Il était presque minuit quand Camille sortit de la Cabot House pour guetter l'arrivée de son mystérieux correspondant. Plus tôt dans la journée, ce type au nom de Keenan lui avait envoyé un sms comme quoi il l'avait aperçue dans l'université et qu'il avait tout fait pour obtenir son numéro pour espérer un rendez-vous. Si Camille avait d'abord été blasée, elle avait finalement trouvé sa démarche assez audacieuse et originale et avait accepté d'aller boire un verre avec lui au People's, lui promettant au moins une danse. Elle avait justement envie de sortir ce soir-là et depuis le départ de Demyan, elle avait décidé de profiter de la vie et de faire ce que bon lui semblait. Elle s'était donc préparée pour la soirée en enfilant une robe rouge assez moulante, l'une de ses préférée, et après s'être couverte de son manteau elle était sortie dans le froid. Heureusement elle n'eut pas à attendre bien longtemps puisque une voiture inconnue était garée là. Elle s'approcha avec réserve, se demandant si c'était lui le fameux Keenan, vu qu'elle ne savait pas du tout à quoi il ressemblait.
Certaines hésitations demeurent longues. Certaines hésitations vous font parfois regretter de ne pas avoir profité d’un moment, d’un instant, d’une soirée. Et pourtant, lorsque l’on passe au-delà de cette hésitation, on finit souvent par passer un bon moment, simple, agréable. Oui, pendant un moment, je pensais ne pas me pointer au rendez-vous que j’avais fixé à cette Camille. Le fait est que j’avais montré ce dont j’étais capable en l’alpaguant par message, histoire d’asseoir un peu mon efficacité en termes de séduction au sein de la Winthrop. Mais, de base, mon but n’était plus de partir à la chasse aux filles, dans de sempiternels numéros de drague. Au fond de moi, ce n’était pas ma réelle intention. Car, si à Porto je ne m’en privais pas, à Harvard il y avait Tamara. Et le souvenir que j’en avais… Seulement, si mes hésitations ont finalement cessées, ce n’en n’est que par le simple fait que je me trouvais décontenancé de mes retrouvailles avec la blondinette de mes pensées. Toute une amitié, toute une montagne de souvenirs dont elle n’avait même plus connaissance, dont elle n’avait même plus conscience. Décider de tout quitter d’une vie, de tout plaquer et de laisser tout ce que l’on a construit jusqu’alors derrière soi pour, au final, une femme qui ne vous voyait pas autrement que comme un étrange en fin de compte. Autant pouvait-il y avoir une raison médicale derrière, une raison scientifique, cela avait de quoi vous ruiner un moral. Et au final, ce rendez-vous avec Camille était une occasion pour moi de décompresser, de me changer les idées. Advienne que pourra. Nous verrons ce que la soirée, ou devrais-je dire la nuit vu l’heure avancée, nous réservera… J’étais adossé à la voiture que j’avais loué pour la soirée. Je n’avais pas encore eu le temps de passer chez un concescionnaire pour me trouver une nouvelle voiture, il m’avait donc fallu improviser au mieux. Menu du jour ? Une belle berline noire, allant de pair avec le traditionnel costume noir que je me plaisais à porter lorsque je sortais en soirée. Minuit. Elle n’allait certainement plus tardé. Je terminai d’envoyer un message à Klaus, mon colocataire, afin de le prévenir que je risquais de découcher une bonne partie de la nuit, ayant promis de le tenir au courant. Message envoyé, je rangeai mon portable dans la poche intérieure de ma veste et pu, au même instant, voir la silhouette de cette fameuse Camille arriver à hauteur de la voiture. « Ma chère Camille, bonsoir… » Allais-je à sa rencontre, non sans un sourire sur le visage et d’ores et déjà curieux de la voir avec cette gros veste couvrant son corps et la tenue qu’elle pouvait porter dessous. De quoi éveiller la curiosité ! « Keenan, enchanté… » Lui tendis-je la main en guise de présentation. « Le mystérieux inconnu du téléphone prêt à vous faire danser une bonne partie de la nuit ! » Ponctuais-je avec une pointe d’amusement tout en la souriant. Ce soir, c’était décompression alors, oui, j’étais en mode simple, light et décontractée !
