Look at the situation they got me facin' •• Harper

look at the situation they got me facin' (30.07.22) ★ ─ w/ @Harper June Storm

Il y avait longtemps que je n'avais pas remis les pieds ici. Longtemps que je n'avais pas enfilé une aussi belle robe, bien que ce ne soit que le temps de faire ce que je suis venue faire. Mais, pour que ce soit justement bien fait, il ne faut pas attirer l'attention. Rester discrète. Et ça passe d'abord par ma tenue vestimentaire : à part recevoir des regards satisfaits, je me fonds dans la masse. Cette foule qui sent le luxe et l'opulence à des kilomètres à la ronde, qui se serait sans doute évanouie en me voyant débarquer avec mes vêtements habituels. Trop sportifs à leur goût, sans doute. Mais nous voilà, mes deux collègues et moi, bien habillés. Ils sont là pour faire diversion et, accessoirement, garder un œil sur ce que je fais. Le boss ne me croit plus vraiment capable de faire ça, donc bon. Capable de nettoyer les meurtres, mais incapable de voler des bijoux, des broches... un quelconque objet de valeur. Hmpf. Je vais (encore) devoir lui prouver le contraire. Manigance lancée, et le premier objet qui se retrouvera entre nos mains est désigné par l'un des gars : un bracelet de perles, qui doit valoir aussi cher que la robe de marque de cette femme à qui il appartient. La cinquantaine, la richesse l'entoure, émane même d'elle. Absorbée par le jeu d'un homme à ses côtés, c'est une cible parfaite. Elle ne se rend même pas compte de ce qu'il lui arrive. Un peu trop facile, non ?

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★ ─ Look at the situation they got me facin’
feat @Eleanor Wilshere

Les cheveux relevés en queue-de-cheval haute, vêtue de l’uniforme des croupières - bustier noir et pantalon moulant - tu vas et viens entre les clients comme un serpent discret. Tu réussis à chourer deux billets de cinquante qui pendaient de la poche de leur propriétaire : en même temps, s’il les laisse littéralement traîner, il ne peut pas s’en vouloir de les avoir « perdus ». En plus, tu es quasi persuadée qu’il ne s’en rendra même pas compte : c’est un vieux riche qui vient ici une fois par mois dépenser son « surplus » : une somme qui suffirait sans doute à nourrir et loger une famille de trois enfants pendant 30 jours. C’est indécent, vraiment. Autant que quelques billets atterrissent dans ta poche à toi, non ? Tu en feras bon usage… cet argent sera échangé contre quelques jolies robes, des objets tangibles et utiles, plutôt qu’avalé par une stupide machine à sous sans sentiments et sans loyer à payer. Justifier tes crimes est devenu une habitude, pour toi. Ça te permet de te délester un peu de cette culpabilité latente qui repointe le bout de son nez de temps en temps. Alors, comme un bouchon de liège qui ne cesse de remonter à la surface, tu le repousses sous l’eau à coup de « il le mérite » et de « 100 dollars de moins ? ça ne lui fera ni chaud ni froid ».  

Tu l’as remarquée, la petite mamie avec son bracelet de perles. Et tu es encore en train d’hésiter, de peser le pour et le contre et d’observer les environs afin de jauger le risque, lorsque tu vois glisser le bracelet dans la paume d’une jeune blonde en robe de soirée. Ton sang ne fait qu’un tour dans tes veines. L’espace d’une seconde, tu t’imagines alerter les vigiles et tu vois déjà la scène se dérouler sous tes yeux : la blonde se fait attraper par les colosses et jeter dehors sur le tarmac, son mascara coulant de ses yeux azur alors qu’elle pleurniche en essayant de les convaincre que le bijou s’est accidentellement retrouvé dans sa poche. Pourquoi cette scène est-elle si familière dans ton esprit ? Ah, oui, parce que c’était toi, cette blonde, il y a à peine dix ans. Il t’est arrivé un truc comme ça, une fois, mais tu as réussi à t’en sortir sans conséquences : tu remercies le bon Dieu encore aujourd’hui de t’avoir épargnée. Un casier judiciaire, ça ferme pas mal de portes, quand même.  

La mâchoire tendue, tu t’approches de la jeune femme avec ton large sourire habituel.  

─ Mademoiselle, puis-je vous parler une minute ?

