Coup de crayons (owen)

La routine semble avoir repris pour la majorité des gens de Boston. Même les étudiants sont sur le point de reprendre les cours d'ici quelques jours. De ton côté, tu avais repris le travail depuis la mi-juillet. Pas beaucoup de vacances possibles quand on vient de commencer un nouveau boulot. D'ailleurs, travailler à temps plein, c'est nouveau pour toi. Fini l'université, tu avais eu une chance d'entrer dans la monde du tourisme dès la fin de ton stage. Aujourd'hui encore, tu travaillais. Et comme les températures extérieures étaient encore agréable en cette fin d'été, et tu tenais à eu profiter quand tu pouvais. C'est pourquoi tu quittas l'hôtel pour ta pause, t'achetant une boisson froide dans un petit resto tout près avant d'aller t'installer dans un des nombreux espaces verts de Boston pour manger, le regard perdu sur le livre que tu avais en main. Ça devait d'ailleurs faire une vingtaine de minutes que tu étais assise quand tu remarquas le jeune homme qui dessinait un peu plus loin. Tu te fiais surtout au cahier et crayon qu'il avait en main.  Tu finis par ranger ton livre, attraper ton sac et ta boisson froide pour aller vers lui. Je peux voir? te doutant bien de ce que tu verrais sur la feuille mais ne voulant pas paraitre trop prétentieuse en disant que tu étais le modèle parfait - ce que tu étais loin de croire.

Depuis tout jeune, Owen avait cette habitude de dessiner, tout et n'importe quoi, dès qu'il s'ennuyait.  Un plaisir solitaire, peut-être, mais qui lui permit, au fil du temps, de s'améliorer grandement dans la pratique de son art jusqu'à, contre toute attente, finir à Harvard. Je parle bien de ses attentes à lui, bien entendu. Entrer à Harvard ne lui serait jamais venu à l'idée, de lui-même, c'était … De la science-fiction, oui, littéralement. C'était le genre d'histoire qu'il voyait dans les films, lui n'était … Qu'un con standard, non ? Non, au final, non et il était là, à étudier dans cette école, à passer les années, les diplômes et à se faire un réseau qui lui promettait, petit à petit, un avenir des plus agréables. Lui, qui avait la certitude de reprendre la ferme de sa grand-mère, n'usant du dessin que comme passe-temps, la révélation fut un choc terrible.

Néanmoins, malgré cette réussite, malgré ses compétences, malgré ses études à Harvard, notre ami ne perdit jamais cette habitude. Régulièrement, le jeune homme se rendait dans des lieux publics, jusque ce que son attention soit captée par quelque chose et qu'il essaie de le retranscrire sur le papier. Comme ce jour-là, une simple après-midi, installé sur la pelouse d'un parc, à l'ombre d'un arbre. Par chance, il ne fallut pas longtemps à l'artiste pour trouver un merveilleux sujet. C'était une jeune femme, d'un âge semblant similaire au sien, une de celles qui avaient eu de la chance à la loterie de la vie. En plus d'avoir des traits fins, harmonieux et gracieux, cette inconnue avait eu droit aux cheveux blonds et aux yeux clairs, le tout, agrémenté d'un sourire radieux. Elle devait être de celles à faire des jalouses et à retourner des esprits, sans même s'en rendre compte. Lui qui travaillait de plus en plus le réalisme, essayer de capter ce qu'elle dégageait dans son regard et ce sourire, cela serait un merveilleux exercice.

Le jeune homme resta là, concentré, pendant une bonne vingtaine de minutes, s'appliquant pour respecter la douceur de ses traits, reprenant méticuleusement plusieurs endroits avant de se rendre compte que, sa muse du jour avait disparu. Ne restait qu'à finir sa tentative de mémoire. Mais ça … Ça, c'était avant qu'une petite voix, dans son dos, ne vienne le faire sursauter légèrement. C'était elle, qui voulait voir le dessin, poliment et avec douceur. Cela semblait plus à de la curiosité que quoi que ce soit d'autre. D'aussi près, Owen put constater que la blondinette semblait encore plus agréable que ce qu'il avait aperçu de sa place, lui donnant déjà l'envie de corriger certains de ses traits. « Oh je … Heu … Je ... » Une petite grimace, gênée, désolée. Il n'y avait rien de honteux, en soit, un simple portait s'arrêtant peu après la base de son cou, en noir et blanc, se focalisant sur son sourire. « Je … J'ai conscience que c'est malpoli je … Je cherchais un modèle et je … Vous sembliez dégager quelque chose, j'ai essayé d'attraper … » Une grimace, en cherchant ses mots. « Cette étincelle, dans votre sourire, mais je … Ça vous rend pas vraiment hommage je .. Vraiment désolé encore de heu … Ça fait très stalker et je ... » Un long soupir, avant de lui tendre timidement son carnet. « Désolé je … Parle beaucoup. »

Coup de crayons

Parfois, il suffit d'être au bon endroit au bon moment pour capturer quelque chose de magnifique, d'extraordinaire. Tu avais eu la chance de te dessiner et photographier des paysages splendides lors de tes nombreux voyages avec l'université. Ou encore durant les étés que tu passais chez tes grands-parents. Aujourd'hui, soit tu servais de modèle, soit tu étais dans le paysage que le jeune homme semblait dessiner puisque tu voyais souvent son visage se lever dans ta direction avant de retourner vers la feuille qu'il tenait devant lui. Tu finis donc par te lever pour aller vers lui, curieuse du résultat. Tu ne t'attendais pas à une réaction aussi verbale de la part du jeune homme. Ce dernier commença à s'excuser, s'expliquer presque sans prendre le temps de respirer. Ce qui te faisait bien rire intérieurement. Tu étais bien la dernière personne qui s'offusquerait de ça. Surtout quand il te balance plein de compliments comme ça. Non mais ça va, t'inquiètes. Je te ferai pas un procès pour ça. Tu ne peux pas t'empêcher de rire finalement, sans te moquer évidemment, juste un rire léger. J'suis juste curieuse de voir ce que ça donne. Comment un pur inconnu pouvait te percevoir.



@Owen Williams