J'aime ma famille plus que n'importe quoi en ce monde, c'est peut-être même là ma seule et unique certitude. Tout n'a pas toujours été parfait au sein du foyer familial pour autant. Mes parents sont des gens très occupés qui ont toujours sut au coeur de leurs emplois du temps surchargés ou se trouvaient les réelles priorités dans la vie. Je passerais pour un enfant gâté si je formulais la moindre critique sur mon enfance. Je suis l'ainé d'une fratrie de cinq. Je ne suis pas resté longtemps le bébé de la famille. Un an à vrais dire, pas plus et comme je n'étais qu'un petit bébé à l'époque, je ne me souviens de rien. Très peu de souvenirs et je n'en ai pas de la naissance de mon petit frère Antonio. A vrais dire, j'ai le sentiment qu'il a toujours été là, avec moi. Deux ans après la naissance de mon frère, le ventre de ma mère a recommencer à grossir. Je ne comprenais rien à l'époque. Je trouvais ça bizarre. On essayait de m'expliquer que j'avais été dans ce ventre moi aussi et j'ai d'abord penser que c'était une blague, car j'étais beaucoup trop gros pour tenir dans le ventre de maman, l'imaginer c'était même stupide. Je faisais rire tout le monde à l'époque à cause de ce genre de réflexions. Pas la moindre trace de méchanceté, j'étais juste trop petit pour comprendre. J'ai bien dut me résoudre à admettre qu'on ne me racontait pas de bêtises quand ma mère a mit au monde non pas un, mais deux bébés. Instinctivement, j'ai compris que c'était mon devoir de les protéger, ses deux bébés mais aussi mon autre petit frère. Les protéger de tout. Je n'ai pas fait un très bon boulot à ce sujet. Il n'est pas facile de porter une telle responsabilité et je vis avec le sentiment de ne pas avoir été à la hauteur.
Depuis toujours, je suis incapable de mentir. Ca se lit à des kilomètres sur mon visage. Mes parents ont toujours tout sut vu que j'ai toujours été très nul pour leur cacher quoi que ce soit. Avoir son jardin secret, c'est important, mais je considère malgré tout que en mauvais menteur que je suis, j'ai eu la chance de ne jamais vivre avec un réel poids sur la conscience. Quoique... Ce serait mentir que de dire ça. Après la naissance de Nolan et William, mes parents ont décidés d'adopter. Les garçons, les filles, c'est très différent. Ma mère ne pouvait pas faire avec nous tout ce qu'on fait avec une fille. Je ne doute pas qu'elle nous a toujours aimé aussi fort qu'on peut le faire, mais elle avait envie d'avoir une petite fille et nous, mes frères, mon père et moi, on voulait la rendre heureuse, c'est tout. Or, à cette époque, heureuse, ma mère ne l'était pas tellement. Un foutu problème de santé, nuage noir dans sa vie. L'adoption fut une solution et c'est ainsi que Rose rejoignit notre famille. C'est le premier vrais secret qu'on m'a confié : mes parents ne voulaient pas qu'il s'installe un malaise, que Rose ne se sente pas bien. Ils ne voulaient pas de distinction entre les liens du sang qui m'unissait à mes frères et les liens qui allaient malgré tout se créer entre nous et Rose. Au début, je trouvais ça un peu étrange mais à l'époque j'étais un petit garçon et il m'était bien facile de porter les gens dans mon coeur. Rose n'est pas longtemps restée une étrangère. Elle était ma soeur, tout bonnement et si bien que j'oubliais tout de cette histoire d'adoption dès que j'étais avec elle. Ensuite, on a apprit que Rose avait une malformation pulmonaire. Je crois que ce fut un déclic pour moi. Ma promesse de toujours veiller sur mes petits frères s'était étendue : je devais également protéger Rose de tout ce qui pouvait bien lui arriver dans la vie. Mes frères, mes parents, on a tous eu la même réaction. Je crois que je l'étouffais assez parfois et je n'aurais sans doute pas aimé être aussi couvé moi-même, mais c'était plus fort que moi. Je suis toujours un menteur aussi pitoyable, même maintenant adulte, mais j'ai toujours gardé le secret de l'adoption de Rose et pour tout vous dire, je ne suis pas sûr de lui avoir un jour mentit. J'étais toujours vrais au fond avec elle : Rose était ma soeur tout autant qu'Antonio, William et Milan étaient mes frères.