  Tu agrippes doucement mais fermement son poignet, prête à l’entraîner avec toi. Tes lèvres ont beau être étirées jusqu’à tes oreilles, tes yeux contiennent un avertissement clair comme de l’eau de roche : « si tu ne viens pas tout de suite avec moi, je te balance à la sécurité. »

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Toujours être consciente de ce qu'il se passe autour de moi. Une des leçons primordiales dans cette vie pleine de dangers qu'on m'inculque depuis petite. C'est pour ça que, du coin de l'œil, je perçois tes mouvements. Je me raidis quand tu t'approches un peu trop, me crispe quand ta main glisse autour de mon poignet. C'est quoi encore, l'embrouille ? Au départ, je ne te réponds pas. Certainement mon côté de petite effrontée qui doit s'efforcer de tenir tête à quiconque s'adresse à elle, y compris mes confrères. C'est mon quotidien, ça. Sauf que je m'attendais à tout, à tout vraiment, sauf à la politesse (bien que probablement forcée). La menace se reflète dans tes yeux. Ton intonation est tendue, mais tu restes... polie. Et je n'ai vraiment pas l'habitude qu'on me parle d'une telle façon. J'ai presque l'impression de redevenir une enfant, face à une Hellebore prête à me passer un savon ou, dans le meilleur des cas, à m'expliquer la situation plus ou moins posément. « Oui ? » Je maudis l'hésitation qui doit se faire entendre dans ma voix ; reprends-toi, Eleanor. Sois sûre de toi, confiante - même si on me prend au dépourvu. Ce sont des choses qui arrivent. Mais je ne dois pas les laisser me bousculer. Un pas de travers qui pourrait bien m'être fatal dans d'autres circonstances. Alors, résolue, je me reprends, me rattrape, « Oui, bien sûr. » Des frissons me parcourent la nuque, le dos. Non pas à cause du contact de ta main autour de mon poignet (enfin, je crois ?), mais plutôt car j'imagine déjà les conséquences de ces simples petits mots. Si, par malheur, l'un de mes deux confrères se retourne, me cherche du regard et voit que tu m'entraînes quelque part... Je suis bonne pour avoir des problèmes. Tout comme toi. Toi, ce serait sur le moment. Des phrases cordiales ponctuées d'avertissements, voire de menaces. Moi, ce serait juste après. Des mains qui serrent mon poignet bien moins délicatement que la tienne. Des insultes. Sans parler de la réaction du boss et, pour peu qu'il soit dans son mauvais jour, ça peut mal tourner pour moi. Soit il va jouer la carte de l'indifférence, soit celle de la violence. Physique, et un peu verbale au passage. Au choix. Mais je n'imagine même pas ce que ce serait si tu venais à me balancer aux vigiles et tout ce qui constitue la sécurité du casino. Là, ça pourrait très bien aller plus loin. Beaucoup plus loin - et ça me glace le sang rien que d'y penser. Le souvenir du sabotage qui a mal tourné est beaucoup trop frais dans mon esprit. Je ne suis pas prête à revivre ça. Pas maintenant. Alors je prends le risque de te laisser m'entraîner où bon te semble, bien qu'une once de réticence se lise sur mon visage. Je me pince les lèvres quand tu t'arrêtes enfin, libère mon poignet d'un coup sec. Je ne dis rien, attendant plutôt que tu prennes la parole pour m'expliquer ce qu'il se passe : c'est quoi, le problème ?

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★ ─ Look at the situation they got me facin’
feat @Eleanor Wilshere

Tu l’entraînes à l’abri des regards et surtout, loin des oreilles indiscrètes. C’est une salle réservée aux employés, une sorte de sas dans lequel les croupiers viennent prendre leur pause toutes les poignées d’heures. Les serveurs prennent la leur derrière le bar. Ici, il y a un sofa, une montre accrochée à un mur pour rappeler les retardataires à l’ordre, et une porte en métal de l’autre côté pour ceux qui voudraient fumer une clope avant de retourner bosser. Tu te places face à la jeune femme, les mains sur les hanches, comme une grande sœur prête à engueuler sa cadette pour avoir fait l’école buissonnière.

─ T’as quelque chose à me montrer ?

  La menace dans ta voix est claire. Disparue la cordialité. Absent, ton sourire si caractéristique. Tes traits sont durs, ton visage fermé. Tu n’as aucune intention de la laisser s’en tirer aussi facilement. Et d’un autre côté… tu veux lui éviter le sort plus funeste de la liste des clients « black-listés » du casino. Plus que ça, tu veux comprendre. Comprendre ce qui l’a menée à un tel comportement, car tu sais que les apparences sont trompeuses. Qu’on ne devient pas criminel comme ça, juste parce qu’on le décide un jour. Qu’il y a une histoire derrière chaque acte illégal.  

─ Je sais ce que tu caches. T’es pas aussi discrète que tu le crois. T’es venue seule ou accompagnée ?  

Pourquoi cette question ? Parce que ça peut beaucoup jouer sur ce que tu comptes faire d’elle. Si elle est seule… soit, tu laisseras peut-être passer ce petit « incident ». Cela dit, si elle fait partie d’une bande organisée… tu ne feras sûrement pas preuve de la même clémence.

