Don't play fool ft. Takie

Jamais elle n'avait ressenti un stress aussi élevé. Pour son stage à la NASA, ce n'était pas pareil. Elle était à la fois angoissée mais aussi très excitée. Elle en rêvait depuis si longtemps de poser un orteil sur ce sol si convoité. Et pourtant là, ce n'était pas la même chose. Elle est plantée devant le bâtiment de la Adams depuis bien trop longtemps. Et elle a dû envoyer balader trois étudiants qui sont venus lui demander ce qu'elle voulait. Peut être qu'ils pensent qu'elle vient poser une bombe dans leur bâtiment avant de détaler comme un lapin. Au fond d'elle, elle préfère ça plutôt que de faire ce qu'elle va faire. La conversation avec Kieran l'a beaucoup fait réfléchir. Et elle ne voit qu'une solution cette fois. Passant ses deux mains sur son visage, elle se met à chouiner. Kieran il a raison, elle mérite d'être heureuse. Mais elle mérite aussi de savoir. Elle écrase sa cinquième cigarette fumée bien trop vite et attrape son courage à deux mains pour gravir les marches de la maison. Même le chewing gum à la menthe qu'elle vient de fourrer entre ses lèvres n'accélère pas le temps. Jamais de sa vie elle n'a au l'impression de mettre aussi longtemps à monter un putain d'escalier. Et si les marches lui semblèrent immenses et ses jambes extrêmement lourdes, la porte de la chambre de Taeil se retrouve déjà devant elle. Elle cligne des yeux, peu consciente du temps et de l'espace qui l'entoure désormais. Le silence du couloir vient presque à accentuer le bourdonnement de ses oreilles, un mal de tête qui commence alors à montrer le bout de son nez. Courage, courage, qu'elle se lance comme si ça allait aider à quoi que ce soit. Au fond, elle sait comment tout ça va finir et elle n'en a pas envie. Mais rien ne peut durer comme ça. Ni pour lui ni pour elle. Elle donne quelques coups contre la porte, espérant qu'il ne soit pas. Alors qu'elle sait bien qu'il est là. Il ne peut être que là ou à la bibliothèque. Non en fait, elle prie vraiment pour qu'il ne soit pas là. Mais, il ouvre la porte et elle se tend soudainement. « Qu'est ce que tu fous là ?! » Puis, elle réalise ce qu'elle vient de dire et secoue la tête. « Enfin non, c'est pas ça que je veux dire !! » Si carrément. Elle claque sa langue contre son palais, agacée. Et elle le pousse dans la chambre rapidement, tant pis s'il braille. Elle est habituée maintenant. Le tout est de ne pas pleurer. Elle ferme la porte et s'empresse de chercher le moyen de la verrouiller, ça lui éviterait de camper devant la porte pour l'empêcher de se sauver. « Il faut qu'on parle !!! » Et elle est un peu agressive parce que ça la stresse beaucoup beaucoup.

Les yeux rivés sur l'écran, manette en main, seul le son de sa voix vient briser le silence de la pièce. Il râle Taeil, comme toujours. Mais pour une fois, ce n'est pas contre quelqu'un qu'il s'énerve, non. Un jeu-vidéo. La voilà l'origine de son agacement. Trois fois qu'il vient de perdre la vie tout juste avant de tuer un boss. Alors ouais, il commence à perdre patience. Parce qu'il n'y arrive pas et qu'il en a tout simplement marre, d'être bloqué au même endroit depuis trente minutes. Il en a marre mais il réessaie, encore, espérant de tout son être que cette fois sera la bonne. Et il est tellement concentré sur l'action qu'il n'entend pas tout de suite les coups frappant contre sa porte. Y a un temps qui s'écoule, trente secondes, une minute peut-être avant que ses neurones ne connectent. Jeu mis en pause, il se relève et s'avance vers la porte, en pleine réflexion. Qui ça peut être ? Leon ? Non, il lui aurait envoyé un message avant. Hum, un Adams sans doute mais pourquoi ? C'est l'air curieux qu'il ouvre finalement la porte et quelle n'est pas sa surprise lorsqu'il découvre Sukie qui lui fait face. Les lèvres entrouvertes, il n'a même pas le temps de dire quoi que ce soit qu'elle l'agresse. Comment ça qu'est-ce qu'il fout là ? Humpf, ce serait plutôt à lui de poser cette question. Sourcils froncés, il la regarde de travers, dans l'incompréhension totale. Qu'est-ce qu'il lui prend au juste ? Est-ce qu'elle a bu ? "Qu'est-ce que..." elle fout ? À le pousser de la sorte dans sa propre chambre ? Personne ne pousse Taeil Winston. Les yeux ronds, il regarde à droite à gauche sans comprendre, ses deux pieds qui reculent malgré lui. "C'est quoi ton problème ?! Qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi tu verrouilles la porte ?" Qu'il lâche, une once de panique dans la voix en l'observant tourner la clé à plusieurs reprises dans la serrure. Il comprend vraiment rien à ce qui se passe et ça le rend fou. Elle a définitivement un problème, cette fille. "Quoi ? De quoi tu veux parler ?" Pourquoi est-ce qu'ils doivent parler ?

