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mercredi 09.02.22
Tu sais, mine de rien, je t'ai vu évoluer. Et je ne parle pas nécessairement du fait que j'ai pu te voir grandir au sens propre du terme - certes, c'est le cas ; mais je parle bel et bien de tous les autres changements. Ton caractère, tes mauvaises manies et habitudes, ta vie. J'ai connu ton passé de Don Juan peu gentleman - à vrai dire, j'ai même eu un rôle relativement sympathique. Des parties de jambes en l'air par-ci, d'autres par-là ; des pauses lorsque tu étais en couple avec je-ne-sais-qui car j'ai toujours refusé, et refuserai toujours, d'être l'amante de qui que ce soit ; puis des retrouvailles endiablées. Ça me convenait. Je m'en fichais tant que nous prenions notre pied, en réalité. Puis tu as commencé à évoluer. Doucement... laborieusement au départ, même... mais sûrement. Les plus ambitieux pourraient évoquer ce métier qui te fait vibrer, que tu prends sincèrement à cœur et qui te va bien. Mais, surtout, il y a eu cette petite Louise qui a décidé de pointer le bout de son nez un jour, de débarquer dans ta vie et de tout chambouler pour s'y faire une place. Et, avec le recul, j'ai l'impression qu'il n'y a qu'un bébé pour nous faire ça. Bousculer un quotidien, une vie entière, en l'espace de quelques secondes. « Je me doute, que ce n'est pas toujours facile. » Ma voix s'adoucit. Mon regard aussi, bien qu'il soit toujours fuyant. Toi aussi, il t'a fallu endosser un rôle pour lequel tu n'étais pas prêt. Il t'a fallu embrasser ce rôle, l'accepter. Et te jeter corps et âme dedans aussi, je suppose. Peut-être que ce n'était pas gagné au départ, mais finalement, tu l'incarnes désormais pleinement, ce rôle. Tu es arrivé à la fin de ce chemin depuis un moment déjà ; et moi... on vient de me jeter au tout début du même chemin. J'ai les genoux bien écorchés, les chevilles foulées. Comment est-ce que je suis censée faire, pour avancer ? « Je me suis toujours dit que je ne voyais pas ma vie sans enfants. Quand on me demande combien j'en veux, je réponds quatre. Ou cinq. Mais dans ma tête, ça ne se passait pas comme ça. Ça... devait se passer autrement. » Ça m'arrache la bouche de le penser, mais je dois avoir un côté niais dans le fond. Parce que depuis le jour où je sais que je veux autant d'enfants, je me dis que ça sera avec une personne qui signifie beaucoup pour moi. Une sorte de projet de vie, à deux. Le truc bien traditionnel, quoi. Une grossesse prévue, vécue, menée à bien. L'opposé de ce qu'il vient de m'arriver. Une grossesse plus que secrète alors que je suis en couple depuis peu, un accouchement prématuré, un bébé pour lequel je n'ai pas eu de coup de foudre. Je déglutis, me retiens de me masser le front pour ne pas embêter la coiffeuse. « Tu aurais eu le courage de la faire adopter ? Tu sais que ça m'a traversé l'esprit, aussi ? Et puis... » Je hausse les épaules. Et puis j'ai décidé de la garder, comme tu le sais. Surtout que tu vas la rencontrer d'ici peu. « Peut-être que je demanderais à Edie, nous verrons bien. Mon côté curieuse y pensera, cela dit. Mais tu as fini par gérer malgré tout, Elias. Bon, j'ai plus vu Alizée ou Gaspard interagir avec Louise que toi, mais pour le peu de fois où j'ai pu vous voir tous les deux, je trouve que tu t'en sors très bien. Ta fille t'aime de tout son cœur. »
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