Le début Je suis né au mois de février 1995, je ne m'en souviens pas, mais il paraitrait qu'il faisait beau, comme si on était en plein été. Mes parents ont vu là un signe, comme quoi je serais la relève, comme quoi j'apporterais que du bon sur mon passage. Pff... Mon cul, c'était juste le dérèglement climatique qui commençait déjà à faire des siennes. On m'a toujours appris à être reconnaissant de ce que j'avais, à savoir être juste, à ne pas me vanter, ne pas chercher à me mettre en avant. Le seul problème, c'est qu'on m'a vite fait rentrer dans un moule d'excellence, pour que je fasse partie de l'élite de ce pays, que je puisse suivre la trace de mon paternelle, ancien avocat de grande renommé bien trop préoccupé par son image et l'argent qui coulait à flot. Vacance ? Rêve, tu vas étudier, encore et encore, jusqu'au moment ou tu pourras réciter par cœur tous ces bouquins bien trop inutiles pour ton âge. Repos ? Ouais, le dimanche, c'est le jour du seigneur, tu peux souffler un peu, t'es pas non plus un esclave. Des amis ? Bien sûr que tu en as, mais tu fréquenteras que des personnes de la même classe social, que des gens importants, car c'est à partir de ce moment-là, que tu pourras te créer un cercle d'amis soudés, ambitieux, et qui partage les mêmes envies de grandeur que toi. Pff... Ouais, bah moi, je m'en branle et ça me fait bien chier tout ça. Je ne suis qu'un gamin, je cherche juste l'admiration de mon père, rien de plus. Je cherche juste à ce qu'il soit fier de moi, à ce qu'il puisse me voir en lui, qu'il puisse se dire que sa lignée est assuré, qu'il n'a aucun soucis à se faire là-dessus. Emprise malsaine dont je ne cherche pas à me détacher, à ce moment-là... Enfant modèle, c'est tout ce que j'étais.
Je voudrais être un poignard pour faire couler ton sang comme tu as fais couler mes larmes. Le problème est que je grandis, que je me forge mon propre caractère qui se révèle années après années. Je suis certes, toujours un fils à papa, une vrai putain de tête à claque, mais j'ai d'autres envies. Des envies de simplicités, l'envie d'avoir une vie comme monsieur tout le monde. Me lever, étudier, galérer, avoir de mauvaises notes, rien comprendre. Sauf que ça fonctionne pas, je reste sous son emprise, moins qu'avant, mais je reste son fils, celui qui réussira sans aucun problème. Et malgré les années, peu importe ce que je fais, cet envol que je tente de prendre, ça ne fonctionne pas. Peut-être qu'au fond, cette vie me plaît, qui sait ? Turbulant, je finis par découvrir de nouvelles choses, les joies de la vie, l'alcool en soirée, les filles, et je tombe assez rapidement amoureux de Lisa... Je me souviens de son visage comme si c'était hier, de sa voix, de cette façon bien à elle de me regarder. Je me souviens de tout, sans aucun problème, sans que ça devienne flou, et ça même si on avait que seize ans. Elle est le premier amour que j'ai eu. La première pour qui j'étais prêt à lâcher toutes ces conneries avec mon père, la première qui allait m'aider à m'émanciper, à me faire mon propre chemin. Elle était celle pour qui j'allais devoir devenir meilleur. Et c'était beau, deux putains d'années de bonheur. Peut-être un peu trop même... Mes notes ont commencé à chuter, pas de grand chose, j'étais toujours parmi les meilleurs élèves de mon école, mais ça a chuté de quelques points, et ça... C'était pas bon, pas bon pour mon dossier, pas bon pour ma future vie. Mais Papa, il a laissé faire, il c'est dit que ce n'était qu'une mauvaise passe, qu'une histoire qui finirait par se terminé, c'était la seule fois de sa vie qu'il me laissait libre, et surement la dernière... Parce qu'on a pas été conscient, on a pas fait attention, on a couché, et pas qu'une fois, sans moyen de contraception, jusqu'au jour ou je l'ai mise enceinte. Nous étions jeune, mais j'en avais rien à foutre, j'étais prêt à trouver un travail putain, à devenir un homme, et à m'occuper de cette famille que j'étais en train de crée. Sauf que non. Bah non mon petit, Lui, il ne voyait pas ça comme ça, pour Lui, tout mon avenir allait être gâché, toute ma vie serait foutu avec un gosse qui passe ces journées à chialer dans les pattes. Je finirais par le regretter, d'après Lui. Alors il alla trouvé la famille de Lisa, gros, très gros chèque en main, les mettant à l'abris de tout problème. Seul condition ? L'avortement, et quitter la ville. Ces enculés, ces enculés de merde, ils l'ont fait, ils ont accepté le chèque, ils ont accepté de tuer ce fœtus qui allait devenir mon enfant pour de l'argent, pour que je puisse devenir quelqu'un. Je crois bien que c'est à ce moment-là, que ma vie à changé...
Si on vit dans un monde de chien, alors autant être le chien le plus sauvage. Bon toutou. Je crois que cette expérience m'a changé complètement. J'avais des envies, des envies d'évasions, des envies de renouveau, de découvrir le monde, de l'explorer, de devenir quelqu'un et pas grâce à mon nom. Sauf que tout ça c'est envolé en même temps que Lisa et le bébé. Je me suis fait à cette idée, à celle que je devais devenir quelqu'un, que je devais suivre les traces de mon père pour ensuite avoir peut-être une chance de me détacher, de vivre ma propre vie. Il ne me lâcherait pas tant que je n'aurais pas atteint ce but, il a bien trop d'emprise sur moi, et face à lui, je suis faible, sans aucune défense. Je redeviens le gamin apeuré, celui qui fera tout pour le rendre heureux et fier, fier, surtout... J'étudie le droit, pour à mon tour devenir un avocat, parce que j'aime la justice, j'aime les choses droites, bien faites. J'me souviens encore de mon entretient à Harvard, ce pet foireux, à la limite de me chier dessus... Mais au final, ça c'est bien passé, j'ai montré qui j'étais, que j'avais ma propre personnalité, que je n'étais pas sa copie conforme, et ça même si j'avais ces traits et qu'il m'avait éduqué comme il l'avait été. Je ne sais pas vraiment comment ma vie va se dérouler, si un jour je prendrais enfin mon envol, si un jour, je deviendrais quelqu'un. Mais je me dis que quitte à vivre cette vie qui m'est destiné, quitte à suivre les traces de mon père, autant être meilleur que lui, autant faire mieux. Autant m'élever dans la société quitte à enfoncer des portes et des gueules. Personne n’a le droit de nous juger avant la fin, parce que l’homme est capable du meilleur comme du pire jusqu’au bout. Au fond ce n’est qu’au moment de disparaître que l’on peut enfin savoir qui on a été, la fin donne un sens à tout ce qui a précédé.