur rencontre. « Bonjour Monsieur. » dit-elle en serrant la main du policier « Ma sœur. Voici Édouard Gaultier. » Le petit garçon fixa la sœur, mais ne bougea pas d’un poil même si elle lui adressait un sourire confiant. « Il est très perturbé, ses parents sont partis tellement tôt, et dans leur testament il y a si peu de détails, simplement celui de vous le confier. Ils voulaient le mettre dans les bras du Seigneur. » Avait repris l’homme en uniforme. La religieuse hocha de la tête, écoutant parfaitement toutes les paroles de l’homme face à elle. « Oui et c’est un choix judicieux qu’ils ont fait. Nous allons prendre soin de ce petit bonhomme. » Elle lui tendit la main et Édouard la lui prit sans aucune volonté pour autant. Il avait son sac à dos sur les épaules, dans lequel il y avait les trois choses qui comptaient le plus à ses yeux. Sa valise où il y avait ses vêtements il s’en fichait un peu. D’autres sœurs vinrent prendre le reste de ses affaires. Il se retourna une dernière fois pour regarder le policier qui lui fit un signe de la main en guise d’au revoir, il lui répondit dans un léger sourire et suivit les sœurs dans un silence le plus profond, tandis que les policiers allaient s'occuper des papiers et les autres formalités.
Tes doigts pianotent sur le domino, tu vois une lueur d'espoir. Tu crois être solo car ta vie est un désespoir. Rattaches toi à tes mélodies, car elles sont les plus jolies. Elles te rapprochent de ton parents, tu sentiras le souffle du vent.
Édouard se leva de sa chaise, et tête baissée quitta le réfectoire, il n'avait qu'une seule envie, vagabonder dans les couloirs, se trouver un place dans un lieu isolé loin de tout, Cela faisait un an qu'il était à l'orphelinat et pas un seul jour il ne s'était fait de vrais amis, car c'était bien trop superficiel et déjà à cet âge là il l'avait compris. Le petit garçon tendit alors l'oreille, il entendit une douche mélodie, enchanteresse et envoûtante sans trop réfléchir il suivit ce doux son, et face à lui, juste devant ses yeux un magnifique piano à queue où une sœur y faisait glisser ses doigts. Lorsqu'elle remarqua Édouard, ce dernier poussa un cri de peur et partit en courant dans son dortoir, il ne voulait pas parler, il ne parlait plus à personne d'ailleurs sauf à...bref. Il s'allongea dans son lit, et compta jusque dix, puis recommença jusqu'à la tombée de la nuit, Cette habitude il l'avait prise dès la mort de ses parents.. Le jeune parisien partit alors se mettre en pyjama sous ordre des sœurs, se mit au lit et fit mine de dormir. Lorsqu'il fut certain que l'orphelinat était plongé dans le sommeil, il se dirigea vers le piano, referma la porte et posa ses fesses sur le siège. Il avait pris ses partitions, du moins celles de son père, il ne savait pas lire les notes de musiques, mais il voulait quand même que l'esprit de son paternel soit avec lui. Édouard posa son petit doigt d'enfant sur une touche, et à l'écoute de ce bruit si mémorable une larme perla sur son visage, frénétiquement il ferma les yeux et tenta de se souvenir de son père lorsque lui même jouait du piano. Il avait toujours eu une bonne mémoire, et presque instinctivement il commença à jouer, Claire de Lune de Debussy. Bien sûr il y avait des petites imperfections, mais elles étaient minimes car il faisait cela à l'écoute. Il jouait sans se soucier des sœurs qui étaient arrivées, il sentait son père, sa présence, il lui soufflait les notes, il était entouré d'ondes pures. Les larmes qui coulaient le long de ses joues étaient comme de la soie, et il se rendit compte que c'était des larmes de joie, il était heureux. Il sentit la main de son père sur son épaule, il le consolait, lui disait que tout irait bien, qu'il pouvait être serein, que dans tous les moments de sa vie il serait avec lui. Et en lui offrant ce morceau improvisé il le remerciait, Édouard qui n'avait jamais joué du piano était en quelques sortes inouï d'une virtuosité pour pouvoir jouer de mémoire sans jamais avoir appris le solfège. Il caressa la dernière touche, essuya les quelques larmes qui restaient sur ses joues et se retourna. Devant lui les sœurs, toutes très émues certaines aux larmes. L'une d'elle le pris dans ses bras, pas besoin de mots elles avaient compris, elles avaient senti cet hommage au père du petit Gaultier, après tout il était dans la maison du Seigneur.
