Une pluie glaciale avait persisté toute la journée, assise au fond de son siège elle avait le visage collé contre la vitre côté passager. Anna ne dérocha pas un mot de tout le trajet, elle s'entêtait à lui faire la tête et elle n'en savait même plus la raison. Elle jeta un bref regard en sa direction esquissant alors un sourire en apercevant son visage parfait. La pluie ne cessa pas de tomber, dispersant alors les nappes de brouillard, son attention se porta de nouveau sur le paysage extérieur, mais il faisait bien trop mauvais pour qu'elle puisse voir quoi que ce soit. Annabeth fut surprise par l'obscurité soudaine, la nuit venait de tomber d'un seul coup, comme s'ils n'avaient pas eu le temps de voir le soleil se coucher. Son corps se raidit, elle avait une mauvaise impression, comme si quelque chose allait se passer et ce temps n'arrangeait pas ses inquiétudes. La blondinette posa à nouveau son regard sur le conducteur, contrairement à elle il semblait confiant, il n'avait pas peur d'affronter cette obscurité et ce temps ne semblait pas l'inquiéter plus que ça. Sans crier gare des phares perça la pénombre, elle n'eut qu'un petit moment pour ouvrir la bouche et prévenir le conducteur. Il ne fut qu'un instant pour que la voiture soit soulevée et lancée d'une telle force vers le côté, son corps s'envola littéralement, la pression de la ceinture de sécurité contre son corps se fit si forte que son souffle fut coupé, tandis que sa tête vint heurter le tableau de bord avant de revenir taper contre le siège. Une poupée de chiffon voilà ce qu'elle était devenue le temps d'une minute, incapable de contrôler quoi que ce soit, elle laissa aller son corps. La voiture retomba avec fracas sur le sol, elle avait fait plusieurs tonneaux avant de se stabiliser. Après cela ce fut le trou noir, ne se rappelant que de très peu de choses de cet accident. Lui, il n'a pas survécu, il a succombé à ses blessures, il n'a pas souffert prétendirent les médecins. Le monde d'Anna s'écroula petit à petit, la seule dernière personne à qui elle tenait vraiment, sa moitié, celui qu'elle considérait comme son frère, était morte à ses côtés.
Ils se sont aimés, ils se sont déchirés. Elle l'a trouvé, celui qui la fait perdre pieds, celui qui en seul regard lui donne cet effet papillonné au fond de son estomac. Elle ne peut lui résister, il est mauvais pour elle, elle a fini par le comprendre, bon nombre de fois elle s'est retrouvée brisée par lui, mais elle ne peut rien y faire, il l'a hypnotisé et elle ne peut s'en détacher. Il la rend dingue, elle l'aime et l'aimera probablement toujours, mais son amour a changé, elle ne le voit plus comme elle le voyait autrefois. Rêveuse, elle s'imaginait un preux chevalier sur son cheval blanc, vivant d'amour et d'eaux fraiches, mais le conte de fée dérive rapidement pour laisser place à de la souffrance. Les contes de fées sont pour les imbéciles. Elle souffre de cette relation, cela finit par la détruire de jour en jour et pourtant, lorsqu'il revient vers elle, elle ne peut le repousser, car elle est dingue de lui. Elle ne sait plus quoi faire, tirer un trait? Déjà tenté, mais cela ne rime à rien puisqu'elle ne tient même pas ses propres promesses, il la captive, il la détruit et pourtant cela semble lui convenir, jusqu'au jour ou tout basculera, elle espère que ce jour finira par tomber afin de lui faire ouvrir les yeux, elle n'est pas qu'un simple jouet, elle a un cœur, un cœur qu'il ne cesse de briser avec ses frasques. Elle le veut bien, en un claquement de doigt elle pourrait lui fermer la porte au nez, mais c'est trop dur pour elle, car l'amour la rend si faible, elle perd pied et ne sait pas où tout ceci va finir par la mener.