La porte verrouillée, elle est déjà abasourdie par les plaintes de Taeil et ses quarante questions. Elle fronce les sourcils, grimace, s'agace même. La demoiselle n'oublie pas toutes les questions auxquelles il ne répond jamais quand elle les pose. « Ta gueule avec tes questions !! » Qu'elle lâche sèchement. Non, elle ne compte pas se laisser faire cette fois, s'écraser comme elle le fait à chaque fois. Même avec lui. Elle pivote vers lui, l'observe et son cœur s'emballe. Elle doit passer au dessus la beauté de ses traits, même avec son visage fermé. Elle doit passer au dessus de son air de chien battu, de poussin affolé. Et surtout, Sukie elle doit s'affirmer. « On doit parler, c'est tout. De plein de choses. Plein de choses parce que j'en ai marre de me taire, de m'écraser devant toi. T'as qu'à me crier dessus comme tu le fais à chaque fois ça changera rien. T'as qu'à me frapper si ça te soulage aussi, c'est pas grave tu seras pas le premier à l'avoir fait... » Elle serre la mâchoire trop fort, inspirant légèrement. Elle a besoin de courage Sukie, d'enfin se faire une place dans ce monde où personne ne veut d'elle, où elle ne se sent à sa place nul part. C'est elle qui se pousse toute seule hors de sa zone de confort en ce moment, à retourner voir des gens à qui elle ne parlait plus, à essayer de flirter avec un iceberg sur pattes. Peut être qu'elle devrait plutôt lui dire merde et l'oublier complètement. Mais c'est pas ce qu'elle veut Sukie. Elle veut plus que la vie décide à sa place. Elle veut faire les choses pour elle et rien que pour elle. Alors, c'est égoïstement qu'elle se trouve dans cette chambre, à le forcer à l'écouter. Et ça se voit qu'il en coûte à Sukie d'être là. « Je te laisserai pas te défiler cette fois. J'ai des questions à te poser. Mais je te connais, tu vas encore vouloir les esquiver. Alors c'est simple, tu me réponds oui ou non, rien de plus. Si tu veux pas répondre, c'est que c'est un non. Quoi qu'il en soit, je sors pas d'ici sans mes réponses. Mais sache que si tu me mens juste par peur de dire la vérité, tu devras en assumer les conséquences. Il n'y a pas de retour possible. Parce que je continuerai pas comme ça. » Et même si elle doit ne plus lui parler définitivement, alors ce sera comme ça.

