SUPERMAN POUR VOUS SERVIR
J'avais pris l'avion dans la nuit, avec un sourire malicieux sur le visage. Eh oui. Je le savais, que je faisais une grosse connerie. Je n'aimais même pas les Etats-Unis. Mais où aurais je put aller d'autre ? Je me débrouillais bien en anglais, malgré mon accent italien. Merci les études de commerce. Mon père était beaucoup trop grand, trop puissant pour que j'aille me réfugier dans un pays voisin. Il ne se douterait pas une seconde que je me serais volatilisée au pays des hamburgers. De toutes façons, ce ne serait que pour une année, juste le temps de lui montrer que je n'étais pas une monnaie d'échange.
Mon père a toujours mis ses affaires avant notre famille. Un mal pour un bien, se consacrer à son travail lui a permis d'avoir une carrière à en faire rougir plus d'un. C'était un beau parleur, il savait manigancer, détourner l'attention et mettre la main sur ce qu'il souhaitait. Ses méthodes ne sont pas forcément toujours saines, mais on peut bien lui reconnaitre que malgré tout, elles lui ont toujours réussies. J'ai de la chance de ne pas avoir un père travaillant pour la pègre. Il n'est à la botte de personne, a juré à la mama qu'il ne le serait jamais, une de ses phrases favorites. En revanche, il serrait la main de personnes plus trempées que ma serviette en troisième jour de règles. Je le savais... Mais cela ne me faisait pas peur. Ce genre de choses était presque courant en Italie, surtout pour la haute société. Personne ne réussissait vraiment tout seul.
Par le passé, alors que je n'avais que 15 ans, il avait conclu un marché avec l'un d'eux. Je n'ai jamais vraiment sut de quoi il s'agissait, mais ce qui était certain, c'est que dans la tête de ces deux hommes bien confiants, j'étais devenue la fiancée de quelqu'un. Il s'appelait Côme, paix à son âme. Je ne sais pas vraiment pourquoi je n'avais pas réagis quand je l'avais appris. Je connaissais Côme. Je connaissais ses sœurs. Avec le temps nous avions tous une très bonne entente, même si nous ne nous voyions pas si souvent à l'époque. Ma mère avait une sainte horreur que je pénètre leur maison, et même que son père vienne chez nous. Ces gens là ne pouvaient pas porter bonheur... N'est-ce pas ?
Elle avait bien raison.
Je secoue la tête, les bras croisés sous mon pull, laissant les manches pendre de chaque côté. Inutile de repenser au passé. Il fait froid, heureusement que j'ai une écharpe bien solide. Ne rien faire une soirée d'Halloween me parait étrange. Non, en réalité je n'ai jamais aimé cette fête, je l'ai toujours trouvée puérile... Pour les enfants. Mais ma mère adorait cacher des imbécilités partout dans la maison pour nous effrayer mon père et moi, chaque année. J'avoue qu'étrangement, ce soir, loin de ma tendre Italie et perdue au milieu de bouffeur de burgers kings sans retenue, cela me manque un peu. Alors, j'ai choisis de sortir un peu de mon modeste appartement question de prendre l'air et de découvrir un peu les alentours. Tout le monde a l'air joyeux, déguisé plus ou moins étrangement. On va dire qu'on se croirait plus à un carnaval qu'à Halloween. Je suis arrivée à Boston seulement ce matin et même si certaines choses m'amusent de façon sarcastique, je sais que je vais avoir du mal à m'habituer à toute cette culture étrangère. Mais peu importe ! Une année à Harvard pouvait largement compenser la douleur de ces maux futiles. Mon diplôme en main, je retournerai en Italie et prierai que tout redevienne comme avant.
Comme au temps ou Côme, Vita, Oria, Livia étaient encore vivants.
- Hey toi !! s'éleva une voix derrière moi.
Je me retournais les yeux plissés, surprise du ton criard avec lequel on s'adressait à moi. Un type. Peut-être un peu saoul. Il s'approche. Je roule des yeux et lui fait signe de la tête que je ne suis guère intéressée. A force, une femme finit toujours par avoir la capacité de flairer les lourdingues, aux hommes innocents cherchant leur chemin ou demandant juste l'heure. Je continue de marcher quand une main se pose brutalement sur mon épaule. Je me retourne d'un coup, le regard menaçant sur ce crétin qui empeste l'alcool.
- Quoi ?! m'exclamais-je. Ne me touche pas crétin.
Son visage se durcis. Je ne sais pas ce qui le met en colère. Le fait que je le repousse ou que je le traite de crétin ? Probablement les deux. Je reprends mon chemin d'un pas plus rapide, quand il me rattrape et saisis mon écharpe fortement, ce qui eut le don de serrer autour de ma gorge. Je me débats et tente de me retourner face à lui, lui criant de lâcher. Mais cela le fait rire. Il a de la force, je ne peux pas lutter avec mes bras. Il serre de plus en plus, je finis par fermer les yeux et hurler, quand soudainement une autre voix s'en mêle. "On t'as dis de lâcher !! Alors tu lâches !!" Un bruit sourd s'en suit et me fait sursauter. Libre enfin, je me retourne et voit l'agresseur étalé par terre. Je fais quelques pas en arrière, le coeur battant. J'avoue avoir eu un peu peur. Je relève la tête, sur mes gardes, observant le nouveau venu.
Il est grand, semble questionneur. Il ne semble pas être méchant. Je pense qu'il est simplement venu aider. Cependant, je ne peux m'empêcher d'observer cet air qu'il a sur le visage. Comme un mélange de danger et de douceur. Une aura, une atmosphère qui me fait me sentir étrangement comme à la maison. Avec lui, j'étais définitivement en sécurité, rien à craindre. Je pousse un soupir soulagé avec un sourire, une main sur le coeur comme pour calmer ses battements.
- Grazie, dis-je en riant un peu.
Je secoue la tête, comme pour annuler ce que j'avais dis. On était aux Etats-Unis ici, l'anglais était de mise.
- Merci, pardon. Vous êtes un véritable gentleman.
Je suis bien navrée de ne rien avoir sur moi pour le remercier. Un gâteau ou un billet aurait été la moindre des choses. Je constate que pour une nuit aussi fraiche, il n'est pas vraiment très couvert. Une idée me traverse l'esprit.
- Attendez.
Je retire ma grosse écharpe en laine et m'approche de lui rapidement, avant de l'enrouler autour de son cou sans lui demander son avis.
- Tenez, laissez vous faire, je veux absolument vous remercier et je n'ai rien sur moi. J'ai un sacré accent, j'espère que vous comprenez ce que je dis !
Alors que je relève la tête pour croiser son regard, un fil électrique presque paralysant me traverse l'échine. Mon sourire se volatilise. Mes sourcils se tendent, tandis que j'ouvre légèrement la bouche, figée. Je ne parviens même plus à cligner des yeux. Mon coeur fait un gros bond dans ma poitrine, puis un autre. Puis un autre plus douloureux. Et encore un autre. Mes épaules se recroquevillent. Je laisse l'écharpe glisser de mes mains et fait deux pas en arrière, sans le quitter des yeux.
Cet homme ressemble étrangement à Côme. Peut-être même... Un peu trop.
Beaucoup trop.