save me [rosace]

réalité qui me rattrape brutalement, prenant conscience du vrai sens de ses paroles. de ce regard incendiaire qui ne me quittait plus. qui me rendait nerveuse. à m'en glacer le sang. j'devenais la proie. les rôles s'étaient inversés, sans que je ne puisse réellement reprendre le contrôle. ses émotions bousillaient les miennes, m'empêchaient de réfléchir. pour m'en sortir. me trouver des issues de secours. je t'avais envoyé un message dans la précipitation. brouillon que je ne pensais même pas parti en réalité. il m'avait pris de court. cette violence douloureusement familière. j'devenais aveugle à ces poings qui me menaçaient constamment. tel un voile opaque qui recouvrait mes orbes noirâtres. sourde à ses insultes. le coup partirait tôt ou tard. résignée, j'attendais la sentence. immobile, le regard vitreux. alors quand t'as débarqué sans prévenir, je n'ai pas bronché. l'angoisse pour seul moteur de mes actions. scène certainement encore plus brutale qui se jouait devant moi. ou peut-être même à côté. j'sais pas. j'veux juste que ça se termine. j'sens mes limites se briser. la peur qui enveloppe mes membres, incapable de dissimuler mes tremblements. elle était là, la réalité. j'ai peur. ombre qui s'agenouille, voix chaleureuse censée apaiser mon pulsant. pourtant il continue de battre, encore plus fort. j'ai peur. j'parviens pas à revenir à toi, ace. j'parviens pas à calmer ma poitrine, sacré boucan dans ma cage thoracique. alors, difficilement, j'relève mon visage figé par par les affres de l'effroi. saisissant très lentement un bras à proximité. mes doigts qui s'accrochent au tissu. juste pour être sûre que t'es bien là. le regard qui supplie de rester à mes côtés. juste pour cette fois-ci.

« Rose... ? » La voix est basse, l'appelle doucement ─ et enfin, elle levait les yeux vers lui. Devant lui, elle n'était plus la Rose qu'il connaissait, celle qui l'envoyait paître et l'insultait, et à qui il rendait bien la pareille ; il ne voyait plus cet éclat, cette prestance et ce sourire narquois qui l'irritait tant. Celle qui était devant lui, apeurée et blessée, était une version différente d'elle qu'il aurait probablement aimé ne jamais voir. Il sentit sa main se poser sur son avant-bras et il baissa les yeux dessus, sans bouger, observant le geste avant de la regarder à nouveau. Qu'attendait-elle de lui ? Que voulait-elle lui dire ? Que voulait-elle qu'il fasse ?
Un point d'ancrage. Quelque chose auquel se raccrocher, un sentiment de sécurité ; la réponse était évidente, mais il n'était pas certain d'être la bonne personne pour lui offrir ça. Il eut une pensée pour Amore, et ce que Rose avait demandé ; si même son frère ne pouvait être un choix, alors qui avait-elle pour se reposer ? Il fallait qu'il s'oublie, sur le moment, et pense à elle. Ce qu'il fit sans la moindre hésitation, car si elle voulait qu'il reste, alors il le ferait. « Ça va aller. » souffla-t-il en se rapprochant lentement, la laissant s'accrocher à son bras. Il se laissa même asseoir au sol, proche d'elle, et, tout en douceur, releva sa deuxième main dans sa direction, allant la poser dans son dos pour l'attirer à lui. Sans forcer, sans s'imposer ; juste pour la guider dans ses bras et qu'elle puisse s'y cacher si le besoin s'en faisait sentir. « C'est fini, je suis là et je bouge pas. Je reste avec toi. » Sa tempe lui lançait et il sentait le sang commencer à sécher, au coin de sa lèvre également, et un peu de son nez. Il avait mal, mais c'était superficiel, car en regardant l'état de la pièce les entourant, il devinait que Rose avait certainement des blessures qu'il ne voyait pas et qui devaient lui faire grandement mal. Mais ça, ils verraient après ; quand elle se sentirait en état de communiquer. Alors tant qu'elle ne reprenait pas ses esprits, il allait rester assis avec elle.

