Until they leave you and you want them back ─ Ellie & Archer

La trouver n'avait pas été très difficile. Ellie Thatcher. Un nom qu'il n'avait pas revu depuis qu'on lui avait retiré son dossier, presque un an auparavant. Le temps s'était écoulé étrangement rapidement, mais il lui semblait qu'une éternité séparait leur dernière rencontre, en vrai. À son arrivée sur Boston, il s'était dit que faire profil bas et la laisser tranquille était probablement le plus sage, mais le cas d'Ellie réveillait toujours une culpabilité difficile à passer outre, car elle était ce qu'il considérer comme son premier abandon. La première déception, presque trahison, envers quelqu'un. Il s'était engagé à l'accompagner jusqu'au bout, à la protéger et l'aider, pour finalement se faire écarter sans qu'ils n'aient l'occasion de parler une dernière fois. Et maintenant qu'il avait quitté son rôle d'agent, il n'avait plus d'engagement à tenir envers elle ─ théoriquement. Mais les sentiments n'étaient pas d'accord, et même si on lui avait dit qu'il devait passer outre cet abandon et qu'il n'avait en rien échoué, il le vivait quand même de cette façon.
La fermeture du bar était imminente. Les clients étaient partis en majorité, mais Archer guettait le départ du dernier pour pouvoir se faufiler avant que les portes ne soient fermées. Il ne souhaitait pas retrouver Ellie avec d'autres personnes autour, afin que la parole soit plus libérée. Qu'elle puisse exprimer sa colère si elle en avait envie, sa joie ou bien sa peine. Il n'en savait rien ─ peut-être même de l'indifférence. Mais c'était nécessaire qu'ils se revoient, pour au moins clore ce chapitre de leur vie, y mettre un point final et qu'il puisse lui souhaiter le meilleur sans disparaître comme un voleur.
Le dernier client sortit, Archer s'approchait tranquillement de l'entrée, attrapant la porte avant qu'elle ne se ferme pour pénétrer à l'intérieur du bar. Il s'arrêta un instant, balayant le lieu du regard, avant de voir une silhouette de dos. Son entrée ne fut pas si discrète puisqu'on l'informa que le bar était fermé. Oh, il savait. Il savait bien. Il fit quelques pas dans sa direction, et s'arrêta à proximité du bar, avant de répondre d'une voix calme. Le même ton monotone qu'il avait toujours eu. « Je sais. » Tout simplement. Pour ne pas la perturber durant son service, éviter les regards indiscrets. Et pour un tas d'autres raisons interdites à l'expression.

À en juger par sa réaction, elle l'avait reconnu. Facilement. Même si cela faisait presque une année entière qu'ils ne s'étaient pas vus, elle n'avait visiblement pas oublié. D'un certain côté, ça le rassurait ; de l'autre, ça l'embêtait. Parce qu'à en juger sa réaction et le regard qu'elle lui envoyait, elle n'était définitivement pas ravie de le voir. L'accueil était froid, empreinte d'une colère qu'il devinait sans peine contre lui. Il l'avait abandonnée après tout, n'est-ce pas ? Alors aucune raison de s'offusquer ─ ça ne lui arrivait jamais de toute façon ─ pour ce manque de chaleur.
Malgré tout, il n'allait pas juste partir. Il y avait des abcès à crever, des nouvelles à prendre pour que lui puisse fermer ce chapitre de sa vie, et un peu d'informations à partager, bien que rien de vital. C'était plus pour qu'ils s'évitent des problèmes. Pour toute réponse, Archer eut un léger mouvement de la tête vers le bas, soufflant brièvement par le nez, le regard se fermant le temps de ce soupir à peine caché ; puis il relevait les yeux vers elle, avant de le faire promener sur le bar, contemplant le lieu sans laisser voir s'il en était curieux ou complètement désintéressé. Le connaissant, il mémorisait surtout l'endroit. Observation finie, ses irirs sombres se dirigeaient à nouveau sur elle. Ellie, Ophélia, ; elle. « Ma visite ne prendra pas beaucoup de ton temps. » D'une part parce qu'il savait qu'elle était en colère, mais aussi pour éviter les regards. « J'ai jugé utile de t'informer que je suis à Boston pour une durée indéterminée. » En d'autres termes, elle risquait de le voir. De le croiser. D'échanger des regards ; et il ne voulait pas qu'elle le découvre sur la place publique. Ni lui, ni elle sûrement, ne voulait ça. Toujours droit, sérieux, les épaules relâchés, les mains dans les poches de son manteau. Le même qu'il y a un an, le même qu'il y a six ans. Il ne changeait jamais vraiment, Archer.