Allongée sur le sol de sa cuisine, les bras étendus, fixant ce plafond d'un blanc éclatant cela en deviendrait presque aveuglant, son cœur raisonnait dans ses tempes, ses paupières se firent de plus en plus lourdes, plus besoin de lutter, elle était prête à sombrer dans cette vaste obscurités. Son corps entier brulait, elle bouillonnait intérieurement, souffrance, comme si cette torture n'avait aucune conséquence sur son état d'esprit, elle se mit même à sourire, elle se sentait prête, prête à en finir, finir avec toutes ces merdes que lui avait gentiment offerte la vie, parents trop absents, son meilleur ami mourant sous ses yeux, se sentant impuissante face à cet évènement, elle se détruisait de l'intérieur avec toutes ces merdes qu'elle prenait, stupide dépendance dont elle ne pouvait se débarrasser, elle jouait avec le feu et aujourd'hui elle avait fini par s'en brûler les ailes. Sombrant, elle n'avait plus conscience du lieu où elle se trouvait, elle l'avait attendu presque toute sa vie, ce moment, voilà le moment fatidique. Une voix perturba ses pensées, impossible pour elle d'ouvrir ses paupières pour en trouver son détenteur, elle s'en foutait royalement, on la bouscula, une pression se fit contre son bras, elle ne bougea pas, l'envie n'était pas là et elle était dans l'incapacité de faire le moindre mouvement. Son prénom, quelqu'un prononça son prénom, un appel, elle semblait bien trop têtue pour y répondre, même si elle l'avait voulu, elle aurait été incapable d'ouvrir sa bouche, elle avait conscience qu'il y avait quelqu'un d'autre, mais c'est comme si elle avait perdu le contrôle de son corps. Déplacée, gentiment frappée, rien ne pouvait la faire sortir de cet état. Retrouvant le contact du sol, quelque chose vint percuter violemment sa joue, un froid glacial, son corps se frigorifia, sa joue brûlait par cette température, elle avait le sentiment de se retrouver entièrement nue ensevelie sous un tas de neige, grognant doucement, elle bougea que très légèrement son visage, cela avait le mérite de la faire réagir, ouvrant doucement ses paupières, une salle de bain? Une douche? Elle n'eut pas le temps de comprendre quoi que ce soit qu'on lui enfonça deux doigts au fond de la gorge afin de la faire vomir. Désagréable sensation, même malade Anna priait pour ne pas en passer par là. Posant ses mains au sol, elle cracha, grimaça, grogna, avant de relever enfin son regard vers cette autre personne qui se trouvait dans la même pièce qu'elle, celui qui lui était venu en aide "Laisse-moi crever imbécile" lâcha-t-elle en s'essuyant les lèvres du revers de la main. Quelle sympathique blondinette, est-ce une façon de remercier son héros? Rien à foutre, cet homme ne mérite en aucun cas un tant soit peu de bonté de sa part. Glissant sur le carrelage, elle tendit le bras afin de stopper cette eau, si cela continuait ainsi, elle allait finir par crever d'hypothermie, il ne venait pas de la réveiller afin de la laisser mourir à nouveau, à moins que son but soit de la tuer de ses propres mains... Il lui en empêcha, bloquant ses mains contre sa poitrine, il se colla à elle pour l'empêcher de bouger "Fout-moi la paix" maugréa-t-elle en tentant de le repousser, mais rien à faire, elle était faible, toutes ses forces venaient de quitter son corps à la minute même où elle s'était écroulée sur le sol de sa cuisine. "C'est en partie de ta faute tout ça, dégage, laisse-moi tranquille, je ne veux plus te voir, pourquoi tu ne m'as pas laissée?" hurla-t-elle presque au visage de cet homme avant de reposer sa tête contre son épaule, en pleure, probablement le seul moment où elle s'est sentie aussi faible dans toute son existence, elle était au bout du rouleau, elle avait craqué, ne sachant plus quoi faire. Elle prétendait aller bien, une simple façade pour les gens qu'elle venait à rencontrer, au fond elle était brisée, depuis son enfance, elle souffre, elle a choisi la solution de facilité, il s'en est fallu de peu, mais il l'a sauvé, elle ne voulait pas qu'il vienne à son secours, il voulait qu'il la laisse, qu'il l'oublie comme elle s'apprêtait à l'oublier, sa façon de repousser toute attache possible énerve son entourage, elle ne veut pas de ça, car elle finit toujours par en souffrir, arrivé à un moment son cœur ne pourra plus tenir et finira par lâcher et pour de bon.
Une période bien sombre de sa vie, aujourd’hui? Elle est clean depuis trois ans et demi, elle tente de ne plus toucher à tout ceci, tout comme elle tente de reprendre sa vie en main. Recadrée par sa famille, elle a fini par revenir vers eux. Elle pense toujours à lui, mais cela fait bien longtemps qu'elle ne l'a pas revu, elle ne sait pas comment elle réagirait si elle devait un jour recroiser son chemin, elle ne veut pas savoir, par crainte de tomber à nouveau dans tout ce délire. Elle tente de se concentrer sur ses études, elle ne songe pas retrouver un jour l'amour, vu son expérience, il vaut mieux éviter, mais cela ne l'empêche pas de profiter des autres plaisirs de la vie sans pour autant se poser. C'est une toute nouvelle Anna, mais une Anna toujours rongée par ses vieux démons.