Dès le lendemain, Édouard apprit les bases du solfège avec un professeur attitré, la musique allait compter pour lui, comme les notes comptent pour un morceau.
Un jour tu rencontres quelqu’un, tu ne vis que pour ses yeux. Même si tu n’es pas quelqu’un de bien avec elle c’est beaucoup mieux. Vous rêvez de devenir les rois du monde, vous rêvez de quitter cet orphelinat. Mais c’est beau de rêver de tout cela, surtout de telles idées vagabondes.
« Allez viens Rose ! Ne fais pas ta peureuse. Tu veux qu’il nous arrive quoi ? Et puis tu n’en as pas marre d’être enfermée ici ? » lança alors Édouard, prêt à passer au dessus de la grille. Il fixait Rosalie d’un air sérieux et froid mais c’était une habitude chez lui que la blondinette ne devait plus y faire attention. Pour lui cette fille était un tout. Cela faisait douze ans qu’il la connaissait, dès son deuxième jour à l’orphelinat il l’avait de suite remarquée. En même temps la française passait rarement inaperçue même lorsqu’elle avait quatre ans et demi lors de leur première rencontre. En fait il n’avait même pas vu les années passer avec elle, puisqu’ils étaient tout le temps ensembles, partout où l’un allait l’autre suivait comme un mouton. Ils étaient liés, de vrais meilleurs amis si on peut dire, même si parfois leur caractères ne s’alignaient pas toujours, d’où leurs nombreuses disputes pour un oui ou pour un non. Il était trop jaloux quand elle parlait avec d’autres hommes, et elle quand il parlait avec d’autres femmes c’était la même chose, même des gamins de douze ans il n’aimait pas, mais les deux oiseaux avaient bien trop d’orgueil et de fierté pour avouer qu’ils s’aimaient au-delà de l’amitié. « Tu ne me suis pas je m’en fiche, moi je m’en vais ! » Édouard jeta son sac par-dessus la grille, puis l’escalada avec beaucoup d’habileté, il faut dire il l’avait fait un millième de fois que ça en devenait quelque chose de quotidien. Bien sûr elle le suivit en râlant et en l’insultant même mais elle venait et ça faisait le grand bonheur du blondinet d’ailleurs, même s’il avait bien trop de fierté pour avouer qu’il aurait été déçu si elle n’était pas venue. Il lui donna un coup d’épaule en guise d’approbation et à deux ils filèrent dans la nuit de Paris. Après cinq minutes de course à vive allure, et une fois qu’il fut certain d’être loin de l’orphelinat Édouard sortit de sa poche un joint déjà prêt et en donna un à Rose, ils partageaient tout. Ils se posèrent sur un banc dans un parc isolé de la petite ville, et Édouard en profita pour sortir son briquet et allumer son pétard, Rosalie avait toujours un briquet sur elle donc il n’allait pas lui proposer le siens, même s’il était beaucoup mieux. Et dans le silence de la nuit noire, la voix du Gaultier se fit entendre « Mon prof de piano veut que je parte aux États-Unis pour me perfectionner. Il dit que le conservatoire c’est bien pour moi mais que je mérite une école plus prestigieuse… J’hésite vraiment car le piano est pour moi l’incarnation de mon père, et quand je joue j’me dis qu’il écoute.. » Il baissa les yeux, l’air un peu triste en repensant à son père. Ce dernier était un grand joueur de piano, et il avait transmis le talent à son fils unique qui y mettait beaucoup de cœur et d’envie, d’ailleurs les sœurs étaient contentes de l’avoir, car parfois il faisait des petits concerts pour son plaisir. Bien sûr c’était un privilège pour lui d’aller au conservatoire car personne n’était autorisé à sortir de l’orphelinat mais bon quand il sortait il y avait toujours Sœur Anna-Christelle, une fan de musique. Tout cela aurait pu être parfait, s’il n’avait pas des problèmes de discipline. Il répondait souvent aux sœurs, parfois il ne mangeait pas et s’enfermait dans son dortoir pour se fumer un joint, ou boire un verre ou deux d'alcool volé, il faisait souvent le mur et essayait d’influencer Rosalie dans tous ses mauvais coups. Au début elle ne marchait pas dans ses combines, mais maintenant il était impossible de les séparer, depuis maintenant douze ans. Mais avant Édouard n’était pas comme ça, c’était le plus gentil des garçons toujours souriant avec les sœurs, prêt à aider, mais du jour au lendemain il a changé et il a mal tourné…