C'est au moins une centaine de questions qui lui traversent l'esprit en cet instant. Des questions qui restent bien évidemment toutes sans réponse, Sukie ayant visiblement décidé de ne pas coopérer cette fois-ci. Il est paumé Taeil. Parce que même quand il ne fait rien, ne demande rien à personne, la voilà qu'elle l'agresse, et dans sa propre chambre en plus. Il est tellement paumé qu'il a l'impression de se noyer, à l'intérieur. Y a même plus de son qui sort de sa bouche tant il est surpris - choqué serait plus juste - par le comportement de la brune. L'air ahuri, sourcils froncés, il l'observe déblatérer ses mots avec colère ou plutôt... agacement ? Hum, il a surtout l'impression qu'elle lui en veut pour quelque chose et que tout s'apprête à lui tomber en pleine face dans un instant. Et non, il ne voit vraiment pas de quoi elle peut bien vouloir lui parler qui soit si urgent au point de se déplacer jusque ici sans prévenir en l'agressant de la sorte. Voilà pourquoi il ne traîne jamais avec des filles Taeil, parce qu'elles sont source de problèmes, en plus d'avoir toujours quelque chose à vous reprocher. La preuve ? Juste là, devant lui. Et il en croit pas ses oreilles, lorsqu'elle lui explique avoir fermé la porte pour l'obliger à répondre à ses questions. Est-ce qu'elle est consciente que ce qu'elle fait là, c'est de la séquestration ? Probablement pas. Ou peut-être qu'elle n'en a juste rien à faire. Répondre par oui ou par non, en assumer les conséquences... Mais de quoi est-ce qu'elle parle à la fin ? C'est vraiment trop demandé de lui donner quelques explications ? Tout ça là, c'est complètement ridicule. "Arrête de me parler comme si j'étais accusé de meurtre ou quelque chose du genre !" Qu'il rétorque, mécontent, lorsqu'elle lui laisse enfin l'occasion d'en placer une. "Dis-moi juste de quoi tu veux parler au lieu de tourner autour du pot depuis une heure." Prenant à son tour un air déterminé, il la regarde, bras croisés, sourcil haussé, attendant qu'elle lui dise ce que tout cela signifie.

Il faudrait qu'elle se calme mais elle n'a pas envie de se calmer maintenant. Plus maintenant. Tout le monde lui chie dessus sans aucun pression, la maltraitant à leur guise comme si elle n'était qu'une simple poupée de chiffon. Et même si c'est Taeil qui prend cette fois, qu'il ne se dise pas qu'il est le seul. Son père en a également pris pour son grade après avoir eu des réactions complètement nulles, laissant alors Sukie sur le carreau. Il n'a fait qu'enfoncer cette idée qu'il ne sera jamais un bon père malgré qu'elle s'était battue avec sa mère à ce sujet. Elle l'a trop idéalisée Sukie et maintenant, elle se rend compte qu'elle n'est qu'une idiote naïve. Evie avait raison sur toute la ligne et son père lui a bien prouvé. Elle fait une moue boudeuse, un peu comme une enfant qui n'a pas envie de faire ce qu'elle fait. « Je crois que je préférerai... » Qu'elle marmonne pour elle même. Qu'il soit accusé de meurtre ou autre chose. Au moins là, elle saurait à quoi s'en tenir. Mais voilà, Taeil, il a trop d'assurance à ses yeux. Et surtout, il est trop grand par rapport à elle. Alors qu'il se redresse de toute sa hauteur, croisant les bras contre sa poitrine, Sukie doit lever les yeux vers lui un peu plus haut. Et elle se sent minuscule face à lui. Sa taille reste impressionnante. La jeune femme se sent mal, sa tête tourne soudainement mais elle se refuse à se démonter et elle croise les bras à son tour, comme lui. Elle redresse les épaules pour montrer qu'elle n'est pas impressionnée, ressemblant bien plus à un panda roux essayant d'être menaçant qu'autre chose. « Oui bon bah ça va !!! Lâche ma manche un peu, je prends le temps de bien faire les choses pour rien oublier !!! T'es chiant là merde !! » Sa voix vacille, tremble et elle n'est pas très téméraire Sukie. Malgré tout, elle s'énerve parce qu'il lui met la pression, l'angoisse encore plus. La tension qui grimpe ne va pas aider. « Quand tu disais que j'étais pas seule, tu parlais de toi ?? » Et la question elle aussi est un peu agressive, parce qu'elle a besoin d'avoir sa réponse. « Tu ne réponds jamais à mes questions, tu t'énerves même parfois, je te mets mal à l'aise ?? » Son cœur bat trop fort dans sa poitrine, sa respiration devient trop rapide pour elle. La pièce tourne autour d'elle et elle se laisse tomber contre la porte pour ne pas finir par s'évanouir sur le sol de cette chambre. Elle est sûre que Taeil la laisserait là, peut être qu'il la pousserait avec un balais pour la ranger dans un coin le temps qu'elle se réveille. Et lui, il reprendrait sa partie comme si tout allait bien.

