REVALI KRUM ► Tyler Hoechlin

Chaque histoire commence par le début d’une vie. Chaque vie est faite d’au moins une grande aventure. Chaque grande aventure commence par la naissance d’un être au destin déjà tout tracé. Chaque être est unique. Pour être unique, il suffit d’être différent. Il suffit d’originalité et d’apporter sa propre marque à ce monde, de devenir quelqu’un. Ne vous fiez pas aux apparences. Un démon, dans ses mensonges, cachera en toute facilité sa vraie nature aux plus naïfs. Un ange pourra se cacher dans une vieille femme aux allures de monstre. L’enveloppe charnelle d’un être n’est que temporaire. Son âme est éternelle. Faites-en sorte que l’on se souvienne de vous pour votre esprit et non votre corps. Ce récit vous conte l’histoire de Revali Krum, dernier descendant de la famille Krum. Les Krum furent autrefois une influente famille appartenant à la Noblesse bulgare mais elle déchut quand le fils Dwilkin, dont le nom fut effacé des registres, eut le tort de penser que le relatif brassage culturel et géographique des castes l'autorisait à s'éprendre d'une jeune femme de la rue. Cette union interdite ruina la famille et ils furent considérés comme des parias. Ne pouvant plus supporter cette situation humiliante, Vasil et sa jeune sœur quittèrent le Vieux Continent à l’Aube du premier conflit mondial en 1914 pour s’installer aux Etats-Unis d’Amérique. Ainsi démarra leur nouveau chapitre, mais c’est bien celui de Revali qui nous intéresse aujourd’hui, n’est-ce pas ?

March 23rd, 1992. Midnight… Début d’un nouveau jour. La nuit était tombée depuis déjà quelques heures. Le ciel était sombre mais dégagé, laissant apparaître une belle lune ronde encadrée par une multitude d’étoiles. Une légère brise se leva comme pour annoncer un vent nouveau, l’arrivée d’un bouleversement pour Dragomir et Emma Krum. Ceux-ci firent leur première rencontre dans les locaux de la NASA, où ils travaillaient tous les deux depuis quelques années. Ils ne mirent guère du temps avant de s’amouracher l’un de l’autre et ils finirent par se marier quelques mois plus tard au début de l’année 1991. Cet amour mutuel et puissant engendra une nouvelle vie qu’ils attendaient avec une certaine impatiente.

L’humidité flottait dans l’air, comme si un point d’eau se situait à quelques pas de l’endroit. En effet, entre quelques arbres une maisonnette trônait fièrement, une légèrement fumée s’échappant de la cheminée de pierre. La lumière perçait à travers les fenêtres et des ombres prouvaient la présence de vies humaines dans la chaumière. Non loin, un léger clapotis se faisant entendre, résonnant doucement. Quelques gouttes glissaient le long d’une petite cascade d’eau douce, percutant parfois dans leur trajet naturel des rochers. Les mouvements dans l’habitation se faisaient de plus en plus rapides. Une chose importante se préparait. Puis plus un bruit. Plus aucun signe de vie. Quelques secondes s’écoulèrent comme ci le temps s’était arrêté mais un couinement retentit. Des pleurs de bébé vinrent briser ce silence inquiétant. Dans la chambre, Emma était allongée sur le lit, dans un piteux état. Son front et sa robe de nuit étaient trempés de sueur et les draps souillés de sang. Elle fit un sourire fatigué à son mari qui se tenait près du lit. Nouveau père au sourire ravi et au regard ému, il ne cessait d’observer la petite chose enroulée dans une serviette entre ses bras. Un merveilleux poupon s’époumonait pour faire valoir sa présence. Petit garçon au visage d’ange, le destin lui promettait déjà de grandes choses. Des étapes difficiles, certes, mais un jour, il deviendrait un grand homme. La sage-femme nettoya prestement le petit chérubin avant de le tendre à son père, qui se tourna vers son épouse avant de donner officiellement le nom de leur enfant. Revali Vasil Krum, son deuxième prénom faisait bien évidemment référence à son arrière-arrière-grand-père qui fut le premier à s’installer aux Etats-Unis.

Bien vite, il grandit, ne laissant aucun répit à ses pauvres parents. Petit garçon espiègle, il se mit debout très tôt, commençant déjà des petites bêtises dans les premières années de sa vie. Entouré de parents qui le choyaient allègrement, Vali ne pouvait être qu’heureux. Sa mère s’occupait de l’entretien des locaux de la NASA, bien qu’elle ait toujours eu comme rêve de devenir styliste. Son mari s’occupait de la maintenance. Malheureusement, leurs métiers n’étaient pas les mieux rémunérés, aussi dussent-ils se contenter d’offrir une vie saine à leur fils, puis à leur fille née en 1998. Ses parents rêvaient de les couvrir de cadeaux et de jouets comme tous les jeunes de leur âge, mais ils se contentaient de lui offrir tout leur amour. Les vêtements qu’ils portaient étaient souvent des créations originales de leur mère ou plus vraisemblablement des habits de seconde main. Mais cela n’avait jamais dérangé le petit garçon, qui sous ses airs espiègles, prompt à faire des bêtises, était très mûr pour son âge. Âgé de onze ans, il était encore trop naïf et insouciant pour se douter que la vie lui réserverait des surprises, des doutes, des pleurs et autres sentiments encore inexplorés.

