small drops of happiness ─ Cace #6

Il suffisait d'un rien, d'un pas grand chose, juste d'une présence et de quelques mots rassurants. Pas besoin de preuves magistrales, de sortir le grand jeu et les grands discours. Juste écouter, rassurer. Montrer qu'on est là. Et même si les mots n'étaient pas nécessaires, ceux de Cassie finirent de briser la barrière. C'était comme si le gamin qu'il ne s'était pas autorisé à être sortait de l'ombre, bras tendus, pour s'accrocher à la première personne qui lui tendait les bras. L'ado en colère qui n'avait pas su apprécier la simplicité des câlins comprenait enfin leurs effets bénéfiques ; et Ace resserra encore son étreinte sur Cassie, avec un peu plus de force, un peu plus de dépendance, mais étrangement, moins d'anxiété. Purement et simplement de la tendresse ; pendant encore un long moment, jusqu'à ce qu'il inspire fortement, puis soupire, finissant de relâcher la pression. Là enfin, son corps relâcha le sien et il s'éloigna en douceur. S'il avait réussi à se détendre, c'était du coup la fatigue qui se dévoilait sur ses traits. Une fatigue que l'anxiété et l'inquiétude avaient camouflé derrière l'agitation de son corps. Bras tombants, épaules lâchées, Ace lui adressa un sourire un peu plus serein. « C'est long, "toujours". Mais aussi longtemps qu'on le pourra, ça s'ra déjà pas mal. »

Cassie répondit à son sourire en secouant doucement la tête, ses yeux pétillant de cette lueur douce et inébranlable. Elle passa une main rassurante sur son bras, captant son regard un instant de plus. « Ça marche, alors, » répondit-elle dans un sourire complice, lui donnant un léger coup de coude taquin pour alléger l’atmosphère. « Aussi longtemps qu’on le pourra. Mais tu sais quoi ? Si t’as besoin de refaire une pause câlin ou de râler, même si t'as passé la journée à faire le malin, je serai là. » Elle se tut un instant, laissant le silence parler pour eux. Voir Ace aussi relâché, prêt à accepter son soutien sans résister, c’était déjà une victoire silencieuse. Ce qu’elle espérait, c’était qu’il ne s’enferme pas à nouveau derrière ses murs au prochain obstacle.

Elle n'était ni moralisatrice, ni dans le jugement ─ et pourtant, compte tenu de ses études, Ace aurait pensé qu'elle était la mieux placé pour avoir un avis tranché sur la question ; qu'elle l'aurait incité à porter plainte même s'il était celui qui avait donné le premier coup, ou bien s'énerver en son nom. Ce qui n'aurait, dans le fond, pas arrangé Ace de devoir gérer ses émotions à elle aussi. Alors, la reconnaissance dans le regards, il hocha la tête avant de souffler un rire et tendre les bras vers les sacs. « Je suis sûr que tu ne rateras pas l'occasion de me mettre un coup de pied aux fesses aussi, si l'occasion se présente. » Déballant les poké bowls, Ace plaça les deux devant eux et souleva les deux couvercles pour regarder. « Tu nous a pris la même chose du coup ? » Couvercles reposés, il ouvrit la bouteille d'eau et lui demanda du regard ce qu'il devait lui verser dans son verre.

Cassie sourit doucement, un mélange de complicité et de tendresse dans son regard. Ace la connaissait bien, assez pour savoir qu'elle ne serait jamais du genre à laisser passer des choses importantes sans lui faire un petit rappel, mais elle avait toujours eu cette façon de le faire en douceur, sans forcer. Elle hocha la tête avec une petite moue espiègle. « T'as bien compris, » répondit-elle en plaisantant, mimant un coup de pied dans l'air. « Je garde ça en réserve pour les moments où tu en auras vraiment besoin. Mais pour l'instant, je préfère m'assurer que tu vas bien. » Alors qu'il déballait les poké bowls, elle se redressa légèrement sur le canapé, prête à savourer ce moment de tranquillité après tout ce chaos. Quand il souleva les couvercles et lui demanda ce qu'elle voulait boire, Cassie fit un geste vers la bouteille de Coca-Cola. « Un peu de coca pour moi, merci. » Elle regarda les bols avec un sourire approbateur. « Et oui, j’ai pris la même chose, c’est plus simple. On partage tout, même le repas ! » Elle se réinstalla confortablement, attrapant des baguettes avant de plonger dans son bol. Ce genre de moments, partagés entre eux deux, lui rappelait pourquoi elle tenait tant à lui. Tout était simple, naturel. « Alors, maintenant … tu comptes faire quoi ? » demanda-t-elle en levant les yeux vers lui, curieuse de savoir où se situait son esprit après une nuit aussi éprouvante.