Vous trouvez pas ça incroyable vous ? C'est elle qui débarque comme une hystérique dans sa chambre et lui impose qu'il réponde à chacune de ses questions comme si elle était la juge de son procès mais c'est lui qui le relou qui devrait la lâcher ? C'est le monde à l'envers. Il a du mal à croire ce qu'il entend tellement cela lui paraît insensé. Et c'est pour cette même raison qu'il ne prend plus la peine de répondre, comprenant déjà que c'est peine perdue. Il ne sait pas ce qui lui prend à Sukie mais il préfère la laisser dans son monde jusqu'à ce qu'elle ne se décide enfin à lui balancer ces foutues questions. Bras croisés il attend, se demandant vraiment ce qu'il a bien pu faire pour mériter ça. Grimace qui vient aussitôt creuser ses traits à la question de la jeune femme. Elle est vraiment sérieuse là ? "J'arrive pas à croire que t'es toujours là-dessus !" Consterné, il laisse retomber ses bras le long de son corps, un soupir de désespoir s'échappant de ses lèvres alors que son regard lui, se porte vers le plafond comme un appel à l'aide. C'est vraiment pour lui demander ça qu'elle vient de faire tout ce cinéma ? Incroyable. Comment est-ce qu'elle peut encore y penser des jours plus tard ? N'importe quoi. "C'est tes questions qui me mettent mal à l'aise, pas toi. Tu veux toujours savoir ce que je pense ou que je te donne des explications, même quand je dis quelque chose de sympa !" C'est si difficile que ça de comprendre qu'il n'est pas comme elle ? Qu'il n'aime pas et ne sait pas montrer ce qu'il ressent ? "Tu remarques même pas quand je fais des efforts parce que t'es trop occupée à réfléchir et essayer d'interpréter tout ce que je dis." Qu'il ajoute plus calmement, le regard mécontent rivé sur elle. Et lui, il ne remarque pas qu'elle semble à deux doigts de faire un malaise, aveuglé par sa propre fureur, comme toujours.

Est ce que son cœur vient de cesser de battre ou c'est juste la sensation de prendre une autre gifle qui la bouleverse autant ? Et là, elle prend conscience que, comme avec son père, elle n'est qu'une gêne. Et que tout ce qu'elle fait, c'est mal, c'est dérangeant pour les autres. Une cause perdue, c'est ce qu'elle est devenue. Et maintenant, combien de temps avec que les reproches ne se déversent de la bouche de sa sœur jumelle ? Au fond, est ce que Sukie n'a pas meilleur temps de rester seule dans son coin, à ne plus essayer de se familiariser avec les autres humains. Rien dans ce monde n'arrive à effacer cette impression de déranger qu'elle ressent. Elle pince les lèvres, gênée. « T'as raison... » Juste un souffle qui balance les mots à travers la pièce. « À quoi ça sert d'essayer de comprendre les autres quand j'arrive même pas à me comprendre moi même ? » Et si d'habitude elle se serait mise à pleurer, à cet instant elle ne ressemble plus qu'à une page blanche et sèche, vide de tout ce qui pourrait l'animer. Elle et ses émotions, comme envolées loin. « J'ai été trop occupée à me demander pourquoi c'est mon frère qui était décédé et à souhaiter qu'un autre prenne sa place. Trop occupée à me demander pourquoi ma famille était désormais brisée. Pourquoi ma mère refusait de soutenir mon père. Pourquoi ma sœur et moi on s'est éloignées. Pourquoi mon ex a toujours été violent alors que j'ai toujours été gentille avec lui. Pourquoi mon père me sort de sa vie après l'avoir défendu au point de perdre ma mère et ma sœur. Pourquoi toi tu as une PS5 et moi une voiture bonne pour la casse... » Et ses pensées s'envolent alors qu'elle se rend compte de quoi elle parle, essayant de revenir sur terre. Elle se racle la gorge et pose son regard sur Taeil, le dévisageant plus qu'elle ne le voudrait. « J'ai tellement envie de tous vous détester. Vous et vos putains de vies parfaites. Tu n'imagines pas à quel point je t'envie d'être comme t'es, de tout prendre avec autant de détachement. De ne t'inquiéter de rien. Je t'admire tellement pour plein de choses. Ton intelligence si facile qui me donne la sensation d'être stupide et de ne rien savoir... Tu m'impressionnes tellement. C'est pas ton physique qui m'attire. » Et de nouveau, elle baisse le nez, ses épaules s'affaissent et elle lâche un soupir lourd en émotions. « Je donnerai n'importe quoi pour être avec un garçon comme toi. Parce qu'avec toi, je me sens toujours bien et même quand je suis en colère après toi, il me suffit juste de te regarder pour me sentir apaisée. Que j'ai toujours envie de te parler de mes rêves, de la NASA, des étoiles, des livres qui me passionnent. Et t'écouter parler de toi, de ce que tu aimes et te voir froncer les sourcils quand je fais n'importe quoi avec la manette et que j'arrive à être meilleure que toi... » Et même si elle parle facilement, elle sent ses joues chauffer. Elle se racle nerveusement la gorge avant de jeter un coup d'oeil à Taeil. « Excuse moi d'être venue... Mais je pense qu'il vaut mieux que j'arrête de te voir. Je veux plus te déranger. » Excuse moi d'être venue. Elle a l'impression de se répéter. De se revoir avec son père, à l'observer s'écraser et approuver que sa fille n'est qu'une gêne.

