The Loneliest • Libre

Vendredi 24 mai. Matin.

Solitude réelle. Cœur affolé. Ma course effrénée s'arrêtait lorsque mes pieds foulaient le sable. Je bougeais lentement déposant mes mains sur mes genoux. Je tentais de calmer le souffle bien trop rapide de mon être. Une nouvelle crise avait pointé le bout de son nez. Douloureuse comme toujours. Dedans. Dehors. Ça faisait juste bien trop mal. Me foutant du ciel sombre de la nuit, j'avais quitté ma chambre d'hôtel et je m'étais mis à courir. Juste avancer. Sans but. Juste occuper le corps pour ne pas sombrer dans les habitudes néfastes qui manquaient et provoquaient les crises. Je ne saurais pas vous dire combien de temps j'avais couru. Mais, le soleil commençait à se lever lorsque j'arrivais à la plage. Le souffle se calmait. Le cœur ralentissait. Me redressant, je marchais quelques mètres avant de me laisser tomber dans le sable. Je m'asseyais fixant l'horizon et ces vagues qui allaient et venaient comme ces crises qui me submergeaient. Je finissais par glisser une cigarette entre mes lèvres. Seul poison encore autorisé dans mon existence. Et je restais là à fixer les personnes matinales qui passaient sur la plage. Je restais là. Seul. Paumé. Abandonné.

Ange noyé. Ange déchiqueté. C'était de cette façon que je me sentais tandis que je me laissais tomber au sol après cette course folle. La douleur était intense. Elle frappait le corps. Elle cognait l'être. Elle noyait la tête. Le manque était bien trop déplaisant à vivre. Les crises étaient bien trop dévastatrices. Elles me donnaient envie de céder. Juste une fois. Enfin non... Je savais que si je cédais une seule et unique fois, j'étais parti pour plonger de nouveau et je n'étais pas certain de m'en sortir cette fois. Alors, je ne cédais pas. Je subissais ces crises seul dans mon coin en silence comme si je les avais juste méritées. Aujourd'hui encore, la crise se stoppait sans chute de ma part. Seul sur la plage, je coinçais un bâtonnet de nicotine entre mes lèvres et je profitais de ce poison en silence. Silence agréable. Silence désagréable. Silence interrompu. Une voix féminine résonnait me poussant à relever les yeux. L'inconnue me demandait du feu et je fouillais silencieusement mes poches avant même d'entendre le s'il te plaît. Je me fichais bien de la politesse. J'étais rassuré que cette intervention ne soit que pour du feu et non pas une quelconque fan cherchant à m'approcher. Sortant le briquet, je le tendais en silence à la demoiselle. Je n'étais pas doué pour faire la conversation. Je ne l'étais plus depuis que la drogue ne m'accompagnait plus. C'était elle qui m'aidait tant à babiller à tout va. Sans elle, j'étais juste silencieux et renfermé. Mes prunelles fixaient de nouveau les vagues dans l'attente de récupérer mon bien. Je tirais avec lenteur sur ma cigarette sentant mes doigts trembler encore sous la crise qui peinait à se dissiper.

Ange éteint. Ange silencieux. Ça me donnait l'impression d'être quelqu'un que je n'étais pas vraiment. Quelqu'un que je ne savais plus être depuis des années en tout cas. En étant si clean, j'avais la sensation de ne plus être réellement moi. Je me sentais comme s'il manquait quelque chose pour que je puisse être Ange Murray de nouveau. Je me sentais comme un enfant soudainement lâché au milieu d'une foule sans même savoir m'exprimer. Ma douce compagne, la drogue, m'avait lâché. Enfin... C'était plutôt moi qui l'avait lâchée. Mais, dans tous les cas, son bras n'était plus là pour me soutenir. Je me sentais abandonné dans un monde que je ne savais plus maîtriser. Tirer sur la cigarette, je sentais les tremblements perdurer dans les doigts. Le manque peinait à se dissiper. Et, il y avait pire encore : l'inconnue ne s'effaçait pas. Elle restait là. Proche. Réelle. Présente. Ça me déplaisait. J'avais envie de me lever pour récupérer mon briquet avant de simplement m'éloigner. Je voulais fuir l'humanité. Je désirais m'enfuir loin de tout contact. Pourtant, je ne faisais rien. Je n'étais pas certain que mes jambes puissent me porter au loin. Je préférais rester là avec le fol espoir que mon silence suffirait à la faire fuir. Stupide idée. Je grimaçais en entendant la question qui venait soudainement briser le silence. Je détestais cette question. Le non frappait vivement dans le crâne. Mes prunelles claires se posaient sur elle. La fumée s'envolait et le « Bien. » passait la barrière de mes lèvres. Juste un mot. Simple. Direct. Mensonger. Juste un mot sans chercher plus loin. À croire que, sans la drogue, je devenais bien trop insociable. Vie clean. Vie insipide.

Solitude bousculée. Présence indésirable. Je m'étais échoué sur la plage après cette course afin d'échapper à la solitude qui me rongeait dans ma chambre d'hôtel. Cette solitude silencieuse qui éveillait dangereusement les démons sur mon épaule. Ces démons qui m'invitaient si follement à glisser de nouveau dans la consommation des substances miracles. Ces démons que je combattais seconde après seconde pour ne pas chuter de nouveau. Ange différent. Ange clean. Ange échoué pour échapper à la solitude. Ce n'était pas pour autant que j'attendais la présence de qui que ce soit à mes côtés. Je voulais rester seul à observer le monde de loin. Cependant, l'étrangère s'était invitée pour un briquet. Je l'avais offert sans hésitation et elle était restée m'interrogeant sur mon état. La situation me déplaisait soudainement. Je détestais parler. Encore plus quand il s'agissait de moi. Encore plus depuis que l'être était dépourvu de substances. Le mensonge était soufflé et son murmure se faisait entendre presque aussitôt. Un léger rire passait mes lèvres. Rire faux. Rire agacé. Mes prunelles se posaient sur elle et je demandais « Vous êtes médium peut-être ? » La question était ironique simplement pour savoir d'où elle se permettait de changer ma déclaration. Ou d'où elle pouvait connaître la vérité. Quoique mon mal-être était sans doute affiché sur ma tête. Et, il suffisait qu'elle me connaisse comme le chanteur Ange Murray pour savoir que j'allais mal. La presse à scandale l'affichait bien trop souvent. L'interrogation se faisait entendre me coupant de mes réflexions. Je détournais les yeux haussant les épaules « La plage est à tout le monde. Vous pouvez aller et rester où vous voulez. » Même ici si tel était son choix. Si sa présence finissait par trop me dérange, je n'aurai qu'à tourner les talons pour prendre la fuite.