bousculade inopinée à bicyclette (twiggy)

J'avais décidé, en cette matinée dominicale, d'arpenter les pistes cyclables avec ma bicyclette adorée aux abords d'harvard histoire de profiter de l'air frais en ce début d'automne et faire un peu de sport - activité que j'avais tendance à délaisser ces derniers temps. Les arbres commençaient à prendre une belle couleur orangée alors que les étudiants avaient pour la plupart enfilé une petite veste pour faire face aux températures plus fraîches. J'aimais ce moment de solitude paisible, assister aux scènes du quotidien et redécouvrir ces rues que je connaissais si bien. J'avais un souvenir à chaque coin de rue et alors que je me remémorais une soirée près d'un bar que j'avais pour habitude de fréquenter lorsque j'étais étudiant, je percutais le sol de façon violente. Un autre cycliste venait de me rentrer dedans. Je ne savais pas qui était vraiment le fautif dans l'histoire mais qu'importe. Je sentais une douleur vive au bras, il n'était pas cassé heureusement. Je regardais la personne présumée coupable d'un air renfrogné « mais ça va pas la tête ! vous savez pas regarder devant vous ? » dis-je en hurlant. En parlant sa tête, cette personne n'avait même pas de casque.

. faites du sport qu'on lui avait dit. faut manger qu'on lui avait dit. calories calories. des pensées qui se bousculaient dans sa tête encore et encore. alors qu'on avait enfin mis des mots sur cette maladie qui la tiraillait tant. dans ce cercle vertueux dans laquelle la jeune ingénue avait plongé le coeur ouvert; (a n o r e x i e ). pourtant la gamine n'y croyait pas. ok elle ne mangeait pas beaucoup. ok ses os étaient peut-être un peu trop saillant. ok peut-être que parfois elle se faisait vomir. elle préférait se dire que c'était des erreurs de jeunesse. qu'à défaut d'être intelligente elle devait être belle. peut-être que comme ça, juste pour une fois, on resterait avec ( e l l e ). soupire exaspérée alors que l'angoisse lui bouffait les lèvres. laissant le vent emporter ses problèmes alors que ses muscles de ce geste presque mécanique continuait à pédaler. n'allant nulle part et partout à la fois. les paysages flous dans ses opales. à se demander si elle tournait pas en rond. rentrant violemment dans quelque chose, ou quelqu'un.  cheveux qui lui tombaient sur le visage peinant à se rattraper extremis.  un homme. un vélo. pas besoin de faire des maths pour comprendre ce qui s'était passée. lui tendant gentiment sa main avant de la retirer. "on vous a pas dit d'être poli dans la vie?" qu'elle articulait sévèrement de cette moue enfantine qui ne quittait plus son visage. myocarde battant un peu trop fort dans sa cage thoracique suite à l'adrénaline. pas un "désolée" ou un "merci" c'était pas son truc à la gamine.

hj: je me suis permise

Lorsque je relevais la tête vers la personne qui venait de me bousculer, j’apercevais une jeune femme, cheveux châtains, la vingtaine, qui devait sûrement être étudiante à Harvard. Elle avait d’abord tendu sa main en ma direction avant de la retirer aussi vite après ma remarque. Je n’en voulais pas de sa main de toute façon, elle aurait pu nous amener à l’hôpital tous les deux avec son comportement irresponsable. Je faisais du vélo tous les jours, j’avais les bons réflexes, quant à elle, elle semblait complètement perdue. Le pire était qu’elle me faisait une leçon de morale sur la politesse, elle ne manquait pas d’air. Je me relevais doucement avec le bras qui restait indemne lorsque je prenais conscience des dégâts matériels : mon vélo était complètement fichu. Mon seul moyen de locomotion. Je m’apprêtais à ne pas répliquer et partir sans me retourner car je n’avais ni l’énergie et ni l’envie de me prendre la tête aujourd’hui, mais la colère commençait vraiment à monter. « Non mais vous avez vu l’état de mon vélo ? La politesse ça englobe les excuses, et que je sache je n’ai rien entendu pour l’instant ». Ça faisait un peu phrase de daron de 56 ans, mais elle avait décidé comme une grande de partir sur ce terrain des bonnes manières.