Il n'imaginait pas la situation pouvoir empirer et pourtant... c'est pire. Cent fois pire. Parce qu'il n'est pas doué pour faire la conversation Taeil, encore moins pour réconforter les autres. Il a jamais eu à faire tout ça lui, l'enfant solitaire perdu dans son monde. Et dans le fond, elle a raison Sukie. Elle le met mal à l'aise. Pas juste pour quelques questions posées maladroitement non. Si elle le met dans des états pareils, c'est parce qu'elle représente tout ce qu'il n'a jamais connu. Qu'elle le pousse sans arrêt hors de zone de confort pour lui présenter des opportunités auxquelles il ne pensait pas avoir droit. Il s'est toujours senti à part des autres Taeil, une différence avec laquelle il a appris à grandir au prix d'une vie sociale quasi inexistante. Indigne de toutes ces choses banales de la vie quotidienne au point d'en perdre tout signe d'intérêt. Peut-être que finalement, endurer un câlin ce n'est pas si terrible que ça en comparaison. Planté bêtement au milieu de la pièce, il l'écoute parler de son frère, de sa famille, de son ex... Et plus elle lui dévoile des choses, plus il se sent mal. Impuissant. Il ne comprend pas pour quelle raison Sukie lui parle de tout ça maintenant ni le rapport avec lui mais pour une fois, ce n'est pas le pourquoi du comment qui l'importe au génie. Il aimerait être capable de trouver les mots, les bons mais rien ne lui semble approprié face à cette triste passé qu'elle lui dépeint. Il voudrait aussi pouvoir lui dire que sa vie est loin d'être parfaite mais il n'en fait rien. Elle ne lui laisse pas le temps de répliquer la brune, lancée dans un discours qu'il ne saurait interrompre. Et même s'il voulait dire quelque chose, il ne pourrait pas. Parce qu'elle le prend de court, paroles trop rapides pour qu'il ne puisse tout assimiler. Et plus elle parle, moins il lui en veut, la colère ayant laissé place à la confusion. Incompréhension générale teintée d'un embarras profond qui ne transparaît même pas sur ses traits, pas cette fois. Il la fixe en silence, petite moue indescriptible formée par ses lippes pour seul motif d'expression. Et si Taeil ne laisse rien transparaître, s'il a perdu la parole, c'est que tout se passe à l'intérieur. Des mots qui l'apaisent et réchauffent son coeur de glace sans qu'il en ait conscience. Personne ne s'est jamais montré aussi honnête avec lui que Sukie en cet instant présent. Personne ne lui a jamais parlé avec autant de sincérité ni dit d'aussi belles choses à son égard. Il ne comprend pas Taeil. Comment peut-elle l'apprécier de la sorte alors qu'il fait toujours en sorte de se montrer le plus exécrable possible ? Ça n'a pas de sens. Vraiment pas. Alors il ne dit rien, se contentant de la regarder en se sentant bien con. Ce sont des secondes ou minutes peut-être qui s'écoulent avant qu'il retrouve le contrôle de son corps, allant aussitôt s'asseoir sur son lit en soupirant. Et là, il enfouit son visage dans ses mains, toujours en soufflant. Il reste dans cette position un instant, le temps de remettre ses pensées en ordre puis relève la tête vers elle. "Ouais... c'est de moi que je parlais quand je t'ai dit que t'étais pas seule..." De sa soeur et de ses amis aussi mais visiblement, ce n'est pas si simple que ça. "C'est quoi... les autres trucs que tu voulais me demander...?" Elle ne serait pas venue pour ne lui poser que deux petites questions, il en doute.