« Va pour du Coca. » Le psshit de la bouteille se fit entendre et la seconde d'après, il remplissait son verre du liquide sombre et pétillant. L'entrain revient à la simple idée de partager un repas avec Cassie ; le naturel, le confort, l'absence de jugement. Juste de la détente et des sourires. C'était en même temps incompréhensible pour lui, cette différence entre la relation qu'il partageait avec Cassie, et celle qu'il avait avec les autres. Tout semblait toujours... facile, en sa présence. Si bien qu'à sa question, alors qu'il gobait sa première bouchée, Ace était déjà d'humeur à faire étalage de son humour de merde sans la moindre honte. « Facile, » qu'il dit, bouche pleine. Il déglutit, et poursuit, « m'brosser les dents, pisser, chier, m'doucher et bien frotter comme il faut, p't'être me branler histoire de, avant d'aller dormir. Super plan de soirée. » La fourchette se plante à nouveau dans le poké bowl, mais il rajoute une précision, se tournant un peu vers elle. « J'te raccompagnerai avant l'étape où j'm'enferme aux chiottes, hein. » Précision royalement inutile, on lui accorde. « Et toi alors ? » Bouchée supplémentaire dans la bouche. « T'as des plans ? » Question retournée, mais une chose est sûre ; la réponse d'Ace fait clairement comprendre qu'il n'en a aucune idée et ne sait pas trop où il va, à titre personnel. Et que, dans l'immédiat, ça ne le dérange pas.

Cassie éclata de rire, secouant légèrement la tête devant le tableau tout en détails qu'il lui dressait. Quelle poésie, pensa-t-elle, amusée. En réalité, c’était cette sincérité sans détour qui la faisait autant rire et qui rendait chaque moment avec lui… unique, presque rafraîchissant. « Eh bien, ça me paraît un programme parfaitement équilibré, » répondit-elle, un sourire en coin. « Surtout l’étape du ‘frotter comme il faut’... » Elle attrapa une bouchée de son poké bowl, hochant légèrement la tête. En toute honnêteté, elle n’avait rien prévu de particulier après ce moment passé avec lui. Elle voulait simplement être là pour lui, lui offrir une parenthèse de calme et de légèreté, loin de l’agitation de la veille. « Moi ? Hm... J’pense que je vais juste rentrer, probablement bouquiner ou regarder une série. Rien de fou. » Elle tourna la tête pour le regarder, attentive au moindre détail. La fatigue se lisait toujours dans son regard, même derrière l'humour et le sourire. Il semblait presque soulagé de pouvoir baisser sa garde, de ne pas avoir à faire semblant. Elle leva son verre de Coca, marquant une petite pause pour attraper son regard. « À la soirée la plus chill de ta vie, alors. Sans baston, sans chaos, et avec un poké bowl. » Elle trinqua doucement, lui souriant avec complicité.

Les deux n'avaient pas de plan précis. De quoi simplement se laisser porter par les événements sans se prendre la tête, et Ace ne crachait pas dessus. Une soirée à ne rien faire d'autre que se détendre, en compagnie de Cassie, à dévorer un poké bowl, trinquer avec du Coca, parler de rien, de tout, et pourquoi pas regarder un programme télévisé à la con qu'ils pourraient commenter, hein ? Le verre levé, Ace vint trinquer avec elle. « J'espère qu'elle est la première d'une longue lignée de soirée à rien foutre ! Tchin. » Verres qui se touchent, et Ace, comme par habitude mais aussi envie de plaisanter, boit cul sec son grand verre de Coca. Erreur ou connerie, peut-être juste l'envie de faire un truc con pour en rire, car une fois le verre descendu et reposé sur la table, il se figea, semblant réaliser une chose terrible. Son visage se tourna vers elle. « C'est du Coca. » Oui, il soulignait l'évidence. La précision suivit rapidement ; « Mais j'ai le nez pété. » Jusque là c'était cohérent, mais pourquoi le regard horrifié ─ malgré l'ombre de sourire sur ses lèvres. « Le gaz... j'vais me défoncer le nez... » Y'a moyen d'empêcher ça ?

