draps saisis machinalement entre mes doigts, le corps allongé sur ce lit qui nous servait de barrière. de rempart. à cette envie qui s'accroit à mesure que les nuits s'enchainent en ta compagnie. tu vas pas tarder à débarquer. j'sais pas pourquoi la conversation a autant dérivé. toi. au fond, j'le savais. j'le pressentais. sinon pourquoi être resté à mes côtés aussi longtemps ? par simple amitié ? tes signaux, je commençais à les percevoir. à me rendre compte que ce désir qui étouffe mes pensées, tu le ressens aussi. peut-être même plus que moi. ça me fait peur. de franchir cette ligne. de me laisser aller avec toi. parce qu'à tout moment, ça peut s'arrêter. ça risque de se terminer. vu ma tendance à tout foirer. t'as l'air si sûr de toi. tu dois avoir l'habitude après tout. de les enchainer. et si j'avais pas juste envie d'être l'une de plus ? j'veux pas être mise au même niveau, en réalité. et je m'en rends compte que maintenant.

Cinq minutes. C'est le temps qu'il s'est donné pour la rejoindre et continuer cette conversation plus qu'intéressante qu'ils ont commencé. Quinze minutes, c'est le temps qu'il lui faut pour laisser son pote en plan, quitter la plage, attraper un taxi et rentrer à l'hôtel. C'est pas faute d'avoir essayé de courir après le temps pour la retrouver au plus vite. Déjà plus d'une semaine qu'ils partagent une chambre, le même lit carrément, alors employer le mot frustration serait un euphémisme pour décrire ce qu'il ressent. Avec Jinx il n'use que des mots, parce qu'elle n'est pas n'importe qui. Le respect trop présent pour oser faire le con avec elle. Sourire un peu niais sur les lèvres, il est prêt à frapper à la porte avant de se rendre compte qu'il n'en a pas besoin, parce que c'est sa chambre à la base et qu'elle l'attend. Ouais. Il était pas nerveux devant son téléphone alors c'est quoi le problème hein ? — Salut... Qu'il lâche avec beaucoup moins d'assurance que d'habitude en entrant, le regard qui se porte aussitôt vers elle par automatisme. La malice présente sur ses lèvres, quoique timide. Il ne sait pas quoi dire. Ni par où commencer. — Qu'est-ce que tu fais ? Seule, entremêlée entre les draps.

l'impatience est réelle. cruelle. impitoyable. tout comme cette conversation. tes mots. je me les repassais en boucle. incapable de raisonner sur autre chose. tout dérive vers toi. main placée sur mon front, juste pour m'assurer de ne pas être fiévreuse. il fait chaud dans cette chambre, non ? j'serai tentée de prendre une douche. me rafraichir et disperser ce doute. tu m'veux moi, n'est-ce pas ? mais ça sous-entend quoi exactement ? les mots ne font pas sens quand je les assemble. ça me parait iréel. dérisoire. stupide. ce raisonnement. cette envie que tu me prennes dans tes bras. ce désir que tu t'empares de mes lèvres. pour en connaitre le goût. curiosité piquée au vif. tu débarques sans prévenir. en même temps, t'es dans ta chambre. j'aurais dû me douter que tu ne toquerai pas. — j'me suis habituée à ton odeur. j'voulais m'assurer qu'elle était toujours présente. semi mensonge que je lâche sans réfléchir. j'pensais à bien trop de choses en réalité. dont cet effluve qui fait pulser un palpitant censé être éteint. — t'as fait vite... j'ajoute, prenant le soin de me relever. assise devant toi. immobilisée. par mon incapacité à faire ce pas. celui que t'attendais.

Il doit sans doute avoir l'air con, planté là au milieu de la pièce, à la regarder. Comme s'il attendait un quelconque feu vert ou pire, qu'elle vienne à lui. Non pas que ça le dérange de la voir ainsi allongée dans le lit, au contraire. Les regards qui se croisent, quelques mots bien choisis et la voilà ravivée, cette flamme qu'il s'entête à ignorer, encore et encore. Ça fait tilt dans sa tête, comme un sentiment de bien être qui s'installe lorsque son esprit déchiffre cet aveu. Il devrait répondre ou sourire, Jonah. Mais il n'en fait rien, pris de court par des paroles qu'il apprécie un peu trop. Déstabilisé ? Sans doute un peu. Il a fait vite ouais, mais pas assez à son goût. — Tu trouves ? C'est qu'il attendait le reproche. Persuadé qu'elle se soit ennuyée pendant son absence. À attendre qu'il revienne pour discuter d'un sujet que ni l'un ni l'autre ne semble vouloir aborder désormais. — Ou tu veux dire vite par rapport à mon temps de retard habituel ? Rictus taquin qui pointe le bout de son nez quand il se décide enfin à bouger pour la rejoindre sur le lit. Toujours dans la retenue.

c'est pas comme d'habitude. j'le perçois. nos âmes ne semblent pas communiquer. demeurant distantes. et les corps gênés n'aident pas. je me suis assise, mais c'est pire maintenant. parce que j'dois te faire face face. c'était plus simple par écrit non ? tentative dérisoire de marquer ton esprit. de t'arracher un sourire. de capter une malice dans ces prunelles. le vide pour seule réponse. silence qui alourdit davantage l'atmosphère. et qui écrase ma poitrine d'un sentiment bien trop désagréable. — ça donne l'impression que tu voulais impérativement être avec moi. avec cette respiration saccadée. ne cherchant plus à t'oxygéner. parce que tu savais qu'une fois face à moi, tu redonnerai vie à tes poumons. cette impression que j'étais dorénavant plus importante que les autres. ça donne envie hein ? pourtant, ces pensées elles sont absurdes. j'le sais bien. — tu m'as manqué je murmure alors que tu fais enfin le premier pas. ne bougeant pas d'un pouce. te laissant pénétrer dans mon espace. dans cette bulle où ton âme seule y était autorisée. tu m'as manqué. quand tu es parti, loin de moi. quand t'as infligé ce besoin à mon myocarde, lui qui n'en avait pas conscience.