ton bras me sert d'ancre. me rattache à la réalité. me ramène au présent. j'parviens pas à canaliser ces frémissements. glace qui se fissure brutalement. masque qui se brise à son tour. l'arrogance s'est pris une sacrée déculottée. laissant place aux seules émotions qui me restaient. celles que j'voulais pas que tu vois. celles qui me fragilisaient. celles que j'pensais avoir enfoui. au plus profond de mon égoïsme. c'est pas ce visage que j'voulais t'adresser. me réconforte pas. j'en ai pas besoin. j'vais me reprendre. retrouver cette force qui guidait mes actes. me rendait inébranlable. j'pouvais pas basculer. pas devant toi. pas avec toi. alors pourquoi j'suis pas fichue de lâcher ton bras ? pourquoi j'parviens pas à me détacher de ton corps ? tu m'attires, contre ton torse. ne le fais pas. j'veux pas paraitre vulnérable devant toi. j'veux maintenir cette image forgée depuis tant d'années. la violence m'a déjà enveloppée. j'la connais. cette sensation. cette douleur. ça va aller. orbes qui deviennent larmoyantes, liquide salé qui s'en échappe pour couler sur mes joues. creusant un sillon intarissable. j'me laisse aller. pour la première fois, depuis des années. bras encore inertes y'a quelques secondes qui viennent t'agripper par derrière. t'enlaçant fortement. ne prenant même plus conscience de cette fragilité que j'te dévoilais. comme si notre relation d'antan n'existait plus. le temps d'un instant. laissant juste une âme déplorée se faire cajoler. t'étais doué pour réconforter visiblement. parce que ça fonctionnait. je me sentais revenir. progressivement. remettre de l'ordre dans mes pensées. — merci ... d'être resté. à mes côtés. mot à peine murmuré. reculant mon visage pour faire face au tien. prenant enfin conscience de l'état lamentable dans lequel toi aussi tu te trouvais. les doigts qui viennent se poser sur ta tempe. douce caresse qui parcoure ton épiderme. avant de s'échouer sur tes lèvres. tâchant de rester délicate. — il t'a pas épargné... désolée... regard sincère qui cherche le tien. ne pensant pas que tu viendrais à ma rescousse. et encore moins que tu prendrais des coups. pour moi.

Il y eut du silence pendant de longues secondes, durant lesquelles rien ne se passa ; puis il sentit Rose bouger. Discrètement, lentement, mais pour finir avec force. Ses mains dans son dos qui s'aggripaient et les pleurs qui venaient enfin. Ace ne bougea pas, se contentant de juste la tenir contre lui et offrir la seule protection qu'il pouvait lui donner à ce moment précis. Celle de ne pas la juger. Autant de minutes qu'il le fallait.
Quand enfin elle se remit en mouvement et que ses pleurs s'étaient calmés, Ace relâcha également son étreinte progressivement, jusqu'à ce qu'il puisse la voir à nouveau. Elle l'observa et se rendit compte de ses blessures, et Ace la laissa le toucher, pas tant inquiet par rapport à ça. Il ne l'arrêta pas dans son mouvement, et ne vint pas non plus lui prendre la main ; Rose fut libre d'explorer ses blessures ─ ne surtout pas la priver de sa liberté, même s'il ne s'agissait que de sa main. À la place, il l'observa, regardant son visage rougit d'un côté, ses avant-bras ; et il n'osa pas regarder plus bas. A ce moment là, l'expression du visage d'Ace se transforma, laissant place à de la culpabilité. « C'est moi qui le suis. » Son regard ne quittait maintenant plus le sien, et le ton de sa voix, même s'il se voulait rassurant, était teinté d'une douleur bloquée dans sa gorge. « J'aurais dû anticiper ça. Je suis désolé. » Après tout, n'était-ce pas la chose qu'il voulait faire ? Empêcher les gens autour de lui d'être traînés de force dans ses problèmes ? Mais ce n'était pas sur lui et ses sentiments qu'il fallait qu'il se concentre. La priorité, dans l'immédiat, c'était elle ; le reste... viendrait après. Il déglutit, et préféra passer à autre chose. « Est-ce que tu peux te lever ? Tu peux t'appuyer sur moi. » Il avait laissé son bras à proximité, toujours dans sa direction, pour lui permettre de s'appuyer dessus.