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Avec la position que tu prends, on dirait que tu t'apprêtes à disputer un enfant. Tu n'as pas du tout la même allure que mon supérieur ou les gars de la bande peuvent avoir à ce genre de moment, mais l'intention est la même ; alors, tandis que tes mains se retrouvent sur tes hanches, l'une des miennes attrape et serre mon autre bras. Une sorte de position défensive, un peu naturelle - probablement trop naturelle. Comme quand je me prépare à recevoir une bonne correction (sous-entendu : quelques coups). Mes lèvres se pincent et je me crispe encore plus. Cela dit, mon regard ne fuit pas. Oh non. On m'a bien trop inculqué le fait que baisser ou détourner le regard, c'était un signe de faiblesse. Et je suis loin de l'être. « Qu'est-ce que ça peut te faire ? » J'observe énormément. Constamment. C'est la base. Et toi, tu es vêtue comme tous ceux qui gèrent les jeux, ainsi que l'argent mis à leur disposition ; pas comme ceux qui ont fait de la sécurité des lieux et des clients leur priorité. Mais bien (trop) vite, tu piques le peu d'égo que j'ai - ou devrais-je plutôt dire, le peu d'égo qu'il me reste ? -, et mes sourcils se froncent. Surtout, ne pas se dégonfler. Ne pas montrer que, comme quand je me fais plus que remonter les bretelles quant à mon incompétence, ça m'atteint quelque part.« Je suis discrète, mais je pense surtout que tu dois en connaître un rayon. » Si tu as remarqué le tout, c'est que tu t'y connais un minimum, non ? Si je n'étais pas aussi discrète que ce que je suis tous les jours et dans n'importe quelle circonstance, j'aurais été prise la main dans le sac bien avant toi. Et, si ça avait vraiment été le cas, je ne serais même plus en vie à l'heure actuelle. « Je vois pas le rapport. Que je sois seule ou accompagnée : encore une fois, qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Mais je me tais, car je sais aussi qu'il ne faut pas toujours tenter le diable. Surtout quand on ne sait pas de quoi l'autre est capable. Tu comptes faire quoi, maintenant ? » Me réprimander comme une enfant ? Ou utiliser plus ou moins de force pour me jeter en dehors du casino ? Peu importe, je suis prête. Et accompagnée - sauf que ça, tu ne le sais pas. Pas encore, peut-être.

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A en croire les gens autour de moi, je suis plutôt sympa. Sans vouloir me la jouer, j’ai le coeur assez ouvert. J’aime faire plaisir, donner sans compter, et aider dès que je le peux. Mais ce que je n’aime pas… c’est quand les autres croient que tout leur est dû. Ce que je n’aime pas, c’est l’arrogance, et l’incapacité qu’ont certains à reconnaître leurs torts. Cette fille croit peut-être qu’on est pareilles, or moi, je n’aurais jamais osé répondre ainsi à quelqu’un qui a le pouvoir de me faire tomber très, très bas. Les clients richissimes ont beau tout avoir à leur disposition, ils n’apprécient pas qu’on leur vole leurs jouets. Quand bien même ne se seraient-ils pas rendu compte de leur disparition. On est en Amérique : tout le monde intente un procès à tout le monde, pour n’importe quoi. Si elle veut risquer de se faire coller une amende plus dodue que le bracelet qu’elle a chouré en plus d’un casier judiciaire, libre à elle. Ce n’est pas parce que je me reconnais en elle que je devrais faire preuve d’une quelconque loyauté à son égard.

─ Tu fais exprès de t’enfoncer encore plus ? T’as de la chance que je ne t’aie pas directement balancée à la sécurité. D’ailleurs, je le regrette déjà.  

J’observe ses traits en espérant peut-être y dénicher une trace de regret - car finalement, c’est elle qui devrais en ressentir.

  ─ Les filles comme toi sont souvent accompagnées.  

Je pince les lèvres, craignant qu’elle n’y voie une insinuation de son… rôle auprès de certains clients. M’enfin, si je dis ça, c’est parce que les escorts font légion auprès des habitués du casino. Accrochées à leurs bras fripés tels les bijoux de valeur qu’elles convoitent. Autre cas possible : elle sert d’appât pour laisser le champ libre à ses « collègues ». Des cas comme ça, on en voit aussi parfois.  

─ Je vais t’expliquer ce qui va se passer : tu vas sortir d’ici, retrouver la cliente que t’as volée et ramasser son bracelet, qui était « malencontreusement » tombé par terre. Tu vas gentiment le lui rendre, puis foutre le camp sans demander ton reste. Capisce ? L’autre option, c’est les vigiles. Mais je te préviens : ils seront moins doux que moi. Alors, tu préfères quoi ? 

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