Du genre à assumer beaucoup plus qu'à regretter, il se demande pourtant s'il n'a pas fait une erreur. Peut-être n'aurait-il pas dû se montrer si direct et se contenter du flirt habituel ? Sa faute. À ne pas se rendre compte de la puissance des mots avant de les avoir prononcés. Ou d'entendre Jinx parler. Chacune de ses paroles plus intense que la précédente, elle ne lui rend clairement pas la tâche facile. — Peut-être que c'est pas une impression. Peut-être que malgré son retard, il a vraiment fait tout son possible pour être au plus vite auprès d'elle. Une certitude masquée derrière un vulgaire adverbe sans importance. Elle le sait de toute façon, non ? Qu'il est à deux doigts de craquer lorsqu'elle lui murmure les mots de trop. Le regard qui parcourt son visage dans les moindres détails, de ses yeux bleus perçants à ses lèvres pulpeuses sur lesquelles il s'arrête un peu trop longtemps. Bordel. Il perd le contrôle, Jonah. Réduisant de lui-même l'espace qui les sépare jusqu'à ce qu'elle puisse sentir son souffle. Apposant une main audacieuse sur son visage, assez grande pour envelopper joue et mâchoire. — Dis-le encore... Yeux dans les yeux. Dis-lui. Donne lui ce feu vert qu'il attend désespérément.

peut-être que c'est pas une impression. mots qui percutent. qui m'obligent à te regarder. intensément. essayant de déchiffrer le sens de cette conversation. émotions qui s'entassent. qui s'accumulent. sans répit. une plus que les autres. le soulagement. de peut-être enfin avoir la réponse à cette question qui me taraude depuis que j'ai emménagé ici. depuis que mon âme côtoie la tienne au quotidien. suis-je la seule ? à recevoir ces mots ? cette affection ? cette sensibilité que je commence à percevoir ? espace réduit sans que je m'en rende compte. ta main posée sur ma joue. j'retiens mon souffle. mes billes plongées dans les tiennes. le myocarde qui s'anime. j'l'entends cogner. fortement. si tu ne l'éloignes pas jonah, j'risque de franchir cette ligne. j'tiens plus. ton effluve désormais à portée de main affole mes sens. ma main se pose sur la tienne. — tu m'as manqué... jonah... je répète dans un souffle. devenue prisonnière d'un désir qui me contraint qu'à une seule action. celle de m'emparer de tes lèvres. geste inconscient, le corps qui bouge tout seul.  

Discuter. C'est pour ça qu'il est venu à la base. Pourtant, il lui a déjà tout dit, Jonah. Elle l'a toujours su, parce qu'il ne s'en est jamais caché. En couple ou pas, à Boston ou à Miami, c'est du pareil au même. Ce soir, il n'a fait qu'être un peu plus clair, plus direct. Et maintenant qu'il se trouve devant elle, les actions prennent le dessus sur les mots. L'envie sur la raison. Le moindre regard est une tentation, le moindre mot. Alors, quand il sent ses lèvres s'approcher des siennes, il plonge sans retenue. Lui rendant son baiser d'une manière un peu trop motivée, passionnée. Il ne peut pas prendre le risque de la voir s'enfuir. Pas maintenant. Ce moment, il se l'est imaginé bien trop de fois, mais jamais de cette façon. La main encore libre qu'il dépose sur sa hanche pour la faire glisser jusque son cou, la pression de ses lippes qui augmente au rythme de son envie. — Je te veux trop putain... Murmure au creux de l'oreille quand il reprend son souffle. À la recherche de son approbation pour aller plus loin tout en la dévorant du regard.

j'étais devenue déraisonnable. émotions contradictoires qui s'enchainent alors que je succombe bien trop rapidement à cette envie irrationnelle. geste insensé. l'angoisse qui grimpe à mesure que mes lippes saisissent les tiennes. prudemment. cette crainte que tu me repousses. ma poitrine se comprime, rien que d'y penser. désagréable. j'ai manqué de réflexion. mon corps a réagi, instinctivement. tes lèvres trop proches. ta main sur mon épiderme, sensation électrisante. le myocarde galvanisé. j'vois plus ce que tu fais. mais j'sens ton autre main se poser dans mon cou. tu le ressens à quel point je frémis ? à quel point j'suis sensible au moindre de tes gestes ? je te veux trop putain. ça cogne violemment. raz-de-marée qui me submerge. cesse de raisonner. et ressens cette connexion qui s'établit bien trop aisément. j'm'écarte légèrement, t'adressant un sourire rassuré. soulagée. — montre moi... je souffle, avant de retrouver le goût de tes lippes dans une danse aussi passionnée que la tienne. venant agripper tes cheveux à la base de ta nuque. prisonnier de mes envies. montre-moi à quel point tu me veux. à quel point tu veux que je sois tienne.