Y a quoi de plus idiot que d'avoir la stupide inspiration que de naître un 14 février ? Non mais sérieusement, d'autant plus lorsque ce n'était pas la date initiale prévue. J'aurais pu en hériter un esprit romantique et altruiste, mais même pas vous voyez. Oh, je ne suis pas non plus le dernier des connards, rassurez-vous, même si j'aime parfois le laisser croire. Bref, je suis censé vous parler de moi, c'est bien ça ? Hormis ma stupide date de naissance, j'ai une histoire plutôt banale à mon plus grand désarroi. C'est que gosse, j'aimais m'imaginer Chevalier, Prince des Voleurs ou même Espion . Mais rien de tout ça, non. Juste un petit gars des plus banals comme on en voit cent. Je suis Bostonien et j'en suis fier, mes parents m'ont élevé correctement, du moins autant que leur permette leur boulot. Puis de toute manière, ils sont divorcés depuis mes six ans. Banal je vous dis... Et faire face à la réalité en se rendant compte qu'on a rien de particulier, c'est dans ces cas là encore plus pénible. Ma mère, elle est cool et aimante finalement, mais je crois bien qu'elle est trop peu là pour que je m'en rende vraiment compte. Elle est infirmière et vous en déduisez donc que les autres passent avant elle, et par conséquent avant son fils. Je vais pas faire dans le larmoyant, j'ai jamais manqué de rien. Sans doute que dire que j'ai passé des heures en me berçant de solitude, la larme au coin de l’œil en regardant mélancoliquement au travers d'une vitre noyée de pluie me ferait gagner des points, mais je peux même pas vous sortir de conneries de la sorte. Dans la vie, j'ai pris l'habitude de m'en foutre, et finalement c'est à croire que l'apparence est devenue la véritable peau. Comme si la carapace s'était fixée à chacun de mes os.
En tout cas, l'absence de ma mère, ça m'a permis d'être assez libre. Et oui vous pouvez sourire puisque par libre, j'entends bien connerie. Bon j'ai jamais trop abusé non plus, jamais d'expériences trop douteuses, quelques vols à l'étalage, de l'herbe et des intrusions dans des lieux interdits mais rien de réellement condamnable. Ouais j'aime entrer dans des lieux par effraction, c'est sans doute le goût de l'interdit. Mais finalement, je viole jamais les lieux habités. Non ce que je kiffe c'est les endroits abandonnés, hantés de souvenirs et d'apogées d'antan. Des lieux qui auraient pu devenir sacrément classe et finalement un obstacle s'est introduit dans le rouage et tout a merdé. Un peu comme moi en somme. Ouah, je viens de comprendre ! C'est mieux qu'une psychanalyse votre truc. Je reprends pour dire que malgré tout ça j'étais bon élève quoi, sans rien faire j'avais pourtant d'excellents résultats, d'ailleurs les psys ils aimaient bien me faire dessiner à l'occasion. La séparation tout ça qu'ils disaient... L'imago parentale déstructurée, l'absence du tiers séparateur... Du beau charabia. C'est qu'ils devaient pas connaître le métier de la Madre ces cons là. J'ai la chance d'avoir toujours été assez populaire. Faut dire que la connerie ça attire un peu comme les mouches, et même les filles pardi. Moi je m'en fous, si une me plaît, je la prends, mais si elle commence à vouloir me faire prêter serment, elle connaît la sortie. Ma liberté, c'est la seule chose à laquelle je tiens vraiment.
J'en étais là de mon existence lorsqu'un jour j'ai croisé le chemin d'une drôle de fille. Je venais chercher ma mère au taff comme souvent et puis voilà pas qu'une brune un peu folle commence à me déballer des beaux discours sur la vie... La pauvre, elle s'est confrontée à ma tête blasée. D'ailleurs ça l'a plutôt énervé mais moi au fond je l'aimais bien. Ouais moi j'aime les gens entiers qui se battent pour des trucs insensés, ce que je ferai jamais moi quoi. Entre Maxym et moi ce fût le début de ce qu'on peut appeler une amitié. Elle a finit par découvrir ma passion pour le dessin, chose que je cachais à l'époque aux yeux de la planète, c'est que j'aimais pas qu'on observe mes arts, c'était un peu comme me mettre à nu et franchement, je dépense assez d'énergie à faire croire que je me fous de tout. Elle a fini par rentrer à Harvard et moi je suis resté à Boston, des petits boulots par ci par là, mais bon c'est pas vraiment une vie. A force de persuasion, elle m'a convaincu de me présenter à la section Arts plastiques, ce que allez savoir pourquoi j'ai fait ! Et encore plus étonnant, j'ai été accepté, faut dire mon bulletin scolaire et mon talent pour le dessin ont aidé ! Ça fait maintenant trois ans que j'étudie sur le campus, enfin si on peut appeler ça étudier. Le dessin c'est ma passion, alors j'ai pas franchement l'impression de faire des efforts.
Sinon, j'ai plutôt tendance à rester dans mon coin, je ne suis pas tellement du genre à bavarder, les seules personnes qui m'attirent sont celles qui sont barrées ou au contraire, trop sages pour être honnêtes. Enfin, j'ai ma façon bien à moi de voir les choses, et j'ai moi-même pas la prétention de me connaître vraiment, alors venant d'un autre, je trouve ça plutôt gonflé. En tout cas, cet endroit regorge d'endroits à explorer et même si on a pas vraiment l'autorisation, je la joue maladroit et ça passe. Pour la suite, qui sait ce que l'avenir va me réserver ?