On te demande de résumer ta vie en une phrase, tu dis quoi ? Rien ? Parce que tu ne sais pas quoi dire. Tu peux sortir des phrases bateaux « La vie est chouette » « Ma vie, c'est ma vie ». Ou alors tu peux te remémorer un de ses films cucul que tu as vu et où les personnages balancent des phrases magnifiques et joliment dites ; «La vie c'est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. ». Oui ce n'est pas faux, la vie est imprévisible. Finalement ça semble simple de résumer ce qu'est une vie en une phrase. Le plus dur doit être de raconter la sienne. On peut se la jouer vite fait bien fait. « Je suis née un beau jour d'Avril à Sydney. J'ai grandi dans une famille plutôt banale, aimante, bruyante. Le style qu'on a l'habitude de voir. J'ai un frère jumeau que j'aime, c'est mon double, ma moitié. Je suis allée au lycée, j'ai expérimenté un tas de trucs. Puis j'ai rencontré un jeune homme, il a été mon premier amour, celui qu'on n'oublie pas. Enfin nos chemins se sont séparés, j'ai été étudiée à Yale. La roue du destin fait qu'aujourd'hui les circonstances ont changé et je suis arrivée à Harvard. » C'est sûr qu'on peut appeler ça survoler une vie. En quoi est-ce donc compliqué ? Peut-être d'y ajouter simplement ses états d'âme, d'y dévoiler une partie de soi, de parler tout simplement de sa personne en y mettant les sentiments. Qui peut le faire sans broncher, ni même hésiter ? Personne. Ce n'est pas un exercice facile. Comment le faire en une fois, même pour une personne si jeune, ça serait trop long. Raconter des morceaux ? Des moments marquants ? Comment faire ? La solution au problème est de se lancer, de foncer, de ne pas penser. « Il y a cette journée au bord de la mer. C'était une magnifique journée avec un temps ensoleillé, l'idéal. Nos parents nous ont emmené pour un week end famille en mode détente les pieds dans l'eau. On était jeunes, une dizaine d'années, pas plus. Mon frère et moi-même étions très enjouées et excitées. Pique-nique le midi, plage, bronzette et château de sable l'après-midi. Un souvenir agréable qui me réchauffe le coeur dès que j'y pense. On est une famille ordinaire. Pas de drame, tragédie, des querelles, des mesquineries et une grande dose d'amour. Cette journée représente bien les Goodwins. Une image lisse, propre, qui cache quelques tensions. Comme dans chaque famille. On a joué toute l'après-midi sur le sable et au bord de l'eau. On a ris, beaucoup ris ce jour-là. Pour une fois, il n'y avait pas la pression des cours à l'école, ou de notre père pour qu'on paraisse parfaite sur tout rapport en dehors de la maison. On était entre nous, dans un cadre idyllique. J'y pense et ça me fait sourire. » Une anecdote représentative de la famille Goodwins et du cadre de vie dont a jouit une gamine épanouie. Là encore il manque quelque chose. Mais à cet âge on croque la vie, on est innocent et naïf, on ne se pose pas trop de questions, juste les plus oiseuses. « Pourquoi le soleil est jaune ? ». Il n'y a pas cette remise en question qu'on retrouve dans la tête d'une adolescente. C'est une période de changements, de découverte. « Je ne voulais pas y aller, je n'en avais pas envie, mais elle m'y a forcé. Je me rappellerais toujours de cette soirée comme étant la pire et la plus embarrassante de toute mon existence. Rien que d'y penser, ça me révulse. Au lycée je n'étais pas la fille à se bourrer la gueule ou à coucher facilement. J'avais mes principes, mes idéaux. Comme celui de ne pas m'offrir au premier venu. Je voulais attendre le bon. Ma meilleure amie était l'opposée et je crois qu'elle n'a jamais bien compris ma démarche. Ou alors elle n'a pas essayé. Elle n'en fait qu'à sa tête et en grandissant, nos caractères se sont éloignés, même s'ils restent similaires sur certains points. Ce soir-là elle m'a traîné à une beuverie. Il était fréquent qu'elle rentre éméchée chez elle et j'ai toujours été spectatrice de ce désastre. Je ne voulais pas me rendre aussi pitoyable, donc c'est à contre coeur que j'y suis allée. Les gens étaient ... comment le décrire, c'était la jungle. Et c'était effrayant. Des filles s'offraient sans remords à des hommes, des goujats. Des jeunes qui ingurgitent des quantités astronomiques d'alcool, juste pour le fun. Je n'étais pas à mon aise, j'étais gênée. Je n'étais pas dans mon élément. Je me souviens m'être isolée, éloignée de toute cette furie. J'étais la coincée de la soirée. Mais je préférais être perçue ainsi qu'en tant que grosse chienne délurée. Je ne me suis pas intégrée, j'ai évité la foule, mais l'inévitable est arrivé. J'ai réclamé un verre d'eau à l'hôte de la soirée, celui-ci m'a tendu un verre et naïve, je l'ai bu. Peu habituée à boire de l'alcool, il ne m'en a pas fallu beaucoup avant de perdre mes esprits, ma tête et ma conscience. Je passerais outre les détails, mais j'ai honte de m'être autant affichée. Je ne me suis pas reconnue, j'étais méconnaissable. Un enfer que je ne veux plus revivre. J'ai eu la sensation de perdre le contrôle de mon propre corps avec un sentiment d'extrême impuissance. Le cauchemar ... . ». C'est mieux, plus approfondi, on pénètre un pas de plus dans le subconscient de la personne et on sait à quoi elle pensait à ce moment. On vit avec elle sa première soirée, sa première mauvaise expérience. Donc tu vois, petit à petit on se dévoile, on s'ouvre, mais là où l'on s'emporte, c'est quand on parle d'amour. « Il me plaisait, beaucoup même. Je m'étais réservée pour une personne et lorsque mon regard a croisé le sien, j'ai su que c'était le bon. Littéralement ce fut un coup de foudre. Tu vois j'ai ressenti les papillons dans le ventre, j'ai eu les yeux qui pétillent, de l'électricité au bout des doigts et surtout mon coeur qui battait à une vitesse folle dès que je m'approchais de lui. Il était tendre, gentil, attentionné. À l'époque je suis tombée vite amoureuse. Une histoire comme on en rêve parfois. Il m'était impossible pour moi de mettre un mot sur ce que je ressentais tellement c'était indescriptible, perturbant, mais si excitant. Mais c'est le premier amour. On découvre nos sentiments, on expérimente, on s'aventure sur une pente glissante, car à l'époque j'étais encore bien innocente. Nos chemins se sont séparés et même si au début ce fut un déchirement, je me suis habituée à son absence, j'ai grandi. Il reste mon premier amour, celui qu'on n'oublie pas. » Tu vois qu'au final ce n'est pas compliqué de parler de soi, de son existence, de ses ressentiments et petits émois. Il suffit de se lancer, de fermer les yeux et de se souvenir. Ainsi des images agréables vont refaire surface, de mauvais souvenirs vont également apparaître, mais à la fin on se dit satisfait, car ainsi est faite la vie, de bons et mauvais moments. Malheureusement parfois cette chienne de vie est faite d'imprévu qui bouscule votre existence tout entière. Comme deux simples petites barres sur un test dû à l'ignorance de plusieurs mois.