— wake me up when september ends (w/sienna)

12 septembre — Point de côté. Douleur aiguë, partout. Elle irradie les jambes, le ventre, la gorge, l'âme. Colère vertigineuse, t'as le coeur au bord des lèvres, le crâne qui tambourine. Le corps secoué de tremblements, la perte de contrôle est imminente. L'impression que les murs se referment sur toi. Si tu bouges pas, tu vas mourir broyé comme du café dans un moulin, finir comme de la poussière dans un compresseur. Boule de chiffon. Et pourtant, t'es figé. Peux pas t'sauver. Peux pas fuir. T'enfuir. Plongeur privé d'air, englouti par les profondeurs de l'océan. T'as beau gueuler à t'en époumoner, le cri est bien vite étouffé par le vide, sans espoir de trouver écho. Des gouttes de sueur perlent sur ton front, chevelure détrempée comme si tu t'étais fait prendre par l'averse. La scène est risible. Chaque année, c'est la même histoire. Chaque année, t'es englouti par les vagues de souvenirs on ne peut plus réalistes. Comme si tu revivais la scène de sa mort, encore et encore. Et de son corps inerte dans tes bras de gamin. Même images, même odeurs, même plaie béante qui déchire le coeur, se rouvre, coups de couteaux qui la lacèrent, ne guérira jamais vraiment. T'peux enfin te remuer. Le corps parvient enfin à se trainer jusqu'à l'extérieur, en quête d'oxygène, d'une bouffée d'air frais. Tu rates la marche, ton corps s'affaisse dans l'herbe trop longue, comme celui d'une baleine échouée. Clope entre les lèvres, le briquet parvient pas à faire jaillir le feu tant les mains qui le tiennent tremblent. Un voile se dresse devant tes yeux, tout devient flou. Imperceptible. Indiscernable. Dans un élan de désespoir masqué par la rage, tu jettes le corps brun et blanc à bout de bras en criant ta douleur. Quelques faisceaux s'allument chez les voisins. Hurlements lointains brisent le silence du milieu de nuit, suivi des cris pour faire taire la bête. Sang bouille, gronde, déborde. After all this time? – Always.

12 septembre — Respiration sifflante. Devant tes yeux, un écran de fumée noire et blanche se dresse, où la douleur est la seule couleur. Elle te déchire, s'infiltre dans tes veines, alourdit chacun de tes mouvements. Sous ton corps, le sol semble se dérober, et la terreur s’installe dans ta poitrine. Peur panique. Celle d'un chasseur devenue proie — plaies béantes, blessure fatale. Elles ne sont pas visibles à l'oeil nu, mais te brûlent, te consument. Ça te dévore de l'intérieur. C'est l'hécatombe. Les souvenirs t'envahissent, ne cessent de revenir en boucle. Le blanc de ses yeux vitreux. L'inanimé de son corps entre tes bras frêles de gamin — tu n'étais rien qu'un putain de gosse. Le sang qui gicle contre les murs lorsque ton poing s'abat sur son nez (à lui), pour la venger — verse, déverse, expie la rage. Bousiller son sale sourire, crier pour étouffer son rire ignare d'ivrogne. Carmin se mêle à l'immaculé et aux traces de nectar empoisonné (bière, whiskey, vodka, gin, mais surtout cognac). La réanimer, elle, en le sacrifiant, lui. Offrande à ces dieux qu'existaient pas. Qui l'avaient jeté quelque part sur Terre pour l'y oublier, comme un vulgaire déchet à moitié vivant. À moitié mort. Venez le chercher, sales cons.

Le bruit sourd de tes poings sur sa mandibule résonne encore dans tes oreilles. Un écho lointain. Une voix se mêle, vient brouiller la frontière entre le l'absurdité et la réalité. Cauchemar éveillé. Tout le temps. Tout le fucking temps. « Sonny, ça va ? J'veux dire, je sais que tu vas mal. Mais tu t'es abimé quelque part ? » Un instant, c'est le visage de sa soeur qui se dessine. Disparait. Remplacé par celui de Sienna qui vient percer les ténèbres. Tu regardes tes mains. Elles tremblent encore. Tu ne sais même plus si c'est ton sang ou le sien qui les macule dans tes visions. Tout se brouille. Comment expliquer que la douleur elle est partout, elle est toi. Elle te possède. Tu l'incarnes. Chaque respiration te lacère, chaque battement de cœur te rappelle que tu es encore là, et qu'elle ne l'est plus. Tu essaies de parler, mais tout ce qui sort est un son rauque, étranglé. Ton corps refuse de te répondre. Ta bouche, de lui répondre. « Partout... j'suis abîmé partout. Ça fait mal, tellement mal. J'en peux plus.. » Voix se brise au même moment que la plainte du clébard, dans le lointain.