C'est tout !? Oui, que voulait-elle de plus ? Le regard sur elle, il la fixait en attendant des explications, ou en tout cas une expression de ses pensées. La ville est assez grande, tout comme l'État, le pays, la planète, et pourtant ils se retrouvaient là. Le monde n'était pas si grand qu'on le croyait, et les âmes dont les chemins s'étaient déjà croisées finissaient souvent par se revoir, en particulier dans leur cas. Quelque chose dérangeait visiblement Ophélia, quelque chose qu'elle voulait sans doute dire depuis un an, sans jamais en avoir eu l'occasion. Archer songea à tourner les talons et partir pour la laisser en paix, mais il n'avait maintenant plus aucune interdiction de rompre le contact avec elle ─ ni même de se soucier d'elle. Pourtant, c'était toujours le cas. Son visage se relevait légèrement, en même temps que son inspiration lente était accompagnée d'un léger plissement des yeux. Alors au lieu de s'éloigner, il s'avança. Il fallait qu'elle saisisse l'opportunité maintenant, alors qu'il n'y avait personne d'autre qu'eux deux ; qu'elle s'exprime, extériorise cette colère si parfaitement visible dans ses traits. Une émotion qui changeait de la peur, de la détresse. « Y'a-t-il quelque chose d'autre que tu attendais de ma part ? » Des explications, sans doute. Peut-être des excuses. Mais rien existait également, aussi peu convaincant serait ce mot si elle venait à le prononcer. « Je t'écoute. » La nonchalance habituelle, son flegme, toute cette attitude frôlant l'indifférence qu'on lui reprochait souvent, causant aux gens de ne pas savoir s'il était juste poli ou sincère ; pourtant, lorsqu'on le connaissait, on savait. S'il restait, c'était qu'il était attentif et voulait savoir.

De tout l'être d'Ellie émanait une colère sourde. Son rire, sa gestuelle, tout était similaire à une personne en colère qui se barricadait derrière l'hostilité pour se protéger. Archer n'était pas dupe ; elle n'était pas la première humaine avec laquelle il avait déjà eu des différents, et elle ne serait pas la dernière. Il comprenait sans peine pourquoi, mais elle semblait définitivement pas disposée à mettre des mots sur ses tourments. Ce n'est pas à moi de parler, Archer. Malgré l'utilisation de son prénom, il y avait clairement une distance qui faisait presque croire qu'elle l'appelait par son nom. L'homme ne se lança pas dans de grandes explications, pour autant. De son côté, les choses étaient claires ; enfin, avec elle, pas concernant son dossier auquel il n'avait plus accès, maintenant. Il aurait pu tout lui dire, aussi ; sur son arrêt forcé, son transfert, le retrait du dossier, ses premiers éclats d'émotion qui en surprirent plus d'un, mais il se tut. Parler présentait également un risque de dire des choses qui ne devraient pas se savoir, ou qu'elle n'avait potentiellement pas envie d'entendre, alors il faisait une nouvelle tentative. « Je suis disposé à parler, mais je répondrai aux questions que tu te poses. Avec autant de précisions qu'il m'est possible d'en partager. » Être désolé, ou présenter des excuses, sans même savoir si elle voulait l'entendre s'exprimer à ce sujet était une option qu'il ne préférait pas prendre ─ d'autant plus qu'elle semblait le voir maintenant comme une sorte de... menace envers sa personne, ou sa tranquillité peut-être. « Mais si tu n'as aucune question... je peux partir. »