Cassie retint un rire, à mi-chemin entre l'amusement et la pitié devant son désarroi apparent. Elle posa une main sur son propre verre, cherchant à garder son sérieux malgré la scène comique. Ace, en train de réaliser les conséquences gazées de son geste avec une expression aussi dramatique, c'était un spectacle qui valait bien son poids en rire étouffé. Elle lui lança un regard malicieux, les yeux pétillant d'ironie. « Alors là, mon pauvre Ace, je crois bien que t’es fichu, » répondit-elle, exagérant un ton grave. « C’est bien connu que le Coca… ça pardonne pas. Surtout sur un nez amoché. » Elle lui tapota gentiment l’épaule, accentuant le ton solennel, comme si c’était là un problème d’une gravité extrême. Puis elle reprit, un sourire retenu aux lèvres, « Bon, si tu te retrouves en train d’éternuer façon geyser ou avec un nez en feu, je promets de t’amener à l’hôpital… ou d’appeler une ambulance, au cas où. Mais entre-temps, je crois qu’on peut tenter de survivre à la terrible attaque du Coca. » Un clin d’œil, et elle leva à nouveau son verre vers lui, prête à trinquer une fois de plus. « Allez, au courage. Ce soir, c’est toi contre les bulles. Je suis de ton côté ! »

Malgré l'ironie de la situation, il a envie d'en rire. Il a envie de voir cette stupide erreur comme la preuve que malgré les problèmes, ils peuvent rire d'un truc aussi débile que l'anticipation d'un rot gazeux. C'est con. Gamin. Naturel. Cassie le provoque pour un verre de plus et Ace tend la main en direction la bouteille. « Ouais, ouais, ça rigole mais quand je chialerai de douleur tu feras... moins la maline... » Il s'arrête. Oh, il sent que sa monte, et le poing se pose contre ses lèvres. « Putain j'le sens monter. » Discret autant qu'il peut l'être, il grimace alors qu'il sent ses joues se gonfler et le gaz remonter. Et là, douleur intense qui vient lui bousiller le nez. Il gémit de douleur, se penche en arrière sur le canapé, les mains recouvrant son nez alors qu'il ferme les yeux et laisse une longue plainte vibrante ─ et certainement exagérée ─ pour exprimer son calvaire. « aaah... putain mon neeeez... non... les bulles gagnent... Bordel ça fait mal... ! » Il rouvre les yeux, brillants, mais quand il retire ses mains, y'a pas de quoi s'alerter ; il rigole encore et une fois la douleur atténuée, il désigne nonchalamment la bouteille de coquer. « Bon bah c'est pour toi. Tu m'en voudras pas de trinquer avec de l'eau hein ? » C'est stupide et ridicule comme situation, en vrai. Et sa main s'abat sur la télécommande alors qu'il quitte la musique de fond pour mettre une chaine au pif ; un best of de bêtisiers apparemment. « Y'a un truc que tu veux regarder, sinon ? »

Cassie ne pouvait s'empêcher de rire en voyant la scène se dérouler sous ses yeux. Ace, ce grand gaillard, en proie à une douleur aussi ridicule qu'imprévisible à cause d'un simple verre de Coca. Son hilarité était à la fois un mélange de compassion et de moquerie, parce qu'elle savait qu’il ne s’en sortirait pas si mal, malgré tout. « Oh, pauvre petit ! » s’exclama-t-elle avec un sourire taquin, mimant la compassion tout en se penchant un peu plus près de lui. « Peut-être que je devrais te demander si tu veux un mouchoir ou une bouillotte pour le nez. » Elle observa Ace grimacer de douleur, s'allongeant sur le canapé, se plaignant comme s'il était sur le point de s’évanouir. Ce spectacle la faisait rire encore plus, même si elle était consciente qu’il ne fallait pas trop exagérer. « Tu sais, on pourrait appeler un médecin, juste pour être sûr que tu ne vas pas exploser ! » plaisanta-t-elle, avant de prendre une gorgée de son propre verre. Quand il lui proposa de trinquer avec de l'eau, elle leva un sourcil, amusée. « Je te promets que je ne t’en voudrai pas. L’important, c’est la compagnie, pas la boisson, n’est-ce pas ? » Alors qu'il allumait la télé pour mettre un best-of de bêtisiers, elle se détendit un peu plus. « J’ai une idée, mais tu vas m’envoyer chier. » répondit-elle en se blottissant confortablement sur le canapé à côté de lui. « Dirty Dancing ? » Elle se mit à le regarder, riant de sa proposition.