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On pourrait croire que toutes les grandes villes se ressemblent. Pléthore de buildings à hauteur de géant, de la pollution en tonne, un bruit incessant et l'impression de se noyer dans la masse... mais Tokyo et Boston ne peuvent pas être plus différentes. J'avoue redécouvrir le fait de marcher sous une pluie diluvienne, vêtu d'un simple t-shirt et d'un jean. J'erre sans but plus que je ne marche, en vérité. Mon esprit se trouve dans l'incapacité pleine et entière de se résoudre à une réalité : je suis en ville depuis presque deux mois et demi, et Matthieu n'en sait toujours rien. Trois ans que je n'ai pas eu l'occasion de le voir ou de lui parler. Trois ans depuis que je me suis enfui direction les bas-fonds tokyoïtes à la recherche de réponses. Trois ans que je suis dans une merde noire et pourtant, rien ne m'effraie davantage qu'un regard empli du jugement : celui de mon frère. Pas de sang, mais d'adoption, et curieusement, il est probablement le seul être au monde en qui j'ai confiance depuis mon arrivée dans sa famille. Moi le parvenu, que personne ne prenait au sérieux car je maîtrisais mal l'anglais... ces jours ne me paraissent pas si vieux. Aussi, sans même y réfléchir profondément, mes pieds me portent en direction du Manoir d'Harcourt, sur les hauteurs de la ville. Imposante, implacable, cette bâtisse empestant le luxe à plein nez me porte au comble du malaise. Je pourrais passer par la grande porte, me faire annoncer et coller ainsi aux bons codes. Mais à la place, je joue les équilibristes parmi les haies et parviens, au bout de quelques longues minutes de traque, à débusquer un trou dans ces dernières. L'habitude de l'ombre, la rapidité et la précision de mes gestes m'offrent l'opportunité de passer par la porte de service, très certainement réservée aux livraisons et au personnel, afin de grimper dans les étages. Cette maison, je n'en connais aucun recoin, elle m'est parfaitement inconnue... en revanche, en optant pour la bibliothèque, j'ai quatre-vingt dix pour cent de chance d'y dénicher mon frère, surtout à cette heure de la soirée. Aussi, malgré mes cheveux d'un noir de geai dégoulinant d'eau, mes vêtements qui me collent à la peau et la marque de mon passage dans les haies - quelques égratignures sans importance - je pénètre dans la pièce en ouvrant silencieusement la porte. Feu de cheminée allumé, et la prestance anglaise dans toute sa splendeur... bien que le flegme risque d'en prendre un sérieux coup derrière les esgourdes lorsque ma voix va s'élever dans l'atmosphère. Frérot... que je murmure presque, comme si je pensais que des membres de la sécurité allait me foutre dehors sans que je puisse demander mon reste.@Matthieu d'Harcourt
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