Flashback
« Édouard n’a pas de parents, personne ne l’aime .. » chantonnait un garçon de deux ans son aîné alors que lui-même avait à peine douze ans. Ce garçon c’était la terreur de l’orphelinat, il embêtait tout le temps le petit Gaultier qui lui ne répondait jamais à ses attaques, mais là se fut la goûte de trop. Il avait réussi à prendre les dernières et les seules partitions du père du jeune Édouard, et le menaçait de les brûler. « Rends les moi ! Mais rends les moi ! » criait Édouard alors qu’il savait que c’était peine perdue, à moins qu’une sœur vienne l’aider, mais elles étaient toutes occupées ailleurs. « Ou quoi ? Tu vas appeler une sœur, alors qu’elles se servent de toi pour jouer du piano et pour les corvées ? » Il n’eut même pas le temps de répondre que le caïd le poussa violemment afin de le faire tomber. Avec hâte Édouard se releva, mais se fut trop tard, les notes de musique brûlèrent sous ses yeux, il s’agenouilla près du tas de cendres et pleura toutes les larmes de son corps. Même les insultes il ne les entendait plus tant il était anéanti par le chagrin. Dans une fraction de secondes il se leva, attrapa son ennemi par le col du peu de force qu’il avait et lui flanqua une grosse gifle, un coup de poing dans le nez, bref il déclencha sa première bagarre et eut sa première punition. Durant une semaine il resta dans son dortoir, ne mangea que du pain et de la soupe et ne but que de l’eau, il sortait seulement la nuit pour jouer du piano. Les sœurs n'osaient pas le déranger. Et quand il revint, ce fut lui le caïd de l’orphelinat.
Fin du flashback
Édouard se remit au sujet actuel, et écouta la réponse de son amie. « Jer' je ne vois pas pourquoi tu hésites encore. C'est la chance de ta vie, et elle ne se représentera pas deux fois. Et puis avoue que voir autre chose que ce trou à rats merdique c'est beaucoup plus tentant. » Jer, effectivement Rosalie l'appelait tout le temps par son second prénom, c'était la seule, son exclusivité. « Ton père aurait voulu que tu le fasses, j'en suis sûre, » Et rien qu’à l’idée de repenser à son père, ça lui fit l’effet d’une bombe dans le cœur, il ne montra pas sa tristesse et baissa les yeux. Et comme si elle avait compris son malheur elle rajouta « Regarde les choses en face, ici t'as rien d'autre que ces murs, rien ne pourrait te retenir... » Édouard n’hésita pas une seule seconde, il se pencha vers elle et posa ses lèvres contre les siennes. Un baiser chaud et langoureux, il y avait une certaine détermination à l’agressivité mais c’était ça qui en faisait le charme. Son baiser signifiait un remerciement parce qu’elle avait toujours été là pour lui, malgré leurs disputes. D’ailleurs au moment où il avait du reprendre sa respiration il lui avait mordillé la lèvre, joueur plus que jamais. Entre eux il y avait de la passion et de l’affection, leur relation était fusionnelle dans tous les sens du terme. Bien sûr qu’il aimait Rosalie mais une part de lui se disait qu’elle était bien trop sage et encore jeune dans sa tête pour lui. Si elle s’imaginait les horreurs qu’il pouvait faire, plus jamais elle ne lui parlerait et pourtant Édouard pouvait être quelqu’un de bien. Là n’était pas la question. Édouard intérieurement aimait bien faire le mal autour de lui, parfois même il avait l’esprit assez sanglant, d’ailleurs ce trait de caractère allait se révéler davantage dans son avenir, mais personne ne pouvait voir dans une boule de cristal pour prédire ceci à l’orphelinat.. Les heures filèrent et furent sûrement celles qu’il eut préféré dans sa vie à l'orphelinat. Même si pendant la soirée ils se sont disputés, pour quelque chose de complètement insensé. Parfois même quand il se disputait violemment avec Rosalie, il avait de gros bleus, des égratignures sur les bras, allant aussi jusqu’à un œil au beurre noir, et pour la jeune femme c’était la même chose, car