Vu comment il la regardait elle ne s'était pas trompée, c'était bien lui Keenan. D'un premier regard, elle pu remarquer qu'il était plutôt mignon et grand. Il avait un beau sourire aussi. Il portait un costume noir assez classe, assorti à la Berline sur laquelle il était adossé, et vint vers elle pour se présenter. Keenan, enchanté… lui dit-il en lui tendant sa main qu'elle saisit avec plaisir. Je peux enfin mettre un visage sur ton nom ! dit-elle avec un clin d'oeil. Moi c'est Camille, enchantée Keenan ajouta-elle avec un sourire. Si la jeune femme avait pu être un peu nerveuse avant le rendez-vous, elle l'était maintenant beaucoup moins, certainement grâce au sourire de Keenan qui la mettait à l'aise. Le mystérieux inconnu du téléphone prêt à vous faire danser une bonne partie de la nuit ! Elle rit, amusée par cette appellation. Alors comme çq il comptait la faire danser une bonne partie de la nuit ? Hâte de tester tes talents de danseurs dit-elle avec un sourire, en passant naturellement au tutoiement. Le vouvoyer alors qu'ils allaient passer la soirée ensemble lui paraissait bizarre... Prête à bouger, elle se laissa guider par Keenan et monta dans la voiture côté passager. Alors Keenan, tu fait partie d'une confrérie ? lui demanda-t'elle quand elle fut installée.
Il faut savoir se laisser aller au hasard des rencontres. Certaines ne sont pas toujours très glorieuses alors que d’autres, elles, peuvent s’avérer toujours plus intéressantes. Je ne savais pas encore ce que je devais attendre ou espérer de ce rendez-vous que j’avais moi-même lancer. Sans doute car je ne savais pas trop ce que je voulais précisément. Voilà pourquoi je me contentai de chaque instant passé. La découverte de Camille, ou, du moins du peu que je puisse voir de son corps et de son visage me laissait penser qu’elle faisait naturellement partie des belles femmes. Entendons là une beauté naturelle, empirique, et non celle qui dépendait d’un simplement jugement de valeurs. Souriant, je la laissai se présenter alors que mon sourire demeurait constamment présent, charmant mais léger. Simple et naturel. Son rire mettait à l’aise, ne donnait pas réellement l’envie d’être mal à l’aise ou tendu. Puis, ne le nions pas, de par toutes les conquêtes que j’avais pu avoir sur le sol portugais, il m’en fallait beaucoup plus que ça pour qu’une fille me mette mal à l’aise ! Quoiqu’il en soit, ce n’était pas le cas de Camille. C’est même sous un rire amusé que je l’accompagnai côté passager, pour l’aider à s’installer, tout en ponctuant le petit sujet de la danse. « En espérant qu’ils ont de la musique qui swing, ou bien aux tonalités d’avantage salsa et flamenco dans ce cas ! » Souriais-je, à la fois blagueur, taquin et, une fois de plus, naturel. La demoiselle installée, j’allai regagner ma place de chauffeur et mis la voiture en route. « Oui ! A peine arrivé, à peine embarqué dans une maison ! » Riais-je. « Je suis à la Winthrop en fait. Mais, vu la réputation de la maison, je suppose que tu vas me dire que tu comprendras le mieux le coup du message… » Racontais-je, me permettant un petit regard amusé en coin à ma cavalière de ce soir. « Et toi ? Ca fait longtemps que tu étudies ici ? »
Alors qu'il l'accompagnait jusqu'à la place passager, il dit que si il devait montrer ses talents de danseur, il espérait qu'ils aient de la musique du style salsa ou flamenco, ce qui titilla la curiosité de la jeune femme. D'où pouvait-il bien venir pour aimer danser ce type de danse ? Si il était bon dans ce domaine, c'était certainement qu'il devait y être habitué non ? En tout cas Camille fut contente de l'entendre parler ainsi. Elle qui faisait de la danse, elle était toujours contente de trouver un partenaire doué en la matière. Après l'avoir accompagnée, il vint prendre sa place à son tour et démarra la voiture, tout en répondant à sa précédente question. Oui ! A peine arrivé, à peine embarqué dans une maison ! dit-il en riant. Camille lui sourit en retour, commençant à le trouver sympathique ce Keenan. Je suis à la Winthrop en fait. Mais, vu la réputation de la maison, je suppose que tu vas me dire que tu comprendras le mieux le coup du message… Et oui en effet, ce fut la première chose à laquelle elle pensa. Mais après tout elle ne pouvait pas lui en vouloir: il semblait être nouveau, ne connaissait personne... normal qu'il veuille faire de nouvelle rencontre, ou même draguer des filles. Et puis elle n'avait jamais blâmé un gars pour vouloir séduire une femme. D'accord je comprends mieux ! dit-elle en riant. On peut dire que tu t'intègre vite à ta maison alors dit-elle avec le sourire pour le taquiner gentiment.