ZADIG A. HODGE ► T. Mills

« Je ne comprends pas les gens qui considèrent la famille comme un refuge alors qu'elle ravive les plus profondes paniques. »

Certes, ma vie n'est pas plus intéressante que la vôtre, mais elle ne l'est pas moins. C'est juste une vie, et c'est la seule dont je dispose. Mais je tiens à vous prévenir, ce qui va suivre n'est pas joyeux et n'est pas forcément la réalité car mon enfance telle que je l'ai vécue, avec tous mes ressentis d'enfant, je l'ai oublié. Je ne fais que le reconstitué en tâtonnant. C'est une enfance réinventée car je ne peux me baser que sur de vieilles photos où paroles de ma mère ou mon père, les rares dont le me souvienne.

Acte I
Parait que j'étais un gamin désiré, du moins c'est ce qu'on m'a dit... Ce que mes parents m'ont dis. Parait aussi que j'étais le genre de gamin adorable qui collait sa mère partout où elle allait, le genre de gamin avec un cheveux sur la langue qui le rend encore plus adorable que les autres. Bref, le gamin des catalogues que vous recevez dans votre boite à lettre. Les seules choses dont je pourrais vous parler ce sont des souvenirs à la con comme ma voisine qui avait plein de chats... ou deux, je sais plus. A l'époque, deux, ça me paraissait énormes. Ou encore de cette photo où je fais du toboggan avec un t-shirt rouge. Mais ce sera tout. Effacé. D'ailleurs, ceux qui disent se souvenir de leur enfance sont des menteurs, on oublie tous ce passage de notre vie aussi soit-il -sauf les événements traumatisants, ça c'est des cicatrices qui restent à vie et je sais de quoi je parle- on se souvient de ce qu'on nous a raconté, on se souvient de photo mais on serait incapable de raconter une journée qu'on a passé au parc à partir d'une photo, au moins jusqu'à nos 6 ans.

Acte II
Puis il y a eu l'événement de ma vie, en règle général, c'est un divorce ou quoi. Le mien c'était un décès, celui de ma mère. Mon père ne m'a jamais laissé lire la lettre qui expliquait son acte et c'est p'têtre pas plus mal vous voyez. J'avais 15 ans à l'époque, mon père l'a d'ailleurs suivi de près. Il était incapable de vivre sans elle, et je savais que ça allait arrivé, je le voyais picoler et se piquer, et ce qui devait arriver arriva. Il a claqué d'une overdose et j'ai été placé en famille d'accueil. Cette... Famille (?) n'était pas foncièrement méchante, elle ne l'était même pas du tout, mais ce n'était pas la mienne, je n'y étais pas à l'aise, alors aussitôt que j'ai obtenu ma majorité, je me suis tiré.

J'ai vécu dans la rue et très vite j'ai eu besoin de thunes, alors j'ai commencé les magouilles, plus précisément, je me suis mis à dealer avec une petite bande de potes : deux filles et quatre mecs. Dès lors, ça a été ça ma famille. Je ne pouvais compter que sur eux. Avec les thunes qu'on s'est faites, je me suis acheté un vieil entrepôt que j'ai réarrangé à ma sauce.

Acte III
Mais quel con je fais, comment pourrais-je parler de ma vie sans aborder Cheryl... Son rire en cascade est mon médicament, j'aurais dû l’enregistrer en boucle et me le diffuser les soirs de déprime. S’il fallait définir la joie de vivre, le bonheur d’exister, ce serait cet éclat de rire, une apothéose, ma récompense bénie, un baume descendu du ciel. Elle était si belle. Et pourtant, notre rencontre était tout ce qu'il y a de plus banale, j'étais en soirée, en boîte, pour pécho comme tous les soirs. Je m'en cache pas, je suis un fêtard et j'aime le cul, voilà, les mots sont dis. Bref, j'étais en soirée, et elle était seule au bar alors je suis allé lui parler. Elle a immédiatement intégré la bande s'attirant la haine des deux autres filles.

Mais comme toujours, j'ai joué aux cons. Au bout de deux ans de relation, son père, flic, comme par hasard, tout ce que je peux pas saquer, nous a chopper. Cheryl a bien tenté de calmer le jeu mais que voulez-vous, ce con pointait son arme droit sur moi, prêt à tirer... Mais j'ai appuyé sur la gachette avant. Putain, j'ai tué son père sous ses yeux, alors que j'aurais décroché la lune pour elle ! Mais j'avais peur et la peur fait faire de drôle de choses. J'ai seulement été capable de babultier des excuses avant de fuir.

Heureusement, j'ai toujours eu une vraie bande de pote, et Mickey, lui c'était un vrai. Il m'a clairement dis "Mec, si tu finis en taule, ma vie ressemblera plus à rien". Le soir- même il est allé se dénoncer aux flics pour le meurtre du père de Cheryl. Et moi, j'ai plus eu aucune nouvelle d'elle. Et ça m'a bouffé putain, et ça me bouffe toujours de ne plus l'avoir près de moi.

Quand j'ai appris qu'elle étudiait à Harvard, j'ai tout fais pour y entrer, et ça n'a pas été très compliqué. J'avais l'argent, le cerveau mais aussi le talent pour. Mon unique but est de la récupérer.