oui il n’avait aucune honte à frapper les femmes, enfin juste cette femme. La plupart du temps ils se crêpaient le chignon ils adoraient ça, aussi bien l’un que l’autre, c'était leur manière à eux de se dire qu'ils s'aimaient.. Foutaises ! Il n’était même pas certain d’aimer Rose à sa juste valeur, elle était superbe comme fille à contrario de lui, il était bien trop noir et sournois pour un jour aimer quelqu’un d'autre que ses défunts parents. Malheureusement le lendemain de ce jour où ils échangèrent enfin un baiser –et bien d’autres après- Édouard se fit virer de l’orphelinat. Les raisons il avait tabassé jusqu’à ce que mort s’en suive un garçon de deux ans de moins que lui pour avoir cassé la boite à musique de sa mère, or cet objet comptait énormément pour lui. Il ne put même pas faire ses adieux à son amie, il n’avait pas le choix. Heureusement que les sœurs étaient quand même là pour ne pas l’emmener en prison. Personne ne sut cette horrible histoire mis à part les sœurs de l’orphelinat. Malgré cela le jeune homme avait tenu à récupérer le présent de sa mère, même s’il était cassé en mille morceaux, il espérait sans doute que par miracle ils se recollent. Il était désemparé de ne plus rien avoir le rapprochant de ses parents, plus de partitions et plus de chanson. Plus rien sauf quelques vagues souvenirs mais qui était les seuls qui le maintenaient en vie.
Tu t’engouffres dans la musique car c’est ton seul espoir. Tu souffres le martyre avec toutes tes idées noires. Et pourtant tu peux avoir une belle âme, malgré le fait que le monde qui t’entoure te blâme.
Les doigts de Édouard Jeremiah-Berlioz Gaultier caressaient les touches du piano, la vaste salle n’avait d’yeux que pour lui, tant il resplendissait de sa beauté légendaire de musicien. La musique ? Il n’avait que ça, c’était tout ce qui le rapprochait de ses parents, et en partie de Rosalie car il pensait souvent à elle, puisqu’elle adorait le piano. Et il y a des années de cela il lui avait même écrit une mélodie, mais tout ça dans le plus grand des secrets. Car le Gaultier avait deux facettes, celle du pianiste en grande contradiction avec celle du dealer. Mais dans une ville comme celle dans laquelle il habitait depuis maintenant sept ans, c’était bien très facile de se cacher. Il avait derrière lui des années de conservatoire, c’était un pianiste renommé mais il préférait cette petite ville -pas si petite que ça- plutôt qu’une autre plus convoitée. Au moins ici il pouvait élaborer son trafic tranquillement, et être pleins aux as pour s’en acheter encore et encore à croire qu’il ne pensait qu’à l’argent.. D’un autre côté, il avait vu ses parents mourir devant ses yeux, il ne fallait pas espérer qu’il devienne un homme respirant le joie de vivre, il avait la mort sur la conscience et s’enivrer encore et encore de l’enfer le rendait toujours un peu plus fort.. Il s’arrêta de jouer laissant durer la dernière note quelques secondes, se leva en saluant le public puis retourna à sa loge. Il rangea rapidement ses affaires, et comme s’il n’avait jamais été présent il s’éclipsa, prêt à redevenir le dealer bien connu des drogués. Lui-même pendant qu’il exerçait son second métier –si on peut appeler ça ainsi- se voyait se fumer un joint, ou même sniffer quand il était au plus mal, et quand il était en pleine crise de colère il lui arrivait de frapper quelqu’un mais il fallait le pousser à bout et qu’il soit dans un état vraiment désastreux. Lui-même était un cas désastreux, il ne voyait pas la sortie de ce gouffre, du merdier dans lequel il s’était engagé, mais pour lui c’était impossible d’arrêter il aimait bien trop cela. Édouard se voyait comme un cas perdu, dans la vie il n’avait rien à part la musique et pour lui ce n’était pas suffisant. Méchant, froid et sans cœur avec tout le monde, il était craint de beaucoup de personnes simplement pour son mauvais caractère, en outre il était admiré pour ses talents de pianiste, on pourrait croire à de la schizophrénie mais non, il était bien une seule et même personne