hj: pas de problème avec plaisir

. myocarde qui s'emballait légèrement sous l'adrénaline alors que ses opales dévisageaient froidement l'inconnu. il aurait presque pu être attachant avec sa gueule d'ange mais sa première impression lui laissait un arrière goût amer sur dans sa bouche. claquement de sa langue contre son palais. "pourquoi je m'excuserai? vous m'avez foncé dedans" qu'elle s'exclamait de sa voix la plus douce, ( d a n g e r e u s e m e n t ) douce. sourcils qui se fronçaient alors que ses doigts fins récupéraient son vélo qui était tombé sur le sol. "votre vélo va très bien il a toujours deux roues, c'est donc toujours un vélo" que la douce ingénue souligne face à l'évidence. vague haussement d'épaules, bien décidé à ne rien lacher surtout quand elle ne se considérait pas en tort. twix avait déjà pleins de problèmes dans sa tête, elle n'avait vraiment pas besoin d'en rajouter un supplémentaire. elle qui avait déjà parcouru des tempêtes n'allait pas avoir peur de quelques gouttes de pluie. c'est pas ainsi qu'on l'avait élevé.

Décidément, la jeune femme n'avait pas du tout l'intention de s'excuser et encore moins de reconnaître ses torts. Elle m'accusait d'être à l'origine de l'accident, je riais jaune intérieurement. Je levais les yeux au ciel. « Bien sûr, tout est de ma faute. En attendant vous devriez peut-être porter un casque puisque vous êtes un danger public ». Je ne pouvais m'empêcher une petite leçon de morale car j'avais trop de vu de traumatismes crâniens aux urgences, de personnes qui trouvaient que le casque était un accessoire inutile. Mais mon empathie avait des limites, j'attrapais à mon tour mon vélo, le guidon était tordu, la selle à l'envers et il était tout égratigné, mais madame était de mauvaise foi. Pas surprenant. « Je confirme mes propos, vous ne savez pas regarder devant vous ou vous ne voulez pas voir ». J'essayais de remettre en place le guidon ainsi que la selle, histoire de reprendre mon chemin, mais l'intervention d'un expert me semblait nécessaire. Me voilà ravi : un vélo cassé, une personne vraiment désagréable en face de moi et j'étais à plus de 40mn à pied de mon domicile.

la conversation ne volait décidément pas très haut . à se batailler de tous les cotés. toutes excuses bonnes à l’interprétation générale. « vous aussi vous devriez porter un casque puisque ça vous arrive souvent de tomber » dédain qui teintait chaque mot qui sortait de sa bouche alors qu'elle répondait du tac au tac. doux venin qui s’insinuait entre les syllabes alors qu’elle souriait mielleusement à l’inconnu. il lui donnait la douloureuse envie de la faire sortir de ses gongs, elle qui tentait tant bien que mal de bien se tenir. soupir exaspéré qui s’échappait de ses lippes alors que l’ingénue replaçait une mèche rebelle derrière ses oreilles. ça la gonflait la gamine ce genre d’attitude. « c’est votre truc de toujours pointer le doigt sur les autres ? » qu’elle quémandait en arquant un sourire curieuse. tête qui penchait légèrement sur le coté pour mieux l’observer. opales qui détaillaient son vélo ne préférant ajouter aucun commentaire face à l’engin complétement rabougri.

De toute évidence, la conversation était stérile puisque la jeune femme était incapable de se remettre en question. Je décidais de lâcher l’affaire, il n’y avait rien à en tirer si ce n’est de la perte de temps et d’énergie puisqu’elle était la mauvaise foi incarnée. « Justement, je ne sais pas si vous avez bien regardé mais j’en ai un, juste-là sur ma tête » dis-je en l’enlevant. Il y avait quelques égratignures mais rien de bien méchant surtout à côté de mon vélo qui était en piteux état. Je lui tendais le casque « Tenez, je vous l’offre, ça vous évitera de finir aux urgences comme ça et donc de vous recroiser » dis-je puisque je faisais de nombreuses gardes aux urgences ces derniers temps. Elle ne méritait absolument pas un tel cadeau, mais la santé publique de la ville en dépendait. J’attrapais mon téléphone afin de calculer l’itinéraire le plus rapide pour rentrer chez moi à pied. « Oui c’est mon truc » dis-je, lassé de son immaturité. « J’espère ne jamais vous recroiser. Sur ce, à jamais » dis-je en attrapant mon vélo, prêt à partir. Je n’étais plus étudiant à Harvard j’avais donc espoir de ne jamais la revoir.