Je suis le fruit de l'amour d'une talentueuse scénariste et d'un producteur de films réputé. Le cinéma, c'est une affaire de famille et à vrais dire, j'ai longtemps rêvé de marcher dans les traces de mon père. Il est mon héros. Si notre famille était plutôt unie, nous n'étions pas toujours collés ensemble, les métiers respectifs de nos parents ne le permettant pas. Quand une partie de ma fratrie est toujours restée davantage avec ma mère, j'étais à l'inverse plus souvent aux côtés de mon père. Il voyageait beaucoup et j'adorais le suivre. Ravi de me voir montrer autant d'intérêt pour son travail, il m'autorisait à venir avec lui. J'ai déjà mis les pieds dans tous les pays du monde et j'ai été scolarisé dans de nombreux établissements au fil de ma vie si bien que je trouve parfois ma vie terriblement ennuyante à Cambridge. J'aime le goût de l'imprévu. Je veux mener une vie palpitante et rayer définitivement l'ennui de celle-ci. Là-encore, quelque chose dans quoi je n'ai pas exceller, quoique, je n'ai franchement pas le temps de m'ennuyer aujourd'hui... Ma vie avait, à mon goût, des allures de rêve. Pas plaintif le moins du monde, j'avançais d'un bon pied, heureux de voir le jour se lever tous les matins. Ensuite, j'ai grandit. D'un gamin enthousiaste, je suis devenu un adolescent toujours jovial mais plus pensif aussi. J'envisageais toujours d'avoir une carrière similaire à celle de mon paternel. J'étais toujours proche de ma famille mais j'étais aussi résolu à m'éloigner un peu d'eux pour mieux me concentrer sur ma propre vie. Je n'ai jamais aspirer à vivre à travers le succès de mes parents. Je n'ai jamais voulu me résumer à être Spencer Junior Slader, fils de Spencer Slader, le gentil petit garçon de son papa, son portrait craché. Pas que cela soit une mauvaise image, mais je ne trouvais pas ça franchement flatteur non plus. J'ai commencer à voyager, seul cette fois-ci. Je prenais toujours des cours, mais de façon plus évasive. Mes parents ne grimaçaient pas trop à cette idée, me laissant pas mal de liberté. Ils ont toujours essayer de comprendre leurs enfants et ils n'ont jamais été particulièrement durs avec moi ou bien alors cela s'avérait être justifié. J'ai toujours eu la tête un peu ailleurs, je déconnecte facilement d'une conversation et quand bien même ils essayaient toujours de me garder les pieds sur terre, ils me laissaient penser par moi-même. J'ai toujours été maitre de ma vie et puis, quelques années après que j'ai atteins la majorité, je l'ai rencontrée.
J'ignore vers quel âge j'ai commencé à m'intéresser aux filles. Les premières années, les filles pour moi, elles se résumaient à ma mère et ma soeur. Ensuite, j'ai grandit et elles sont devenues plus importantes. J'ai commencé à les percevoir différemment. Je n'ai jamais été du genre à avoir des petites amies, j'étais toujours fourré avec des amis et les filles qui traînaient parfois avec nous, je les considérais plus comme des amies elles aussi et non pas comme des petites copines potentielles. J'ai rencontré Emma en Angleterre, durant des vacances loin de chez moi. A l'époque, j'étais toujours dans ce souhait d'acquérir davantage d'indépendance et j'avais donc décidé de retourner en Angleterre, seul cette fois-ci. J'avais besoin de me trouver, quand bien même j'estimais ne jamais m'être perdu. Emma était issue d'une famille aux revenus aisés elle aussi, fille unique en revanche. Assez égoïste sur les bords, mais bizarrement je trouvais cela presque mignon. Elle avait ce côté fragile, ce minois de poupée et ça m'avait fait totalement craquer à l'époque. Par dessus tout, elle était là, présente. Elle ne me lâchait que rarement la main, tenant de l'autres son appareil photo. Elle était obsédée par les photographies et elle était plutôt douée. Elle était plus jeune que moi de quelques années et plus timide aussi. Je suis tombé amoureux d'elle en quelques journées passées ensemble. On a couché ensemble quelques semaines après notre rencontre. J'ai été plutôt stupide sur ce coup. Je ne me suis pas protégé et elle non plus. Elle est tombée enceinte. J'ai cru qu'elle allait fondre en larmes quand on l'a sut. Elle est devenue pale, beaucoup trop pale, une main posée sur son ventre encore plat. Elle a joué la carte de l'honnêteté. Ses parents, offusqués, l'ont jetée or de chez elle. Ils lui ont coupés les vivres. C'était à moi de m'occuper d'elle.
Emma était trop déboussolée et je l'aimais trop pour la laisser tomber, tout comme j'aimais déjà trop mon bébé. Mes parents n'étaient pas franchement réjouis mais heureusement, leur réaction fut plus modérée que celle des parents de la future maman. Ils m'ont simplement exposé leur déception et moi, j'ai fait avec. Je suis parti m'installer à Cambridge à l'âge de vingt-quatre ans, Emma auprès de moi. C'est là-bas qu'elle a mit au monde notre enfant. Pendant sa grossesse, j'ai décidé de prendre un poste de professeur à Harvard. Par chance, mes notes étaient bonnes et j'étais suffisamment motivé pour ne rien lâcher jusqu'à avoir obtenu un métier. J'avais besoin de ce job. Evidemment, mes parents étaient là pour m'épauler mais j'allais devenir père et je ne voulais pas dépendre sur le plan financier de ma mère et de mon père. Je suis devenu professeur d'arts plastiques. Moi qui aspirait à avoir un parcours professionnel semblable à celui de mon père, je m'éloignais de mes rêves de carrière mais je prenais sur moi. Pourquoi les arts ? Depuis ma petite enfance, je pratique deux loisirs : la natation (j'ai arrêté quand j'ai commencé à me lasser des petites compétitions et que j'ai décidé qu'il serait mieux pour moi de nager uniquement pour le plaisir et dans un cadre plus détendu) et le dessin. Ma mère aimait à penser que je pouvais faire quelque chose de très intéressant avec mes mains. Ca me faisait sourire et puis, j'ai décidé que si cela pouvait m'aider à faire vivre ma famille, je pouvais bien enseigner à des élèves le dessin, la sculpture et j'en passe. Une chance d'avancer, de donner à ma vie un sens nouveau. Alors que je commençais à me faire à ce travail d'enseignant et que je préparais mes prochains cours, Emma a mit au monde ma petite princesse. Alice Slader est venue au monde dans un hôpital à Cambridge au cours d'une matinée de juin. C'est une journée qui est gravée dans ma mémoire.