consciente de ses actes et de la gravité malsaine de certains. Il ne fallait pas chercher à le comprendre, il était dans son monde.. Et pourtant ô combien il pouvait être gentil, il fallait simplement creuser au-delà des apparences. Tant il était absorbé par ses pensées qu'il ne remarqua pas la demoiselle dans laquelle il allait foncer dedans. « Merde faites attention ! » dit-il dans son anglais à l'accent français. Il leva les yeux, et son cœur échappa un battement lourd. Chevelure blonde, yeux bleus océans, bouche pulpeuse, Rosalie. Et sans qu'aucun d'eux n'hésitent ils s'embrassèrent langoureusement et passionnément, comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Édouard mit fin au baiser et la regarda avec affection, elle était magnifique, elle était merveilleuse, c'était sa meilleure amie mais aussi la femme de sa vie. « Tu m'as manqué, mais t'es qu'un connard d'être parti sans me dire au revoir ! » Édouard grimaça et passa une main dans ses cheveux en bataille, sans remarquer que la blondinette de façon frénétique avait palé français. « T'sais les adieux ce n'est pas pour moi. » lui aussi avait parlé français sans s'en rendre compte. Et tout en sautillant, la blondinette le serra dans ses bras et lui murmura qu'elle le détestait de trop l'aimer. Et lui proposa de venir chez elle pour rattraper le temps perdu autour d'un verre, et pas une seule seconde il n'hésita. « Viens suis moi, » Il faisait nuit, il n'y avait pas un seul bruit, sauf les pas de Rosalie qui s'était mise à courir comme une folle le long du trottoir, lui il marchait à une allure normale. Elle l'embrassa brièvement avant de traverser sans même regarder le feu, où même regarder si une voiture arrivait, mais se fut trop tard. Un cri aigu se fit entendre, un choc, un bain de sang, et une femme par terre. Édouard courut alors, s'agenouilla auprès d'elle, elle était vivante mais elle n'en avait que pour quelques secondes. « T'es qu'une imbécile Rose.. » Dans son malheur, dans ses pleurs il ne trouvait que cela à dire, et pour le coup c'était lui l'imbécile. Plus rien n'avait de sens autour de lui, tant son cœur s'était arrêté. « J'voulais tester ce que ça faisait de se faire renverser par une voiture. » dit-elle de sa voix faible, mais elle fit tout de même un sourire. « Je sais qu'on doit tout faire ensembles, mais s'il te plaît restes en vie, bas toi, arrêtes tes conneries...et … » Elle eut du mal à terminer sa phrase, mais se fut l'occasion pour le pianiste de parler. « Toi restes avec moi, les secours vont arriver, bas toi, sois forte. Je t'aime tellement Rose.. Je viens de te retrouver ne me laisse pas.. Je t'aime » La blondinette fit un sourire, et posa sa main sur la joue mouillée de Édouard. Ce dernier la prit entre ses doigts et la serra, de toutes ses forces. « Je t'aime fortissimo mon virtuose. » Et dans un soupire, sur ces derniers mots la mort s'empara d'elle. Édouard sentit un courant d'air lui traverser le corps, elle lui disait ses adieux et cette fois pour la dernière fois.
Plusieurs fois tu as fait de la prison et pour de bien sanglantes raisons. Le temps ne durait que quelques heures et pourtant tu ne voyais que le malheur. Tu détruis tout ce que tu touches, il faut même que tu fasses gaffe aux mouches. Ne pleurs pas comme un enfant, malgré le fait que tu n'aies plus de parents. Relève toi et sois fort, pour affronter le monde qui t'attend dehors.
Tu as passé ton enfance dans cet orphelinat, là bas aussi il y avait de la souffrance malgré ta petite Rosa. Tu ne sais pas vivre sans tristesse, il faut dire tu es tout le temps ivre de maladresse. Ton coeur, ton âme et ton esprit entier sont remplis d’ecchymoses, et comme par magie elles disparaissent quand tu deviens le virtuose. Mais d'un claquement de doigts tout s'envole, quand tu changes subitement vers une mort qui te frôle. Ce danger réel quand tu vends tes bêtises, si tu meurs sache que ça ne sera pas une surprise. La mort tu en rêves jour et nuit, alors n'espère pas partir au paradis, pas comme ta si douce Rosalie.