L’année 2003 marque un sérieux tournant dans la vie de Revali. Ses parents, sa petite sœur étaient tout ce qui comptait pour le jeune garçon et il aimait tellement son quotidien. Pourtant le soir du cinquième anniversaire de sa petite sœur, tout bascula. Portant gracieusement le gâteau d’anniversaire de Mipha, leur mère s’écroula devant eux et leur père se précipita aussitôt pour la secourir. Le petit garçon se chargea d’appeler les secours, en pleurs, n’arrivant pas à s’exprimer mais il criait continuellement que sa mère venait de tomber. Un soir de chaos. Revali pleurait, sa petite sœur pleurait, Dragomir essayait de réveiller sa femme mais celle-ci restait immobile malgré toutes les prières de la famille. Finalement après de longues minutes d’attente, les secours arrivèrent mais il était déjà trop tard pour sauver Emma. Le médecin en charge de son dossier confirma l’heure de décès quelques minutes son admission aux urgences. La cause de sa mort demeurait un mystère à ce jour mais le jeune Revali n’en avait cure ; il venait de perdre sa mère qu’il aimait tant. Il passa les journées suivantes, enfermé dans sa chambre pour pleurer tout son soûl. Cependant le jour de l’enterrement, il ne pleura pas. Il se contenta de serrer fortement la main de sa sœur qui sanglotait à ses côtés.

La perte de sa mère rendit Revali très solitaire. Il n’appréciait pas vraiment la pitié qu’il lisait dans le regard de ses camarades de classe quand ils venaient lui parler. Il plongea plus assidument dans ses études. Les seuls moments où il accordait une quelconque attention à sa vie sociale, c’étaient lors de ses entraînements et matchs de base-ball. Il pratiquait ce sport populaire depuis l’âge de sept ans – il évoluait même en Little League avant de commencer le collège – et ses entraineurs le considéraient comme une vraie pépite. Il évoluait au poste de lanceur mais il préférait être un joueur de champs. Fan des Astros, il espérait qu’un jour, il deviendrait professionnel au sein de la franchise de sa ville. Malheureusement, un terrible événement survenu lors d’un match pendant sa deuxième année de secondaire, lui coûta une carrière prometteuse en tant que professionnel. Ce jour-là, il a reçu une balle rapide au niveau de la tempe gauche. La puissance de l’impact brisa son casque à cet endroit et le jeune homme s’écroula par terre. S’il s’est relevé au départ, il perdit connaissance dans le véhicule des secouristes. Tout le monde crut qu’il ne survivrait pas mais c’était un battant. Son chirurgien le sauva mais il resta dans le coma pendant plusieurs mois. Il ne se réveilla qu’au mois d’avril 2009. Cette nouvelle fut accueillie par tout son peuple dans une grande clameur.

Il quitta l’hôpital deux mois plus tard, puis il entama un processus de rééducation qui lui permettrait de reprendre rapidement ses études. Le proviseur de son lycée est venu à sa rencontre afin de discuter de son avenir et ensemble, ils ont conclu qu’il devrait recommencer sa deuxième année de secondaire. Il avait manqué énormément de cours et même s’il était capable de rattraper son retard, ça serait mieux pour lui. Il pouvait mieux préparer son admission à l’université d’Harvard où il devrait bénéficier d’une bourse. Cependant il avait bien remarqué que ses études étaient financièrement inaccessibles pour lui, même avec une bourse. Son livret d’épargne avait la somme suffisante pour ses frais d’inscription mais il ne pourrait pas vivre avec le peu d’argent qu’il possédait. Il a donc passé un marché avec son professeur principal et son proviseur : ceux-ci l’autorisaient à travailler à mi-temps, à condition que ses études n’en pâtissent pas. Cela n’arriva pas parce que ses ambitions de rejoindre Harvard s’intensifièrent au fil des mois. Il souhaitait intégrer la meilleure université du monde pour devenir le meilleur des neurochirurgiens. La tumeur au cerveau de sa sœur, déclarée quand la petite fille a eu dix ans, était sa principale source de motivation. Il réussit brillamment sa dernière année de secondaire et après une longue attente, la réponse de l’université d’Harvard fut positive quant à son admission. Début septembre 2011, il commença son cycle « undergraduate » de quatre ans pendant lesquelles il fit de son mieux pour avoir une vie étudiante distrayante. Il remarqua bien vite qu’il ne parvenait pas à s’intégrer pleinement à sa confrérie, alors il prit la décision de quitter celle-ci après l’obtention de son Bachelor. Ensuite il fut accepté dans la faculté de Médecine de l’université d’Harvard.

En octobre 2015, sa sœur et lui se rendirent en Caroline du Nord pour passer un moment en famille, puisque la plus jeune de leur tante vivait dans les environs de Charlotte. L’ouragan Joaquin perturba leur petit séjour ; ils furent bloqués pendant des heures dans un magasin en compagnie d’une jeune femme, dénommée Jay. Pour égayer un peu l’ambiance, elle s’était mise à chanter. Une chanson qu’il ne connaissait pas, sûrement une composition de la jeune femme mais les paroles résonnaient toujours dans l’esprit du jeune homme depuis tout ce temps. Il n’a jamais eu la chance de revoir cette jeune femme mais il a entendu sa voix un jour à la radio et il sut immédiatement que c’était elle. Il ne pouvait pas oublier cette jeune femme qui avait mis du baume au cœur dans sa vie morose. Il s’empressa d’acheter le premier album de la jeune femme, qui était devenue la chanteuse préférée de sa sœur. Un jour, ils se rendirent à l’un de ses concerts mais ils furent trop loin de la scène pour qu’elle puisse les reconnaître. Il s’est promis qu’un jour, il la retrouverait pour la féliciter de sa réussite. Une réussite qui devint une nouvelle source de motivation pour Revali. Il se contentait du peu qu’il avait pour être « heureux » : sa sœur qu’il aime plus que tout au monde, les chansons de Jay, ses études de médecine et son travail de cuisinier. Il aurait voulu ajouter son père dans cette liste, mais celui-ci les a quitté fin 2019 après avoir lutté pendant une dizaine d’années contre la maladie de Parkinson.