J'étais présent lors de l'accouchement. Inutile de chercher à passer pour un dur à cuire : sur le moment, je me suis tout simplement sentit mal. Un joli spectacle, difficile à regarder, voilà comment je le définirais mais ça en valait le coup : Alice a vu le jour. Je suis raide dingue de mon bébé et ce depuis les premiers instants. Je crois qu'il n'y a rien de plus normal. Quand je l'ai vu, j'ai sentit que rien ne pouvait être plus parfait que ce bébé et que tout allait bien se passer maintenant qu'elle était là, avec Emma et moi. J'avais tord malheureusement et les pertes ont commencé à se succéder. Une santé fragile tout d'abord, une santé bien trop fragile. Emma était épuisée et je le sentais bien lorsqu'elle me laissait lire toute cette fatigue sur son visage. Je l'ai perdue il y a deux ans. Cela n'a pas été facile, pas facile du tout. De plus, je n'étais plus tout seul : je devais m'occuper ma petite fille et je ne pouvais donc absolument pas me permettre de me concentrer sur moi. Je devais prendre soin d'elle, là était ma priorité. Ainsi, j'ai gardé mon job, trouvé des nounous pour s'occuper d'Alice lorsque je n'étais pas en mesure de le faire et j'ai tâché de me faire à cette nouvelle vie, de m'adapter à mon statut de papa célibataire. Emma planait partout autour de moi, autour d'Alice et moi. Je pense à elle très souvent encore aujourd'hui, alors qu'elle nous a quitté il y a déjà deux ans. Dès que je pose les yeux sur ma fille, c'est cette jeune femme courageuse mais pleine de tendresse qu'était Emma que je retrouve. Ca me fait toujours aussi mal mais je prend sur moi. Je m'en voudrais terriblement si j'osais me permettre des larmes en la présence de ma gamine, quand bien même elle n'a pas à penser que son papa est un robot. La vie était rude et comme si vivre avec le poids du décès de la mère de mon enfant n'était pas assez douloureux, j'ai dut encaisser une autre perte, il y a de cela quelques mois.
Je savais que Nolan n'allait pas bien. Mes parents se faisaient du soucis pour lui depuis des années et après une tentative de suicide qui a échoué, mon père l'a fait intégrer un établissement spécialisé. J'avais mal au coeur pour lui mais j'étais impuissant dans cette histoire et cela ne pouvait pas être pire pour lui, voilà de quelle façon je parvenais à me rassurer. Les jumeaux ont toujours été proches mais très opposés aussi. William était le génie du groupe et nos parents l'ont fait intégré une école de surdoués. Je crois que Nolan s'est toujours sentit un peu diminué. Il ne fallait pas car aucun de nous n'étions irréprochables. Personnellement, j'étais l'aîné, souriant, aux notes moyennes mais à la joie communicative. Je n'étais pas parfait, je fumais comme un pompier depuis mes dix-sept ans même si j'essayais de le cacher à mes parents et s'il y avait une erreur à faire, vous pouviez être sûrs que j'allais être la personne qui allait tomber dans le panneau. Je crois que je ne suis pas un garçon très intuitif, non, à vrais dire j'en suis même persuadé. Je ne pouvais pas passer autant de temps que je l'aurais souhaité avec Nolan et apprendre son décès, cela fut comme si on m'avait arraché une partie de moi. J'ai été assaillit de regrets. J'étais définitivement le grand frère le plus nul de tous les temps si je n'avais même pas réussi à apaiser mon frangin et à l'aider à avancer dans sa vie. Avec Rose, les choses se sont compliquées également. Elle m'en veut beaucoup et comment le lui reprocher ? Ma soeur a appris qu'elle n'était pas vraiment et bien... Ma soeur. Elle s'est sentie trahie, évoluant depuis sa petite enfance dans un mensonge. Je peux comprendre son ressentit mais je suis également franchement vexé qu'elle puisse remettre en question tous les bons moments passés en famille. Quelle soit fâchée de s'être vue masquer une vérité aussi important, soit mais qu'elle me repousse, moi ou un autre membre de la famille, c'est nettement plus dur à avaler. J'ai déjà perdu un frère, je ne veux pas perdre aussi une soeur en moins d'un an.