sunlight (rp libre)

Grossesse qui implique de ne plus quitter Boston. Les tiers occupés à faire les travaux, t'as décidé d'aller te prélasser à la plage et profiter des rayons du soleil de cette fin de journée. Posée sur ta serviette, lunettes de soleil sur le nez, tu écoutes le bruit apaisant des vagues, avant de t'y plonger délicatement une quinzaine de minutes plus tard. Ton ventre arrondi reçoit des coups de pieds qui te font sourire, avant de revenir sur le banc sableux.

Ji-hun profita de son jour de congé pour se rendre à la plage, là où vacanciers d’autres continents s’étaient aussi posés pour profiter du début de l’été. À peine dix-huit heures, et la température annoncée sur son téléphone effleurait des degrés bien agréables. Chaleur atténuée par le petit vent océanique apporté par les vagues devant lesquelles il s’était installé. T-shirt blanc de marque, et short de bain fleuri, cela faisait une demi-heure qu’il contemplait le va-et-vient de l’Atlantique remuer le sable sur son passage. Il jetait parfois un coup d’œil sur les passants qui tentaient d’y mettre le pied, ou cherchaient quelques coquillages pour leur collection personnelle. L’ambiance était bien plus calme que celle que l’on pouvait espérer en plein weekend, de quoi apaiser la tête du nord-coréen qui ne cessait de carburer pour les dernières semaines de courses intensifs ; il en voyait doucement la fin.

Un peu plus loin à sa droite, un enfant se mit à construire un château de grains, ce qui lui donna la magnifique idée d’en faire un, lui aussi. Son tout premier, à dire vrai, et ce fut pour cette raison qu’il observa méticuleusement le garçon et son papa œuvrer. Il n’avait pas d’outils pour ce faire, mais il avait longtemps trituré la terre à mains nues lors de travaux agricoles, réussit alors à construire des formes à peu près potables.  Il eut à faire des allers-retours pour porter un peu d’eau dans le creux de ses paumes, et laissa ses affaires sur la serviette sans crainte ; il était entouré de familles. La construction prit peu à peu d’ampleur. Telle la cerise sur le gâteau, il était entrain de poser le dernier galet quand il s’adressa soudainement à la jeune femme au ventre rond posé à ses côtés. Vous aussi, un jour, avec votre enfant, vous ferez des châteaux, plissa-t-il les yeux. Fin observateur, il avait remarqué les sourires qu’elle adressait aux manifestations de son bébé.

Déjà, vous le sentez , demanda-t-il, naturellement sociable, tout en se mettant à travailler les douves ; à combien de mois en était-elle ?

C'est vraiment agréable, selon toi, de vivre ce genre de fin de journée. La chaleur n'est pas écrasante, l'air est largement respirable et tu t'approprie lentement cette vie qui, bientôt sera la tienne, quand tu regardes ces parents jouer avec leurs enfants sur le banc sableux. Une voix vient te tirer de tes rêveries et tu adresses un sourire au jeune homme qui t'a adressé la parole. « En effet, je vais devenir une véritable experte en la matière dans les années à venir. » Et plutôt deux fois qu'une. Et leurs pères aussi, vont retrouver cette sensation enfantine. Déjà Zéphyr, tu l'imagines, n'a pas encore perdu la main avec les filles. Ta main toujours posée sur ton ventre, tu ris doucement. « Je les sens bien, oui. Depuis quelques temps déjà. »

L’amour de cette mère pour son enfant transparaissaient déjà, et Ji-hun ne pouvait rester impassible face aux sourires qui se manifestaient. Agréable touche de bonheur en cette fin d’après-midi. Il ne pouvait qu’être touché, parce qu’il s’était longtemps occupé de sa petite sœur aujourd’hui âgée de huit ans, et qu’il se rappelait avoir reçu la nouvelle de son arrivée prochaine comme un souffle de fraîcheur. Elle n’avait pas été prévue, un bébé miracle qui avait réussi s’implanter malgré l’âge avancé des deux adultes et toutes les précautions qu’ils avaient mises en place. Elle lui manquait beaucoup, ne savait pas si elle avait survécu de sa fuite vers la Chine, ni si elle était en lieu sûr, et c’était une douleur quotidienne que de ne pas savoir. Bien vous entraîner il le faudra, plissa-t-il les yeux. Histoire de ne pas décevoir la nouvelle recrue.

Combien de mois il reste , osa-t-il demander quand était prévu l’heureux événement. Une étape qui changeait absolument tout dans la vie d’un couple, dans la vie d’une femme. Marquant était la grossesse, mais l’accouchement l’était bien plus. Ji-hun le savait pour avoir vu sa mère souffrir au dernier trimestre et davantage dans le salon de leur appartement où elle avait donné naissance à trois enfants ; à lui et deux filles ensuite. Pas de péridurale pour soulager les maux, dans leur culture c’était impensable de ne pas vivre pleinement le don de vie. Une toute jeune maman, vous semblez être, c’est premier, continua-t-il à s’intéresser à sa voisine de plage, les douves ainsi terminées, le pont restait à bâtir. Est-ce qu’il se voyait un jour papa ? Il ne savait pas. À vingt-sept ans il se considérait encore trop jeune.

Trop jeune, et surtout trop ambitieux professionnellement pour se laisser aller à la rêverie de tenir son propre enfant dans ses bras ; mais qui savait ce que l’avenir pouvait réserver ?