Est ce qu'elle a parlé dans le vent ? A t-il seulement écouté ? Entendu ? Prend il seulement conscience de ce qu'elle vient de faire ? Le silence est pesant, dérangeant. Sukie se sent mal à l'aise, gênée par le fait qu'il reste de marbre devant tout ce qu'elle a lancé. Le fait qu'il s'éloigne d'elle annonce probablement la couleur. Son cœur s'arrête de battre dans sa poitrine et c'est comme si le temps suspend cette conversation. Taeil la regarde et pour une fois, elle ne sait pas ce qu'elle doit faire, elle ne sait pas si elle le dérange encore ou non. Elle se contente de ne pas bouger, d'attendre que quelque chose se passe. Alors qu'il semble être tombé en phase de réflexion, cherchant sûrement encore une méchanceté à lui lancer à la figure, à la traiter de folle peut être. Mais il semble calme, peut être agacé malgré tout. Alors, elle tripote nerveusement ses doigts, se mordant la lèvre. Peut-elle vraiment compter sur lui comme il le dit ? Elle se plaît à le croire et elle veut y croire si fort. Alors, elle inspire, rassemble ce qu'il lui reste de courage pour enfin parler. « Je ne te plais pas ? Tu préfères qu'on reste des amis c'est ça ? » Parce qu'elle a besoin de savoir où elle va et ce qu'elle pourrait espérer. Elle se contentera de n'importe quoi pourvu qu'il lui dise simplement ce qu'il veut réellement. Et c'est étrange cette envie qu'elle a d'aller l'entourer de ses bras et le serrer contre elle. Mais elle n'en fera rien parce qu'elle sait combien il déteste ça. Et qu'il tient à ce qu'elle respecte la distanciation sociale qu'il a imposé entre eux. Ou, entre lui et le reste de l'humanité. « Après ça, je vais partir... » Parce que ses jambes sont comme du coton et que sa tête recommence à tourner. Et qu'elle a envie de le laisser tranquille pour une fois. Aussi, elle attend simplement les réponses, quelles qu'elles soient. Puis, elle quittera enfin cette chambre.

Il a beau être asocial et différent des autres Taeil, il a pourtant très bien entendu tout ce qu'elle vient de lui avouer. Des mots qu'il a du mal à assimiler et accepter tant ils lui semblent insensés. Malgré son quotient intellectuel largement supérieur à la moyenne, malgré son sens de la logique, il ne comprend pas. Pourquoi est-ce qu'elle lui dit tout ça maintenant ? Elle semble attendre quelque chose de lui mais... quoi ? Alors après deux longues minutes de silence il consent enfin à répondre à ses questions, persuadé qu'il s'agit de la solution à tous ses problèmes. Dans un élan de sympathie, il l'autorise même à le questionner davantage, voyant bien que ça ne va finalement pas le tuer. Une de plus, une de moins, qu'est-ce que ça change au final ? Beaucoup de choses. "Quoi..." Lui plaire ? Rester amis ? Est-ce qu'elle est en train de lui demander de... sortir avec elle ? Est-ce que c'est ça qu'elle essaie de lui faire comprendre depuis tout à l'heure ? Non, non, non. Il ne s'attendait pas à ça. C'est tout sauf ce qu'il aurait pu imaginer. Elle n'a donc toujours pas compris, après tout ce temps ? Qu'il ne s'agit pas d'elle, mais de lui ? Peu importe qu'elle soit belle ou non, peu importe qu'elle lui plaise ou non, il n'est pas là le problème. Taeil, il se fiche de tout ça. Les relations humaines, c'est un sujet qu'il essaie de comprendre depuis des années. Un sujet qui reste malgré tout, toujours aussi flou. À quoi ça sert de serrer quelqu'un dans ses bras ? D'embrasser ? À quoi ça sert de se mettre en couple ? Il ne comprend pas, n'en voit pas l'intérêt. C'est pas Sukie le problème, c'est lui. "Je... Je suis désolé Sukie ok ? Quoi que tu veuilles... ça ne m'intéresse pas. Je pensais que c'était clair..." Depuis le début. La toute première fois qu'ils se sont rencontrés en fait. Ouais, il est un peu surpris que même avec toutes ces barrières qu'il lui impose depuis toujours, elle soit encore intéressée. Quoi qu'elle veuille, il ne peut pas le lui donner.