Je suis mort pour tout ceux qui me tenaient à coeur il y a un peu moins d'un an. J'ai laissé du jour au lendemain, des amis, une partie de ma famille. Je ne leur ai donné aucune nouvelle depuis un accident qui aurait pu me coûter la vie. Avec du recul et une psychotérapie de choc, je sais ce que j’ai vécu avant de revenir dans cette ville. Je me rappelle tout particulièrement de ses yeux, ses yeux d'un bleu lagon. De son sourire, son sourire délicieux qui vous donne envie de le dévorer avant même qu'il ne se termine. Mais je me souviens aussi de notre situation plus qu’ambiguë et chaotique que nous avions eu. À notre dernière entrevue, je l’avais mis mal à l’aise comme d’habitude. Elle ne supportait pas qu’on la remarque. Elle était si belle, envoûtante. Probablement une des seules femmes que j’avais pu aimer à ce point, pour ne pas dire la seule. Mes précédentes conquêtes le prendraient mal, mais elle est, et restera à jamais gravé dans ma mémoire. Je ne me rappelle plus très bien si nous nous étions finalement retrouvés ou pas.
Car oui j'avais merdé à une époque en m'éprenant d'une autre jeune femme. Aujourd'hui je ne regrette rien, Solweig avait été bénéfique pour ma construction personnelle. Nous étions jeunes, insouciants et nous avions même failli devenir parents. Je savais pertinemment que Solweig n'était pas l'amour de ma vie et pourtant j'avais persévéré, détruisant au passage la relation que j'avais noué avec Arwen. Je demeurais tout de même curieux à propos de Solweig, elle avait cet éclat, cette jeunesse, cette façon complètement folle de me suivre dans toutes mes conneries, je l'aimais beaucoup et malgré que je l'avais fait souffrir à maintes reprises, je ne voulais au fond que son bonheur. Notre relation avait été tellement compliqué, nous n'avions pas fait l'unanimité auprès de nos proches. Elle était beaucoup plus jeune que moi, ma demi soeur dont j'avais appris son existence au milieu de l'année n'avait pas apprécié ma relation. Solweig étant sa meilleure amie, elle avait acquis une position inconfortable ne savant pas qui soutenir lorsque nous nous disputions. Ce triangle conflictuel s'était ensuite agrandi en un rectangle, il y avait aussi Jamie, mon demi-frère avec lequel le courant n'était pas du tout passé. Qu'était-il devenu ? Il s'était sûrement régalé en apprenant ma disparition. Lui et moi c'était pas près de s'arranger.
J'avais vraiment choisi les mauvais chemins, les plus sinueux. J'avais mis Solweig enceinte et alors que j'avais pris conscience que j'allais devenir père, Dieu m'avait ôté cette satisfaction. Notre bébé s'en était allé. C'était un signe du destin, je ne devais pas être père à ce moment là, pas le père de ce bout de chou. Heureusement que dans ce moment là j'avais des amies, des épaules sur lesquelles me reposer, Brionny & Elia. Nous avions fait parti du même camp pendant le Summer Camp et nous avions plus que rit. Elles étaient différentes dans leur genre, mais aussi généreuses et sincères l'une que l'autre. C'était deux bonnes amies qui me manquaient terriblement et auxquelles je n'avais pas prêter énormément attention alors que j'aurais dû. Voilà ce que j'avais pu apprendre en prenant du recul, je n'avais pas fait assez attention à toutes ces personnes. Je vivais dans l'instant présent, sans me soucier des uns et des autres. J'avais été en partie égoiste, un trait que je me devais de rectifier le plus tôt possible pour éviter le pire.
Et pourtant malgré toutes ces femmes qui me tournaient autour d'une manière ou d'une autre j'avais trouvé le moyen d'être malheureux. J’avais simplement glissé dans les abîmes du fleuve un soir où je me sentais vide, je n’avais trouvé qu’une bouteille d’alcool pur pour combler cet immense trou en moi. La dernière gorgée avait été de trop, j’avais dérapé sur la berge et avait fini par ne plus rien entendre, ne plus rien percevoir. Je m’étais réveillé plusieurs heures plus tard, j’avais même cru être au paradis, mais un paradis aussi nauséabond, ça m’aurait étonné. J’étais dans un vieu bâteau de pêcheurs. À peine avais-je eu le temps d’ouvrir les yeux que je m’étais mis à régurgiter des tonnes et des tonnes de flotte. Un marin tatoué m’avait retourné pour éviter que je m’étouffe. Il avait baragouiné quelques mots et puis petit à petit j'avais pu me relever. J’étais au milieu de nulle part dans l’océan Atlantique. J’avais sûrement dérivé sur quelques kilomètres vers l’embouchure avant d’être secouru. La prochaine escale m’avait conduit à Miami.
J’avais débarqué dans un lieu que je ne connaissais pas, le climat était plus qu’agréable. Là j’étais enfin au paradis. Mais je n’avais rien en poche, même pas de quoi téléphoner. Tout le monde allait s’inquiéter. Et puis je m’étais laissé porter par mon instinct. J’avais envie de prendre une leçon de vie. J’abandonnais mes rêves pour tout recommencer, quitte à tout perdre. Je saurais au moins où j’en serais en me retrouvant seul face à moi même. J’avais donc dû traverser toute la côte en auto-stop pour rentrer chez moi à Austin. L’endroit où je me sentais le plus en sécurité. J’avais retrouvé ma mère, cette dernière n’avait pas tout compris de mon récit mais m’avait accueilli les bras grands ouverts. Une mère comme ça c’était si précieux. J’avais pu par un miracle absolu rejoindre l’université locale pour poursuivre mon master qui débouchait sur l’obtention du diplôme. Durant tout ce temps j’avais eu le temps de réfléchir à ma vie. Elle était partie en lambeaux en un rien de temps. J’avais en moins d’une année failli être père, quitter celle qui me faisait vibrer. Non j’étais vraiment dans un autre monde. Comment avais-je pu faire de telles conneries. Je m’en voulais, et durant cette longue période de solitude, j’ai appris à me pardonner. Je ne suis toujours pas parfait, mais je tente de m'améliorer comme je le peux au quotidien. De toute façon, je devais me reprendre en main et devenir un minimum adulte. Après avoir obtenu ce maudit diplôme et après cette cure de désintox de conneries, j’étais prêt à faire face à ceux que j’avais quitté brusquement, ceux à qui je n’avais donné aucune nouvelle et qui avait probablement dû croire dur comme fer en ma mort.
De toute façon une épave de plus ou de moins au fond de ce fleuve n'aurait pas fait la différence pour certain. C’était en tout cas ce que je comptais découvrir en retournant là où j’avais commis tant d’erreurs, étais-je déjà oublié ? Où en était-elle aujourd’hui ? Qu'étaient-ils devenus ? Je redoutais ce moment comme la peste. Une chose était sûre j’avais tout planifié à l’avance. Appartement, plan d’approche. Ma métamorphose en étonnera plus d’un. Même si j'avais fait un travail énorme sur moi même et que je referais plus les mêmes bêtises, je m'étais endurci, refermé sur moi même. Les retrouvailles n'allaient pas se faire forcément dans la bonne humeur, j'allais en apprendre des vertes et des pas mûres, mon caractère d'impulsif reviendra forcément au galop. À moi de me tempérer et de suivre les bons chemins. C'est si facile de glisser du mauvais côté...