tension qui s'évacuait difficilement. t'offrant un tableau déplorable que tu n'étais pas censé découvrir. que j'espérais ne plus avoir à t'offrir. laissant ce poids accumulé se déverser. noyant ton âme de mes larmes, douloureuses et incomprises. tu ne dois sûrement pas comprendre. cherche pas à le savoir. c'est pas ce que j'attends de toi. me repousse pas. ne bouge pas. laisse mes mains t'enlacer comme si t'étais devenu le seul être qui comptait. pendant quelques secondes. j'oubliais nos rancoeurs, cette relation en dents de scie qui me galvanisait plus que je ne voulais l'admettre. accueille le poids de cette peine que j'endure depuis plusieurs mois. depuis quelques années. c'était plus que je ne pouvais encaisser. et encore une fois, je ne laissais pas le choix. t'empêchant de t'en aller. de t'éloigner. de m'éviter. à y regarder de plus près, j'pense pas que tu l'aurais fait. j'en prends pas conscience, mais tu demeures à mes côtés. et pour ça, merci. ton regard désarme le mien. désemparée. recherchant un simple confort. dans tes bras. dans tes gestes. dans tes mots. venant recueillir la douceur de ton épiderme piétiné entre mes doigts. étonnée que tu ne réagisses pas. étonnée que tu ne recules pas. je suis désolé. rétines qui brillent, désormais. pas l'habitude qu'on s'excuse. qu'on soit désolés. pour moi. pour mes actes. — toi aussi, tu n'y es pour rien. j'sais pas ce que je recherche. si j'tente malgré tout de te réconforter ? te rassurer ? c'est pas mon rôle, et pourtant, j'veux l'endosser. pour cette fois. j'le ressens, onde colérique qui vient se coincer dans ta gorge. alors rapidement, j'descends ma main vers ta poitrine. apaiser tes tourments. à mon tour. visage qui se tourne vers ton bras, appui que tu m'offrais. que je saisis sans réfléchir. pour m'aider à me relever. les jambes qui menacent de se dérober à tout instant. alors je m'accroche. fortement. laisse moi quelques secondes encore. que j'puisse retrouver un semblant de dignité. instant de lucidité qui m'assaille, détournant mes yeux pour scruter la cuisine. soupir qui s'échappe de mes lèvres. dégoûtée. — ton repas doit être froid maintenant... laissant à nouveau le silence nous envelopper. avant de pivoter dans ta direction. venant déposer mes lèvres sur ta peau, au niveau de ta joue. — juste pour te remercier d'être venu, d'avoir pris ma défense... et d'être resté à mes côtés... instant fugace où seule la douceur et la reconnaissance s'épanouissaient dans mon regard, fixant ton visage. j'en profitais, en réalité. parce qu'après ça, j'redeviendrai celle qui te casse les couilles. balayant toutes émotions nuisibles, celles qui me fragilisaient. celles que j'préférais taire. le plus longtemps possible.

Cet événement allait impacter leur relation. Ace n'en doutait pas. Il n'avait pas juste défendue une amie, il avait agressé un ancien ami pour défendre avec virulence quelqu'un qu'il appréciait, et avait fait le choix de la protection plutôt que de la vengeance en ne pourchassant pas celui qui avait mit le bazar dans leur vie. La douceur de Rose avait quelque chose d'apaisant mais aussi d'affreusement brisé, et il n'était pas certain d'apprécier ça. Alors il gardait un oeil sur elle, pas très discret, tandis qu'ils se relevaient. Il suivit le chemin de ses yeux jusqu'à la cuisine, constatant enfin les dégâts, le plat maintenant étalé à moitié sur le plan de travail ; un court moment d'inattention durant lequel Rose en profita pour venir l'embrasser sur la joue, arrachant ainsi une expression de surprise à Ace qui ne s'y était vraiment pas attendu. Mais ça lui semblait... inapproprié. Pas son geste, non, ni elle, mais qu'on le remercie. Il ne lui répondit qu'avec une moitié de sourire et un soupir, sa main se posant sur la joue intacte de Rose pour pouvoir regarder celle blessée. « On devrait vérifier comment tu te portes en premier lieu, hein ? Les remerciements, on verra ça plus tard. » Il la guida alors vers le canapé, l'aidant à marcher. « Bouge pas de là, je vais chercher de quoi apaiser tout ça. » Pour un sportif comme lui, ce n'était pas surprenant de savoir qu'il avait un minimum de matériel médical dans son appartement ; mais venant d'Ace, c'était cette prévoyance et cette attention qui sortait de l'ordinaire. S'éclipsant quelques secondes dans la salle de bain, il revint avec une trousse assez grosse qu'il avait ouverte et commençait déjà à fouiller lorsqu'il vint la poser sur la table basse, devant Rose. Il en profita également pour retirer sa veste de moto, la laissant choir sur le fauteuil derrière, et posa un genou au sol devant Rose. « Dis-moi où il t'a blessée, je vais m'en occuper. »